Liste des groupes Doom Death Enshine Origin

«Tant de mains pour transformer ce monde, et si peu de regards pour le contempler !», Julien Gracq.

Né en 2009 d'une union pour le moins attrayante, Enshine nous livre sa première création en 2013 : Origin. Attrayante ? Assurément, puisque nous avons là un duo composé du guitariste suédois Jari Lindholm (Slumber, Atoma, …) et du claviériste/chanteur français Sébastien Pierre (Fractal Gates). Le résultat est un métal doom/death détonnant aux multiples facettes, naviguant au gré des styles avec une habileté brillante, nous emmenant dans un voyage contemplatif saisissant.

La pochette de cet album résume en tous points le contenu de celui-ci, nous présentant un univers astral et méditatif aux couleurs apaisantes : un premier contact positif avec Origin qui nous enjoint à nous immerger plus profondément dans son monde.
Et l'immersion sera totale pendant les 42 minutes proposées par Enshine. Il s'agit bien là d'une ambiance musicale unique et personnelle qui, sans révolutionner le genre, satisfera sans peine les amateurs de doom/death mélodique. Le son est excellent, parfaitement égalisé, et nous retrouvons évidemment le registre musical propre au duo Lindholm/Pierre, un métal puissant mais également atmosphérique, subtilement mené du début à la fin.

Mais Origin ne se résume pas qu'à cela, et propose une variété de styles subtilement mélangés, tout en nous rappelant certains groupes bien connus de la scène mélodique. Ainsi, nous retrouverons au cœur de cet album des sonorités évoquant par exemple Insomnium à travers « Stream of light » éblouissant de force et de mélancolie : un chant guttural maîtrisé, des mélodies planantes sublimées par un clavier intensément atmosphérique et un fond de batterie mid-tempo, rien ne manque ni ne vient froisser ce tableau onirique.
La comparaison avec Insomnium ne s'arrête cependant pas à cela, l'on découvre avec plaisir d'autres morceaux instrumentaux (« Astrarium » étant le meilleur exemple selon moi) aux envolées atmosphériques fabuleuses, faisant instantanément penser à « The emergence ». Il sera également possible d'ouïr des similarités avec Omnium Gatherum (« Refraction »), ou Noumena, et bien évidemment Fractal Gates (« Above Us).

Enshine nous guide tout au long de cet opus, et le voyage contemplatif qu'il nous propose prend tout son sens : il nous fait voguer ailleurs, nous voyons notre univers d'un œil (ou d'une oreille) extérieur, méditatif, portés par une musicalité poignante et sans fioritures. Cependant, bien qu'apaisant et agréable, le chemin n'est pas de toute tranquillité ni dénué de tristesse, comme nous le ressentons à l'écoute de « Cinders » par exemple, où la voix claire et les notes de clavier nous empoignent dans un linceul accablant et désenchanté. Ces claviers justement (encore eux!) peuvent aussi nous mener vers une route tortueuse, lorsque nous nous engageons dans le morceau « Ambivalence » notamment, offrant une atmosphère déchirante et funèbre, décuplée par les chœurs et les riffs de Jari Lindholm.

C'est là toute la force d'Origin, capable de façonner nos sentiments au fil de notre écoute. Et nous arrivons peu à peu à la fin du voyage, de cette expérience auditive, tandis que « Constellation » nous ramène lentement à la réalité, nous donnant l'impression d'être devenus des âmes errantes dans un monde que nous venons d'observer différemment.
Ainsi, il m'a semblé intéressant d'associer la citation de Julien Gracq à cet album éclatant : Enshine nous fait partager leur vision d'un monde tout en le façonnant eux-même, apportant un impact sans doute infime mais bien réel sur celui-ci.

Concrètement, Origin est un premier album honnête et plus qu'encourageant. Il ne renouvelle certes pas le genre, mais est rempli d'agréables surprises et offre un échappatoire splendide dans un registre mélodique et surtout atmosphérique. Un album à découvrir, un groupe à suivre (et à honorer), et un avenir à surveiller avec entrain...