« J’sais pas si t’as vu, mais
Agalloch vient de splitter...
- Keuwah ? Niaise-moi pas là, c’est sérieux ?
- Oui, John Haughm et le reste du groupe ont décidé de se séparer.
- Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour...
- Ta gueule. Ils forment deux nouveaux groupes :
Pillorian et Khôrada.
- Ah ?
- Et d’ailleurs le premier album de
Pillorian est déjà sorti.
- .. ! »
Après ce dialogue interne dantesque, digne des plus grandes tragi-comédies du XVIIème siècle, de multiples écoutes d’
Obsidian Arc (c’est le nom de l’album) et une attente insoutenable (dans l’espoir que cette introduction se termine) plus tard, quel est le verdict ?
Pour ceux dans le fond qui n’auraient donc pas suivi,
Pillorian est formé sur les cendres d’
Agalloch, par John Haughm (chanteur, gratteux et principal compositeur du défunt groupe suscité) et de deux autres complices - Stephen Parker et Trevor Matthews, de leurs petits noms – respectivement à la Guitare/Basse et aux drums. A la surprise générale, le groupe nous jouera donc un
Dark/Black
Metal (c’est pas moi qui l’ai dit, c’est marqué sur la pochette), plus ou moins dans la même veine que ce que l’on pouvait écouter sur le dernier
Agalloch (The
Serpent & The
Sphere). Et à cet instant précis de la chronique, je sais que tant de questions vous taraudent : Est-ce que c’est juste la suite et au final, la même chose qu’
Agalloch ? Est-ce inspiré et digne de mes délicates oreilles ? De combien de grammes de farine ai-je besoin pour faire des crêpes ?
Sans suspens, répondons à ces questions. Dans l’ordre : oui mais non, oui ça dépend, 300g pour 15 crêpes.
Des détails vous dites ?
De manière globale, on retrouve sur
Obsidian Arc sept titres de longueur moyenne : entre 6 et 8 minutes (donc plus court que ce qu’on pouvait trouver sur les dernières galettes d’
Agalloch, c’est important), et le même type de son que sur The
Serpent & The
Sphere : des guitares saturées avec un grain particulier, très organiques mais moins en avant dans le mixage, là où la batterie se fait un peu plus importante. Ces choix sonores donnent un cachet à la fois plus « Black » et plus mystique à la musique de
Pillorian, proche de ce qu’on pouvait entendre sur From Which Of This Oak (une des premières démos d’
Agalloch). On sent donc une volonté de l’oncle Haughm de retourner vers un son plus organique et plus noir, certains diront plus direct et plus naturel (« roots »), moins lumineux que ce à quoi nous étions habitués.
Cette noirceur viscérale est amplifiée par une rythmique mid-tempo, parsemée d’accélérations à grand coups de blast-beats (sur By The Light Of A
Black Sun ou bien l’intro de Forged Iron
Crucible, par exemple). Côté guitares, on retrouve le duo habituel accords rythmiques et leads en tremolo picking harmonisés, ces derniers apportant une légère touche mélodique à l’ensemble. L’ambiance, quelque peu malsaine et désespérée, s’allège parfois avec quelques passages de guitare Folk et noisy/ambient sur les bords, comme l’interlude The Sentient Arcanum qui rappellera les errances de Black
Lake Nidstang ou bien Our
Fortress Is
Burning Pt III. Des chœurs, présents sur Forged Iron
Crucible, et un dernier titre tout en chant clair adoucissent également le ton général de l’album, renforçant son cachet mystique et occulte. Les thèmes abordés sont bien évidemment dans le même registre (j’ai compté 9 fois le mot « Black », 5 fois le mot «
Dark /
Darkness » et 0 fois le mot « Happiness ») et emprunte moins à la nature qu’au religieux et au spirituel.
J’ai beaucoup parlé d’
Agalloch jusqu’à maintenant (pourtant je me suis retenu, promis), et pour cause, l’
ADN du défunt groupe est ancré dans la musique de
Pillorian. On y retrouve ce chant « Black » typique d’Haughm, pas vraiment agressif mais plutôt éraillé, rauque, parfois chuchoté. D’ailleurs, certains titres d’
Obsidian Arc auraient très bien pu se retrouver sur d’anciennes galettes d’
Agalloch (
Dark Is
The River Of Man ne dépayserait pas sur The Mantle, By The Light Of A
Black Sun sur un The
Serpent & The
Sphere...) alors que d’autres ont leur identité propre (je pense notamment à Archaen Divinity ou
A Stygian Pyre, contenant pour moi l’un des riffs les plus inspirés de l’album, rien que ça !)
On se trouvera donc en terrain semi-connu, avec une vague sensation de déjà-vu, qui ne dessert pas forcément l’album tant les quatre premiers titres peuvent apparaître compacts au premier abord et on appréciera les quelques points d’accroches proposés.
Obsidian Arc se veut être une œuvre très homogène et mature, requérant un certain degré d’exigence et d’efforts de la part de ses auditeurs afin d’en saisir les subtilités.
Pillorian apparaît comme une entité plus torturée, plus inquiétante que son prédécesseur, un aspect également renforcé par les visuels employés et la production globale de l’album. La volonté de proposer une musique viscérale, directe (et quelque part sincère ?) est évidente.
Et malgré ses qualités indéniables,
Obsidian Arc me laisse toutefois un arrière-goût (complètement subjectif) de frustration : sans pouvoir trancher complètement avec ses origines, le groupe peine à imposer totalement sa propre personnalité. Parfois à tel point qu’on pourrait se demander si certains titres n’ont pas été écrits à la base pour
Agalloch et ont fini par atterrir sur le présent objet (probable ?). Sans satisfaire pleinement le fan d’
Agalloch mais sans créer la surprise pour autant avec une identité solide,
Pillorian accouche d’un premier album de qualité et qui ne devrait pas décevoir les fans du genre ou les amateurs de Black à tendances « atmo ».
En espérant que la prochaine offrande du groupe lui permette de transformer l’essai.
Ahah très chouette cette chronique ! Je me fais actuellement ma première écoute et sans m'être renseigné avant, je me disais bien qu'il y avait du Grain (ashes against the) d'Agalloch ! ^^
On arrive pas à tout bien absorbé dès la première écoute, mais Obsidian Arc me plaît beaucoup ! :)
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