Message a été reçu par le discret combo letton du souhait de le voir revenir et sans tarder sur le devant de la scène muni de son premier album full length. Aussi, moins d'un an et demi séparent l'introductif et encourageant EP « Elementi » de son cadet, « No Man's
Land », auto-production modeste de ses 36 minutes où s'égrainent 9 titres aux paroles dispensées cette fois en anglais. Si les événements tendent à s'accélérer pour la jeune formation, celle-ci demeure prudente dans sa démarche, affichant un arsenal technique et mélodique plus affûté aujourd'hui qu'hier, s'avérant non moins exigeante quant à la qualité de sa production d'ensemble, l'album n'accusant que peu de sonorités résiduelles. Quelque six années suite à sa sortie de terre, à Riga, il semblerait que l'heure soit venue pour le collectif balte de cesser de jouer les outsiders...
Dans cette aventure, nous embarquent à nouveau Laima Krīgere (mezzo-soprano dont le filet de voix s'apparente à celui de
Tarja et les envolées lyriques à celles d'
Heidi Parviainen (
Dark Sarah)), Artūrs Šteinbergs (guitare et chant), Liene Liega Veidemane (basse), Elīna Zeiliņa (batterie) et Džeina Šteinberga (claviers). Avec le concours de Roberts "Bordo" Bernis à la batterie. Sans avoir tourné le dos à ses fondamentaux stylistiques, une pointe d'évolution se dessine toutefois, le groupe oeuvrant désormais dans un univers rock'n'metal mélodico-symphonique à la touche dark gothique plus marquée et à l'empreinte folk dorénavant moins lisible. Ce faisant, la troupe nous convie à un parcours auditif à la fois enchanteur et troublant, fringant et énigmatique, où riffs épais, denses orchestrations et sonorités authentiques sont en parfaite symbiose. C'est dire que nos acolytes nous immergent au cœur d'un propos inscrit dans un registre symphonique certes classique, mais libertaire à ses heures, à la confluence de
Nightwish (première période),
Theatre Of Tragedy,
Draconian,
Tristania et
Eluveitie. Mais embarquons plutôt à bord du navire...
A l'instar de son aîné, cet effort nous place le plus souvent sur des charbons ardents, essaimant çà et là de sémillantes séries de notes sur notre chemin. Ainsi, doté de riffs massifs adossés à une rythmique résolument frondeuse, voguant sur une ligne mélodique d'une confondante fluidité, et emmené par un duo mixte en voix de contraste bien habité, les cristallines inflexions de la belle répondant point pour point aux growls ombrageux de son acolyte, le ''nightwishien'' «
Masquerade » aura peu chances de rater sa cible. Dans cette dynamique, on retiendra également « The Puppet Show », engageant up tempo aux arrangements instrumentaux de bonne facture, où de délicats clapotis pianistiques se fondent aux riffs crochetés et où les pénétrantes empreintes vocales de nos deux tourtereaux évoluent en parfaite osmose.
Sur un même modus operandi, mais dans une mouvance dark symphonique gothique plus affirmée, le groupe parvient là encore à nous retenir, un peu malgré nous. Aussi, à mi-chemin entre
Tristania et
Draconian, explorant de fait de plus sombres espaces, le vitaminé et tortueux «
Spell of the
Night » n'en dévoile pas moins de sémillantes séries d'accords ainsi qu'une mélodicité toute de nuances vêtue. Par ailleurs, jouant à plein sur les effets de contrastes atmosphériques, sans jamais lâcher de lest, l'incisif et intrigant « No Man's
Land » nous plonge tantôt au cœur d'une gorgonesque ambiance, tantôt en de souriants espaces. Porté par les sulfureuses et amples oscillations de la frontwoman et ne desserrant son étreinte qu'en de rares moments, le tumultueux effort dispose d'armes suffisamment tranchantes pour espérer emporter l'adhésion. Enfin, sous-tendu par d'inaliénables growls, de sidérantes montées en régime du corps orchestral, et décochant un vibrant solo de guitare, l'obscur et échevelant «
Hell on
Earth » déroutera, voire glacera les sangs à plus d'une âme sensible autant qu'il comblera les attentes de l'aficionado du genre.
Quand il retient un tantinet les chevaux, le combo n'a pas davantage tari d'inspiration, nous assignant alors volontiers à résidence. Ce qu'atteste, d'une part, « Turn Back Time », ''nightwishien'' et envoûtant mid/up tempo recelant un infiltrant cheminement d'harmoniques et décochant un refrain immersif à souhait mis en exergue par les limpides et pénétrantes ondulations de la sirène. Un poil plus tourmenté et complexe, à mi-chemin entre
Nightwish et
Eluveitie, l'opératique et mystérieux « Daughter of the Northern
Wind », lui, laisse entrevoir un fin legato à la lead guitare ainsi qu'une insoupçonnée et grisante triangulation oratoire, les angéliques volutes de la déesse donnant le change aux empreintes masculines claires et corrosives qui se dessinent, et ce, dans un étrange ballet des vampires.
Lorsqu'ils nous mènent en des terrains plus sereins, nos compères nous adressent leurs mots bleus les plus sensibles et ayant pour corollaire d'aspirer le tympan d'un battement de cils. Ainsi, au carrefour de
Nightwish et
Theatre Of Tragedy, « Water Horse » se pose tel une power ballade à la fois caressante et énigmatique, où les fines oscillations de la maîtresse de cérémonie font mouche où qu'elles se meuvent. Dans cette atmosphère ouatée, on n'éludera guère moins l'opératico-atmosphérique et ''therionienne'' ballade «
Castle of
Raven's
Heart ». Un instant privilégié voguant sur un filet mélodique des plus frissonnants, impulsé par les magnétiques envolées lyriques de la princesse et inscrivant dans sa trame un bref mais exquis solo de guitare.
Au final, nos acolytes nous livrent une œuvre à la fois invitante, pulsionnelle, ténébreuse et romantique, où s'esquissent de forts contrastes atmosphériques, rythmiques et vocaux, et qui aurait de quoi surprendre, sans pour autant le désarçonner, le fan de la première heure. Ayant partiellement troqué sa fibre folk originelle pour un filet dark gothique plus affirmé, s'il a certes témoigné là d'une prise de risque non négligeable, le combo letton l'a parfaitement assumée et même valorisée. Ainsi, à l'issue de plusieurs écoutes circonstanciées, la sauce prend, et on se surprend à y revenir sitôt l'ultime mesure de l'opus évanouie.
Si ses sources d'influence apparaissent dorénavant mieux digérées et ses exercices de style un tantinet plus variés, on pourra regretter l'absence d'instrumentaux et/ou de fresques symphonico-progressives, pourtant présentes et points de force du précédent effort. Toutefois, la qualité de la production d'ensemble et le potentiel technique, mélodique et vocal aidant, le combo balte détiendrait-là un sésame pour espérer s'illustrer parmi les valeurs montantes de ce si concurrentiel registre metal. Bref, une formation à suivre de près...
Note : 14,5/20
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