Liste des groupes Black Progressif Septentrion (FRA) Of an Oath

Nouvelle chronique, une fois de plus consacrée à un groupe de la scène Black Metal souterraine parisienne. C'est au tour de Septentrion de passer sous notre regard expert, perspicace, majestueux et surtout modeste. Bon, trêves de conneries. Ce groupe de Black Metal – qui se définit lui même comme du « Blackened Thrash Metal » (je reviendrai plus tard sur cette appelation) – ne m'était pas inconnu, pour être passé en concert avec les Chants de Nihil et Oes Galliath en Décembre 2011. J'avoue que j'en avais gardé un souvenir assez vague, n'ayant pas vu le set complet, mais tout de même positif. J'attendais donc leur galette, intitulée Of an Oath, pour confirmer ce souvenir. Un tout petit mot d'abord : chapeau pour l'autoprod', on sent la motivation des membres ; l'aspect matériel est bien travaillé. Mais cessons ces considérations matérielles et passons au plus important : la musique en elle-même.

Passée l'intro, dont le titre « Banni » donne le ton de l'œuvre, débutent les choses sérieuses avec At the End of my Journey, qui présente des passages mélodiques en voix claire. Ce morceau éclaire à lui seul l'expression « Blackened Thrash Metal » (bien que pour ma part je parlerais de Thrashened Black Metal, mais là je tortille du cul pour chier droit). Pour faire simple, c'est du Black Metal efficace et bien thrashy par moments (certains riffs comme dans Créatures sont clairement Thrash), combinaison gagnante, tout en gardant ici une spécificité dans la composition qui rend la musique de Septentrion originale. Plus encore que la qualité musicale, qui est présente, il y a le plus important, qui rend des groupes plus « classiques » comme Chadenn si bons : une putain d'âme, bien présente, qui lie les morceaux entre eux, les fait vivre et nous fait réagir. Si l'ensemble de la démo (qui jouit d'ailleurs d'un très bon son) est bon, j'ai tout de même un petit coup de cœur pour Mag Tured, sacrément entraînante, et surtout pour Völundr's Chant (sont-ce, comme par hasard, les chansons chantées en Anglais? Damnerde, je me hais). La musique de Septentrion prend aux tripes – tout en étant variée, comme le montre le petit Néant intercalé entre La Mort Agreste et Mag Tured –, et c'est ça qu'on aime : la petite touche thrash (ça reste avant tout du Black Metal) donne ce petit côté primal et instinctif qui nous fait si souvent secouer notre resplendissante crinière (je parle ici de la mienne, hein).

Of an Oath est de qualité sur le plan musical, c'est un fait. Mais qu'en est-il des textes, du thème, du message? Le nom de la démo est ici révélateur et appréciable : l'œuvre est basée sur le serment, sur la fidélité, sur l'honneur, bref sur la notion d'intégrité. En étant plus précis, le serment qu'on se fait à soi-même : plutôt crever que d'abandonner. L'illustration représentant Charles Martel bottant le cul à Abd er-Rahman en 732 correspond donc tout à fait : ne jamais courber l'échine. Ce n'est pas le bottage de cul en question, de l'Occident résistant à l'Orient, qui importe ici (présentement, on s'en cogne un peu) mais bien l'idée d'affrontement : quel que soit l'adversaire, quand bien même il semblerait invincible, la seule solution est d'accepter l'affrontement, car c'est dans l'adversité que l'on révèle sa vraie valeur. Abordé de diverses manières dans les différentes chansons, ce serment à soi est toujours érigé en principe : qu'il s'agisse d'aller jusqu'au bout (At the End of my Journey), ce « bout » n'étant pas nécessairement où on le croit, de rester intègre plutôt que de succomber à nos passions (Créatures), de ne pas se laisser engloutir et de garder la tête sur les épaules (La Mort Agreste, sans doute la chanson la plus oppressante de la démo), ou encore de vaincre quel qu'en soit le prix (Mag Tured), le serment et son respect sont ici considérés comme une règle de vie. On se jure quelque chose et on s'y tient quoi qu'il en coûte. Si Mag Tured se base sur une légende celtique retraçant la guerre que menèrent les fils de Dana (le premier qui me parle de Manau je lui fais bouffer sa langue découpée en rondelle avec du piment) aux Irlandais pour gagner leur terre, Völundr's Chant présente un cas où succomber à ses passions (tout en gardant la tête froide) n'est pas si mauvais : un homme trahi, volé, bafoué par son roi et qui se venge de lui de la manière la plus atroce qui soit... Aucune incohérence ceci dit, car ce serment de vengeance lui permet de continuer à vivre. Septentrion se place donc en porte-à-faux avec notre époque post-moderne et pourrissante : le groupe nous incite à ne jamais lâcher prise, à ne jamais nous renier, et à privilégier l'honneur et la fidélité. Et, disons le franchement, ça ne court pas les rues (il suffit de voir les pubs gerbantes pour les rencontres extra-conjugales...).

Septentrion a réussi à me séduire, tant par sa musique que par son message. Je vous recommande toutefois plusieurs écoutes pour apprécier Of an Oath à sa juste valeur, leur musique étant parfois difficile d'accès. Malgré quelques rares passages un poil laborieux, l'ensemble est bien ficelé et efficace. Pour ma part, je trouve surtout que le groupe est prometteur, Of an Oath n'étant comme son nom l'indique qu'une démo, et je compte bien suivre son évolution. Je ne peux que vous enjoindre à faire de même.