Saluons d'abord, et dès les premières lignes, les efforts de Lavadome Productions. Label pour le moment chétif (et on lui souhaite de grandir) avec un catalogue de cinq artistes seulement, la structure montre une vraie sensibilité artistique qu'il convient d'encourager en sortant de jeunes groupes de metal extrême avec une véritable ambition technique dont
Ad Nauseam, qui nous occupe aujourd'hui, fait partie. La parenthèse enthousiaste est close.
Quatuor originaire d'Italie (Schio en Vénétie plus précisément),
Ad Nauseam a livré son premier album il y a quelques mois, intitulé «
Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est », soit, que les latinistes m'éviscèrent si je traduis fort mal, « Rien d'autre que ce que le vide engendre » en bon français. Un essai ambitieux, certes, mais long et pas aussi fabuleux qu'on peut le lire sur le Bandcamp du label, qui doit bien faire sa pub. Il faut dire qu'il s'est passé beaucoup de choses musicalement avant mars 2015...
Je vous présente Dudule, 19 ans. C'est un jeune homme de son temps qui découvre le metal par les formations actuelles, n'ayant pas encore eu l'occasion de faire machine-arrière dans sa culture musicale. Il tombe un beau matin sur «
Nihil Quam Vacuitas Ordinatum Est », et c'est le choc de sa vie, lorsqu'est jeté à ses oreilles un death metal technique qui semble gravement malade.
Quand le blast est constant (« Terror
Haze »), la lourdeur et le riff plus familiers («
The Black Veil of Original
Flaw ») Dudule retrouve certains de ses repères mais, dans l'ensemble, il est secoué, trimbalé dans une atmosphère poisseuse, instable. Des guitares étrangement dissonantes agressent l'auditeur qui ne sait plus où mettre les pieds tant la rythmique est insaisissable. Des soli fous donnent un goût d'hystérie désespérée (« Key to Timeless Laws »). Le growl est souffreteux comme sur du black. C'est d'autant plus cruel qu'à chaque morceau, la violence est atténuée par des passages calmes, voire dark ambiant. « Superimposing Mere
Will And Sheer
Need » en est le paroxysme, partant d'une rythmique effrénée pour arriver à une cadence lente et douloureusement marquée, proche de
Ommadon.
A l'issue de l'écoute de la galette, Dudule a alors l'impression d'avoir assisté à un truc exceptionnel : « Viens-je d'entendre une révolution ? Est-ce cela, l'avant-garde ? » Nous pourrions être d'accord avec lui. Il est séduisant ce sombre monolithe...Or il existe déjà depuis longtemps, à l'identique : il s'appelle «
Obscura » de
Gorguts (1998). Depuis, il y a aussi
Ulcerate dans une veine similaire.
Ad Nauseam n'a fait mieux qu'aucun de ceux-là, ni pire, ni différent.
Finalement, ce qu'il y a de plus intrigant dans cet album, ce sont les emprunts à ce qui ne relève pas du metal à proprement parler. Et ce, à l'image du final bruitiste de «
Lost in Antiverse » et du travail avec des instruments acoustiques. Hormis les accords de piano, placés avec une parcimonie angoissante, ce sont les arrangements de cordes dissonantes (sur « My Buried
Dream » notamment) qui attirent l'attention, citant les travaux indispensables et puissants de Iannis Xenakis et surtout Krzysztof Penderecki.
Je ne suis pas beaucoup plus vieux que Dudule, donc on ne pourra pas m'accuser de vieux-isme. Simplement, comment faire l’exégèse absolue d'une œuvre qui met ses doigts exactement là où d'autres, plus illustres, les ont laissés auparavant ?
Ad Nauseam a beau avoir un talent indéniable, il ne donne pas la créativité qu'on espère...
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