« Être différent paie, quoi qu'il en soit. Être soi-même et vivre honnêtement laissera toujours un héritage d'authenticité. »
Lady Gaga
Étrange choix que de citer une star de la pop pour célébrer une icône du metal ?
Peut-être est-ce vrai mais il convient de dire qu’Alexi Laiho était un compositeur, un artiste qui ne laissait pas indifférent, décrié par certains comme porté aux nues par d’autres. Qualifié de poser pour les jeunes comme de génie pour certains, il est objectivement l’un de ceux qui redonna un souffle au metal à la fin des années 90, guidé par une jeunesse et une insouciance qui lui permettaient de mélanger les genres et de créer un style unique, bien aidé par une virtuosité et un talent de guitariste hors du commun, encore plus à une époque où le niveau technique n’était pas guidé par les tutoriels en ligne et les cours Youtube.
Hybride entre du power, du black, de la musique épique et néo-classique (notamment dans les soli), le tout chanté en voix saturé (chose qu’il n’a jamais changé avec le temps, même si sa voix a bien changé en 20 ans de tournées et d’excès en tous genres) à une époque où les
Soilwork et
In Flames n’officiaient pas encore dans ce registre et où le metalcore n’avait pas encore vu le jour (CoB fut une influence évidente pour un certain nombre de groupes de la première vague). Bref, Alexi a presque tout écrit, tout composé, proposé chaque mot de
Children of Bodom, de son concept initial à ses évolutions plus ou moins fructueuses avec le temps. Si le groupe ne surprenait plus depuis un moment et que les albums n’étaient plus spécialement convainquant, difficile d’oublier l’écho et le bouleversement d’un "Hatebreeder" à sa sortie ou la consécration d’un "
Hate Crew Deathroll" quand les finlandais étaient à leur paroxysme créatif. Et si "Are You
Dead Yet ?" fut pour beaucoup le dernier excellent album du quintette (notamment par sa noirceur et son caractère bien plus lourd que ses prédécesseurs), CoB restait l’un de ces groupes dont on garde toujours un œil dessus, dans l’espoir de retrouver les frissons d’antan ou un regain de génie. Il était aussi un combo toujours aussi plaisant à voir en live, affuté par les nombreuses tournées, communicatif et rouleau compresseur de la scène malgré les humeurs parfois changeantes de son leader.
La surprise survient en 2019 quand le groupe annonce non seulement son split, mais aussi la perte du droit d’exploitation du nom
Children of Bodom par Alexi, exploitation revenant au trio Wirman / Seppälä / Raatikainen pour une affaire de nom déposé officiellement par les uns et non par les autres. CoB est mort, vive CoB. Ou plutôt Bodom after Midnight (titre de "Follow the
Reaper"), formé avec Daniel Freyberg qui avait officié en tant que second guitariste avant le split et Waltteri Väyrynen (
Paradise Lost,
Vallenfyre) derrière les futs. Un album déjà en préparation, un deal rapide avec
Napalm Records, des news fréquentes, de premiers concerts ... puis la catastrophe qui planait au-dessus d’Alexi depuis trop longtemps. Brutale mais survenant après une vie brulée constamment par les deux bouts, aspergée d’alcool trop longtemps et d’un rythme effréné, « l’ange blond » comme il a si souvent été appelé s’en est allé ... avant même un seul album de son nouveau projet, en plein enregistrement.
C’est dans ce contexte posthume que le trio restant a décidé de proposer cet unique ep comportant les derniers enregistrements d’Alexi avec les 2 titres terminés et une reprise de
Dissection ("Where
Dead Angels Lie"). Affublée non pas de la célèbre faucheuse mais d’une pochette rouge sang, "
Paint the Sky with Blood" s’ouvre là où CoB s’est arrêté, sur un blast beat rapide et une envolée de claviers qui rappellent dans un premier temps les débuts d’Alexi puis très vite ses travaux plus récents, notamment par sa voix. Le style, les riffs, la partie solo ainsi que le refrain avec les chœurs scandés («
Fight !
Fight ! ») ramènent indéniablement aux albums précédents, malgré un net regain d’intensité vis-à-vis d’
Hexed ou
Halo of
Blood. Nous sommes face au même groupe avec des intervenants différents, avec toutes les qualités et les défauts récents que nous connaissions. Il serait en revanche hypocrite de dire que nous appréhendons ces titres de la même manière qu’un disque traditionnel puisque résonne dans ces cris le fait qu’ils seront à jamais les derniers du finlandais.
"
Payback’s a
Bitch" se veut plus rock n’roll dans la structure, plus brut avec des claviers bien plus discret sur les couplets avant qu’ils ne se fassent cristallin sur le refrain. Ce qui semble évident, c’est l’énergie qui se dégage de ces deux titres, des soli et de l’interprétation en général, comme si Alexi était libéré d’un poids et prêt à tout dévorer avec son nouveau groupe (ou alors est-ce une simple interprétation de notre part ?).
"
Paint the Sky with Blood" restera le dernier et unique témoignage de Bodom After Midnight et c’est bien ainsi qu’il faut le prendre. Comme la fin d’une époque, la dernière lettre d’un éternel gamin, d’un homme au visage d'adolescent qui aimait être sur le devant de la scène, poser avec sa
Flying V coincé sur sa cuisse pour les photographes ou encore passer la moitié de sa vie entre les tournées et les studios. Une vie qui a façonné un genre entier et inspiré des milliers de musiciens. Merci et bonne route. Cette fois-ci, la faucheuse t’a suivi et t’a rattrapé mais tu lui devais bien ça après toutes ces années ... R.I.P.
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