J'adore l'Oregon.
Sérieux, c'est un endroit magnifique : des montagnes, des forêts, occasionnellement des bûcherons et des étés qui font qu'on se croirait en hiver. Et alors quand on arrive réellement en hiver, c'est limite si on ne s'attend pas à tomber sur
Abbath derrière chaque arbre. Forcément, les groupes originaires du coin ont une légère tendance à jouer dans des catégories plutôt froides et planantes. Ce qui nous amène donc à
Megaton Leviathan, projet du multi-instrumentiste Andrew James Costa.
Oui, ce n'est pas spécialement un gars connu, vu qu'en dehors de son groupe il n'a que brièvement participé qu'à Antikhytera (un groupe de
Doom pas tip top originaire du même coin). Avec
Megaton Leviathan (oui je sais quand on habite un état qui n'a pas d'accès sur la mer, ce n'est pas spécialement bien trouvé comme nom), il peut se lancer dans le vrai truc qui le botte, ce truc dont on a l'impression qu'il est en fait le but de tout musicien installé dans un trou plus ou moins paumé avec accès à un espace naturel : jouer du
Drone. Et comme Andrew n'est pas un gars complètement coupé du monde, il a décidé de teinter sa musique de Post-Rock.
Honnêtement, l'artwork ne donne pas envie de coller l'album dans sa platine CD. Entre le logo fait par le petit frère qui est en train de monter son projet Black
Metal et la photo ultra-cliché d'un paysage arctique, j'ai pendant trente secondes eu la très désagréable impression que j'allais devoir m'enfiler un équivalent américain de
Flegethon. Les russes. Si vous n'avez jamais écouté, vous n'imaginez pas votre bonheur. Mais bref, un album ce n'est pas que juste un artwork banal et un logo foireux. C'est aussi, et surtout, de la musique. Et au premier riff, on sent clairement que
Megaton Leviathan a bien bossé son "
Pallbearer Pour Les Nuls". Avec l'option
Godspeed You! Black
Emperor, pour faire bonne mesure. En clair, ça se veut à la fois lourd et planant. Et c'est surtout lourd, en fait.
On entame donc la bête avec un modeste titre de 13 minutes, tout tranquille et qui va mettre quatre bonnes minutes avant de se décider à inclure du chant dans son alignement d'arpèges aussi cristallines que téléphonées. L'ensemble ressemble clairement à une chute de studio de
Skepticism, pas nécessairement mauvais mais assez passe-partout. Reste qu'on ne s'emmerde pas une seconde, et que le final sur une utilisation fort juste d'un violoncelle vaut son pesant de déprime. Et c'est là que le bas blesse, car "
Past 21" est l'unique chanson de l'album à se finir de manière à peu près correcte.
Si "Foolish Man" se révèle plaisant à l'ouverture, c'est à nouveau grâce à l'utilisation d'un instrument peu commun : un sitar. Car pour le reste, le morceau se contente de dériver d'un bout à l'autre sans vraiment donner l'impression de savoir où il va, en essayant de copier sur
Pallbearer tout en gardant un petit air détaché du genre "non-mais-pas-du-tout-je-ne-regarde-pas-la-copie-de-mon-voisin". L'auditeur, lui, sait clairement ce qu'il ressent : il se fait copieusement chier. L'oreille se dresse un peu sur la copie carbonne d'
Ahab qu'est "Arctic Cell", avant de vite se rétracter devant l'espèce de bouillie sonore shoegaze qu'est "Here Comes The Tears", désastreuse tentative de faire du
Alcest en version
Doom et avec un chant abominablement faux.
C'est finalement tout le paradoxe de
Megaton Leviathan que d'avoir quelques bonnes idées, de savoir correctement les mettre en place pour démarrer mais d'être ensuite complètement incapable d'en faire quelque chose d'un minimum cohérent. Ce qui évidemment pose un problème car, au milieu d'une discographie dans laquelle la crise de fou-rire se dispute avec un 'face palm' quasi-permanent, même
Flegethon a été capable d'un ou deux éclairs de brillance (on n'ira pas jusqu'à parler de génie non plus, hein). Et pour l'instant, ça n'est pas le cas de
Megaton Leviathan. Tout au plus de quelques étincelles. Ceci dit, comme pour
Bunkur, cet espèce de sens de l'improvisation pas réellement maitrisé peut donner quelque chose d'intéressant sur scène, à défaut d'être intégralement supportable sur disque.
Ce n'est donc pas par ce "
Past 21 :
Beyond The Arctic
Circle" que vous remplacerez votre "Monoliths
And Dimensions", loin de là. Mais compte tenu du fait qu'on ne trouve plus aujourd'hui énormément de groupes de
Drone/
Doom qui s'assument réellement en tant que tels, il fera toujours l'affaire en attendant que la paire O'Malley/Anderson nous pondent un nouveau chef d'oeuvre de plus.
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