Voilà pour moi ce que j’appelle un album de postcore digne de ce nom, qui peut prouver aux black metalleux dépressifs à la limite de se pendre (putain mais fais le au lieu de chialer sur ton disque !!) qu’ils ne sont pas les seuls à instituer des ambiances plombées, et malsaines sur chaque galette pondue.
Rien que le début annonce la couleur, avec sa musique d’introduction, ‘‘Sélénité’’. Un commencement plutôt banal même. Sauf à partir du moment où les guitares décident de changer de ton. De simples riffs qui se transforment dans une envolée des plus magnifiques, accompagnant des ambulances roulant à tombeau ouvert, qui laissent vraiment présager le pire. Et le début de la fin dans ce monde, arrive enfin.
Le groupe m’a semblé avoir pris la décision de faire un petit flash back pour donner un sens à sa première musique. De jeunes gens faisant la bringue et rentrant en voiture. Le conducteur saoul. Et évidemment l’accident à l’arrivée. Ces guitares-alarmes qui retentissent au loin, la batterie tenant un rythme apocalyptique, témoins du carambolage, comme écoutées par un des blessés, survivant et abasourdi, de la voiture naufragée de la route.
Vient ensuite une musique qui a sa logique. ‘‘Traversée’’, une des plus longues de tout l’album, plombe déjà l’ambiance. La mort pointe déjà le bout de son nez, les sauveteurs essayent d’éviter à tout prix le passage du
Styx. Un sauvetage in extremis. Et un départ ultra précipité pour l’hôpital. ‘‘Librium’’, court interlude, posé composé de samples électro étranges, distille une atmosphère ‘‘médicamentée’’, où l’on s’imagine très bien marcher, d’un pas planant dans les longs couloirs blancs, comme si l’on se trouvait dans une bulle.
‘‘Les mains de l’empereur’’ envoie un sentiment de colère. Le morceau de façon abrupte, sans oublier les cris arrachés du chanteur. La souffrance se montre, la douleur du corps meurtri par l’accident rappelle l’auditeur à l’ordre. Une infirmière vient, et apaise le malade avec une injection morphinique. La deuxième moitié du plus long morceau de l’album, envoie carrément la délivrance tant attendue. Les guitares prennent un ton aérien, planant, éthérée encore une fois. L’injection salvatrice fait son effet, l’apaisement n’est plus que la seule chose qui se fait ressentir. ‘‘Tu as fait de moi un homme meilleur’’, laisse encore transparaître un sentiment de colère. Une opération inévitable, telle une amputation ou une grosse chirurgie. Un titre particulièrement ironique pour un homme obligé de subir une modification, une intervention pour devenir de nouveau quelqu’un, pour pouvoir continuer à être en vie. Le prix à payer.
La musique suivante est sans conteste la plus atmosphérique, et où la batterie est en presque totalement absente, remplacée dans ces moments là par de très discrets samples. On devine une énième catastrophe. Les guitares, soit plombées, soit stridentes telle une sonnerie de machine prenant le pouls, nous donne l’impression d’une lente entrée dans un coma réparateur. Les riffs s’étirent toujours plus, et le sujet entre dans son sommeil. ‘‘Prosodia’’, deuxième interlude, pose de nouveau une ambiance d’hôpital. Composé d’un accord répété à l’infini et de bruitage électro, il fait deviner un réveil des plus difficiles, digne d’un comateux qui prend de nouveau conscience dans un monde stérile.
L’accidenté entré dans une colère immense, fait maintenant une dépression. L’envie de se suicider, suite à la découverte de ce qui lui est arrivé. L’envie d’éteindre la lumière est là. Les guitares prennent un son très gras, la basse accentue encore plus cet effet en bourdonnant comme il se doit. Le chanteur hurle plus que jamais dans un chant grésillant. Et pour cette musique, on reprend un peu la même situation que pour ‘‘Les mains de l’empereur’’, mais là, c’est les veines qui sont ouvertes. La mort s’empare du corps toujours plus. Sauf qu’ici, c’est de façon virulente. Personne n’en réchappera.
Maintenant, la mort a eu son effet, le corps est stocké dans une chambre froide. Reste juste à refermer la fermeture éclair du sac en toile pour masquer le corps. La famille est là pour regarder le naufragé de la route encore une fois. Et le froid polaire les envahit pour de bon. Un album glauque et funèbre, mais aussi très métaphorique, durant le chemin entre l’ambulance, l’hôpital, et la mort. Prenant, tout simplement.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire