Encore une énième formation metal symphonique à chant féminin à se lancer dans la bataille avec, pour effet, au même titre que nombre de ses pairs, une disparition prématurée, me direz-vous, et vous auriez raison. C'est néanmoins avec aplomb que s'élance ce trio grec sorti de terre il y a moins de deux ans, avec, pour message introductif, un album full length répondant au nom de « Of Soul and
Dust » ; auto-production généreuse de ses 60 minutes sur lesquelles s'enchaînent sereinement 11 pistes d'obédience metal mélodico-symphonique progressif aux relents power et death, renvoyant tour à tour à
Nightwish (première période),
Epica,
Dark Sarah,
Imperia,
Dream Theater, et consorts. Cet harmonieux mélange des genres se teinte parfois d'une fibre orientalisante, conférant à ce propos un soupçon d'originalité.
Ce projet initialisé en 2016 est le fruit d'une collaboration entre l'auteur/compositeur, arrangeur, mixeur et émérite claviériste George Tsioutsias, le guitariste et vocaliste Stefanos Zafeiropoulos (False
Coda, ex-Conspiranoia, ex-Tears) et Effie Mitsi, frontwoman aux suaves impulsions semi-lyriques, aux faux airs de Simone Simons (
Epica). Enregistré dans la foulée mais témoignant d'un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation et d'une belle profondeur de champ acoustique, ce concept album jouit également d'arrangements de bon aloi et de finitions passées au peigne fin. Ainsi, après ses compatriotes
Elysion,
Bare Infinity,
Meden Agan,
Fallen Arise,
Jaded Star, le collectif athénien pourrait-il déjà caresser l'espoir de faire partie, à son tour, des valeurs montantes de ce si concurrentiel registre metal ?
Dans ses moments les plus offensifs, le combo ne laisse planer aucun doute quant à ses intentions d'en découdre, se révélant alors impactant, sans pour autant tomber dans les travers d'une extrême accessibilité mélodique. Le fulgurant «
North Star » aux arrangements instrumentaux dans la veine de
Dream Theater en est une première illustration. Enjolivée par les enivrantes et claires volutes de la sirène mises en exergue sur un refrain des plus infiltrants, la sanguine offrande se plaît également à diversifier ses phases rythmiques et techniques, délivrant, en outre, des riffs épais, un inaltérable tapping, une basse éminemment vrombissante, corrélativement à d'enveloppantes nappes synthétiques. A savourer à chaque fois davantage au fil des écoutes. Dans cette énergie, «
King of Vanity », magmatique piste power symphonique, équilibre à parités égales accélérations et ralentissements rythmiques, tout en octroyant un duo mixte en voix claires bien inspiré.
Quand elle ralentit un tantinet la cadence de ses frappes, la troupe recèle ce petit supplément d'âme apte à nous retenir plus que de raison. Ainsi, sonnent les tambours martiaux sur « Safehouse », pénétrant manifeste dans la lignée atmosphérique de
Dark Sarah, avec une pointe d'
Ancient Bards au regard de son impulsive section rythmique. Paré de sémillants arpèges au piano et d'un rageur tapping, ce rutilant mid tempo progressif se fait à la fois chevaleresque et romantique, percutant et touchant, où l'art de savoir harmoniser le Yin et le Yang. Dans cette dynamique, on s'orientera également vers «
Sovereign » au regard de ses sensuelles séries d'accords, son parfum ambré, ses orientalisantes oscillations mélodiques et les enivrantes impulsions de la belle.
Lorsqu'il nous mène en de vastes espaces d'expression symphonico-progressifs, le combo trouve sans mal les clés pour nous rallier à sa cause. D'une part, la fresque «
Inside the Whirlwind » , à mi-chemin entre
Nightwish et
Edenbridge, se révèle forte en contrastes rythmiques tout en témoignant de fines nuances mélodiques. Multipliant les effets de surprise, dispensant un frétillant solo de guitare et d'ondulantes rampes synthétiques, le brûlot se dote en prime d'un duo mixte en voix claires convolant à l'unisson. D'autre part, on appréciera la chatoyante touche orientalisante de «
Elysium », corpulent méfait disséminant de troublants gimmicks guitaristiques, à la façon d'un
Epica estampé « The Divine
Conspiracy », et d'un délicat picking à la guitare acoustique délivré sur un petit pont. Ce faisant, le corps orchestral évolue tantôt sur des charbons ardents, tantôt sur un caressant tapis de sable, et ce, parallèlement aux sensuelles modulations d'une déesse bien habitée.
A ses heures, la bête féroce sait aussi se montrer câlinante, nous livrant dès lors ses mots bleus les plus sensibles, et ce, de trois manière différentes. Aussi resterons-nous tout d'abord rivés aux captateurs harmoniques de « Broken Mirror », élégante power ballade dans la mouvance progressive de
Dream Theater, avec un zeste d'
Ayreon quant à la fluidité de ses lignes de synthés. Magnifié par ses élégantes gammes au maître instrument à touches et mis en exergue par les rocailleuses inflexions de Stefanos, notamment sur un refrain des plus convenus, le méfait, à première vue, nous ferait déambuler en terrain connu. Coup de théâtre ! Loin de nous immerger tout le long dans un bain orchestral aux doux remous, le méfait réserve moult digressions techniques ainsi qu'une stupéfiante montée en puissance du convoi instrumental, l'ensemble ainsi harmonisé finissant crescendo.
Autre atmosphère, autre environnement rythmique pour « The
Silent One », ''nightwishienne'' ballade romantique jusqu'au bout des ongles, mise en habits de soie par un duo mixte en voix claires des plus langoureux, pas des moins touchants. Pour sa part, «
Darkness » se pose comme un énigmatique low tempo syncopé où les délicates patines de la belle viennent en contre-point des serpes oratoires de son acolyte de growler. Sous-tendue par une chorale aux abois, la doucereuse plage demeure agréable à défaut de s'avérer inoubliable.
Malgré ses mérites, la galette accuse quelques baisses de régime en altérant d'autant la portée. Ce que nous prouve « Escaping from No
Hope's
Land », pièce vitaminée dans le sillage techniciste de
Dream Theater. Jouissant d'un grisant legato à la lead guitare et d'une rythmique enflammée, le propos manque toutefois de cohérence et d'appétence mélodique, et souvent nous égare de sa ligne directrice. De plus, les lignes de chant se superposant à l'orchestre n'apparaissent pas des plus inspirées, et de trop nombreux et inutiles ponts technicistes, hélas, nuisent à la fluidité du parcours auditif. Quant au virulent «
Near Death Experience », il rate de peu son effet, la touche death n'apportant pas l'effet escompté à une pièce qui ne l'appelait pas nécessairement de ses vœux. En outre, le crispant duo masculin en voix de contrastes tranche avec le reste de l'opus, bien plus impactant de par sa seule empreinte féminine.
On ressort de l'écoute du skeud avec l'agréable sentiment de détenir une œuvre subtile, racée, variée, à l'envoûtante ambiance, dans le sillage atmosphérique des diverses sources d'influence du combo. Ce faisant, en dépit d'un réel potentiel technique et mélodique, les prises de risque concédées par le collectif grec s'avèrent plutôt rares et l'émotion pas toujours au rendez-vous de nos attentes. On décèle donc une première et avenante offrande, à la production soignée, pas encore un foudre de guerre. C'est dire que le trio athénien a encore le temps d'affûter ses armes pour nous offrir un message musical un poil moins convenu, plus en phase avec les canons actuels de son registre metal d'affiliation. Peut-être à l'aune d'un second album full length ?...
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