Ailiph Doepa. Cet étrange nom ne vous dit sûrement rien et cela semble tout à fait normal. Formé en 2010, ce quatuor (dont nous tairons volontairement les noms de par leur complexité) venant tout droit du Japon n’a pas percé outre Pacifique et n’a gardé qu’une minuscule notoriété sur ces terres. Volonté de rester dans une scène underground ou succès qui n’a pas été au rendez-vous, la question reste relativement fermée tant les deux réponses semblent plausibles.
En tout cas, ce que nous pouvons déjà affirmer, c’est que cette drôle de bande vit dans un tout autre monde que le nôtre, en témoigne déjà leur répertoire musical, surfant sur différentes vagues telles que l’expérimental, le metalcore, l’hardcore, le jazz ou encore le néo. Les nippons ne se prennent d’ailleurs absolument pas au sérieux, exposant un style vestimentaire pour le moins excentrique, osée et ubuesque. Il n’est pas anodin par ailleurs de voir le groupe être comparé à de grandes statures comme
Faith No More,
Mr Bungle ou encore System Of A down.
Cet exotisme et ces rapprochements semblent amplement justifiés tant le quatuor offre une folie et une dérision intemporelles. Et toutes ces extravagances ne pourront qu’être confirmées par la sortie du premier album de nos Japonais en 2018 du nom d’
Oxygen. A commencer par les titres qui nous offrent d’ores et déjà une image totalement provocatrice et insolente du groupe (Melt
Bitch, Sparkling Pussy), offrant une bonne bouffée d’air frais et créateur.
L’absurdité et le vertige ne tarderont pas à se faire sentir. Machu Picchu démarre ce spectacle rocambolesque. Si les premières notes nous feront voyager sur les terres sacrées des Incas, la suite se montrera bien plus hâtive, plus croustillante, en attestera les percussions déroutantes et les cordes péremptoires. Le travail vocal affichera différentes facettes : d’abord agressif, il se transformera petit à petit en un chant plus épuré, plus groovy, plus classique, rappelant parfaitement le chant de
Mike Patton. Le final ne dérogera pas à la règle : imprévisible avec des sonorités 8-bits, audacieux par ses changements de signatures musicales et teigneux lorsqu’il s’agit d’envoyer du pâté.
Melt
Bitch propose une vision plus entraînante, plus dansante, même s’il n’en perd pas son agressivité. L’apport du saxophone, des cordes plus aigües et un chant plus enfantin apportent l’esprit séducteur. La batterie et le vocal tranchant procurent l’humeur destructeur. La formation assure avec une aisance déjà surprenante sa facilité à naviguer entre ses marques de fabrique tout en montrant une insouciance amusante.
Les morceaux s’enchainent en affichant toujours une déraison distrayante et plaisante. Certains morceaux assumeront leur aspect grinçant et fulminant (Mashed Potatoes, Shimokitazawa), d’autres garantiront une attitude grotesque, imprévoyante mais toujours garanti sans excès (Rainy Tip, Milennium Song), d’autres encore assureront un caractère jazzy et excitant (Lemon, Scary
Night) et les ultimes auront une approche un peu plus chaotique (
Mars,
Nile).
Golden Beggar est sans doute le titre qui ressort le plus, offrant une grande ambition mêlant impétuosité, airs classiques, fascination, délire et folie. Dans un certain concept, elle soumet une vision neuve et plus metal de
Mr Bungle, associant des morceaux tels que Quote Unquote, My
Ass Is On
Fire ou encore Carousel. Say Ho! se détache aussi, de manière négative cette fois-ci puisqu’elle propose un intro sans grand intérêt, plutôt ennuyeuse et totalement hors contexte par rapport au reste de l’album. Les seuls paroles du titre ne se résument d’ailleurs que par « Say Ho! Ho! ».
Malgré un manque de sérieux durant l’intégralité de l’album, l’ensemble demeure difficile à cerner, complexe si nous ne sommes pas habitués à ce genre d’expériences musicales, totalement en dehors du confort habituel. Nous sommes de plus déboussolés par ce chant mixant l’anglais au japonais et aux palettes multiples. La longueur de l’album n’arrange pas non plus les choses et il ne sera peut-être pas rare d’être perdu de temps à autres par ces accumulations d’éléments.
Outre fait qu’
Oxygen ne soit pas évident à élucider, il n’en demeure pas moins une première pièce maîtresse pour notre quatuor. Fusionnant les styles avec brio, proposant une folie tonitruante à la Patton et à la Tankian, cet album surprend par toutes ces facettes imprévisibles et confirme déjà la volonté de nos Japonais à sortir des sentiers battus. Avec cet imaginaire dans leur tête, nul doute que le groupe continuera sans problème à surprendre son auditoire pour, pourquoi pas, parvenir jusqu’au terres européennes et en France. C’est en tout cas tout ce que l’on peut leur espérer.
Très intéressante chro, j'étais tombé sur ce groupe par hasard, et j'avais bien aimé ce côté ultra barré. Et en ces temps où tout le monde se prend trop au sérieux, leur sens de la déconnade fait un bien fou !
Figure-toi que je suis également tombé sur le groupe par hasard, après qu'un youtubeur ait fait une réaction sur le titre posté en dessous de ma chronique. Comme quoi le hasard fait bien les choses ! Et oui, un peu d'amusement en ces temps est vivement la bienvenue. En tout cas, je te recommande vivement l'écoute de cet opus que tu peux trouver sur Spotify, tu ne risques pas d'être déçu ;)
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