Deux années après l’extraordinaire voyage stellaire offert par «
Azimuths to the Otherworld », «
Nechochwen » s’invite de nouveau avec sa troisième production au nom énigmatique d’« OtO ». Le projet fondé par Aaron Carey (alias
Nechochwen) en 2005, ancien membre d’ «
Angelrust » et «
Harvist », et accompagné par Pohonasin à la batterie et à la basse, est une sorte d’ovni dans le milieu du folk pagan. Pour ceux qui ne connaissent pas, «
Nechochwen » explore le folklore des natifs amérindiens des Monts Appalaches. Ce folk est agrémenté d’une solide base de guitare acoustique et occasionnellement de black metal. La réalisation de
2012 ne dérogera pas à cette règle et poursuivra la danse rituelle d’initiation au monde secret des indiens d’Amérique. « OtO » se dévoilera en deux parties, en deux mondes symétriques l'un à l’autre, qui se feront directement face : celui du passé et celui du présent. Même éloignée par le temps et par le sang, la culture amérindienne n’est pas vouée à disparaître entièrement.
Ce nouvel ouvrage se démarque de son prédécesseur sur le nombre de pistes proposées ; six contre les quatorze d’«
Azimuths to the Otherworld ». En revanche, on reconnait bien le style de «
Nechochwen » dès « Cultivation », petite ouverture progressive des plus ravissantes. L’enthousiasme semble s’emparer de la guitare acoustique qui s’illustre de manière experte. Quelques légers cognements, puis un arrière fond de voix en toute fin de piste sont des témoignages timides de la présence d’un esprit amérindien flottant sur le morceau. Le tendre « Otomen’pe » reflète admirablement cette nostalgie pour les premiers hommes d’Amérique. Les mélodies de la guitare acoustique et de la flûte s’écoulent comme le ruisseau qui serpente le morceau. Une narration et des voix indiennes ont pour effet de trancher avec cette ambiance zen par leur solennité. Repos, mémoire, méditation. L’auditeur vient s’y ressourcer.
Pas de metal sur les premières pistes, comme l’a souhaité Aaron Carey, qui décrit d’ailleurs « OtO » comme une association de deux EPs et ce qui renforce d’autant plus ce concept autour de la relation entre deux mondes à la fois similaires et différents l’un de l’autre. Nous ne serons donc pas étonnés de retrouver la même ambiance progressive de « Cultivation » sur sa suite directe « On the
Wind », agrémentée d’une touche mélancolique propre à du «
Agalloch ». Le côté contemplatif n’est cependant pas aussi prenant que sur « Otomen’pe ». «
Nechochwen » avait aussi était capable de mieux convertir ses mélodies en émotion sur le précédent opus «
Azimuths to the Otherworld ».
La guitare électrique va s’introduire à partir de « Haniipi Misii ». Nous arrivons là à la seconde partie d’album située par son auteur. Celle qui serait censé représenter le monde contemporain, le temps actuel. « Haniipi Misii » ne renie aucunement la marque progressive du début d’album. C’est toujours l’acoustique qui mène la danse. La guitare électrique n’évolue que de façon discrète, distraite oserait-on dire. De la clairière des trois premières minutes, nous nous aventurons à la lisière d’une forêt profonde sur le restant. La musique mute alors, elle devient atmosphérique et se complète du calme de la flûte et de chants vaporeux. La guitare acoustique marquera des entames pleines d’indulgence et de sensibilité, avant que ne surgissent la violence et les ténèbres propres au metal. Au black metal pour « Pekikalooletiwe ». On invoque là des esprits beaucoup plus malsains. Tout aspire, dans ce jeu crade et tumultueux, à la guerre, au sang, à la sauvagerie la plus féroce. La qualité sonore n’est plus alors la même que sur les autres pistes. «
Nechochwen » aura donc voulu renforcer l’aspect salissant du morceau. Ce serait également le cas pour « He Ya Ho Na », bien que l’approche ne soit pas du tout identique. Il y règne cette fois venant des riffs grippés, la profondeur et la discipline du pagan. «
Bathory » qui aurait bradé ses vikings pour les sauvages d’Amérique.
Le shamanisme existe un peu partout à travers le monde, ce serait pourtant celui des indiens d’Amérique qui aura le plus fasciné. C’est dire s’ils ont imprégné nos mémoires, en partie grâce au cinéma et aux Westerns. Nous avons enfin compris qu’il n’y avait pas de gentils cowboys contre de méchants indiens, juste les réactions d’hommes et de femmes qui luttaient contre une invasion venue de l’autre côté de l’Atlantique. Une lutte désespérée devant le plus grand génocide humain de l’Histoire. L’œuvre de «
Nechochwen » ne s’inscrit pas dans la repentance, elle va bien au-delà, dans l’adhésion et dans la transmission de la culture amérindienne. C’est ça la vraie force de cette culture ; même privée de représentants la magie des ancêtres continue d’opérer et d’envouter. L’envoutement d’« OtO » n’équivaut pas cependant celui de l’excellent «
Azimuths to the Otherworld », mais opère tout aussi efficacement en utilisant des ambiances variées. Entre apaisement et transe. Entre civilisation et barbarie. Le présent regarde le passé et le passé le présent. Deux visages se toisent sans la moindre animosité. « La Terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la Terre » (Sitting Bull).
14/20
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