Parmi les jeunes recrues, nombreux sont les prétendants à vouloir faire partie de la fine fleur du metal symphonique gothique à chant féminin. Inspiré par
Nightwish,
Within Temptation,
Xandria,
Delain, entre autres, le quartet suédois, créé en 2008 par Hellsinki (guitare et arrangements) et Voodoo (batterie), se place précisément dans cette veine. Complété par les talents du bassiste Aiwaz et de la charismatique mezzo-soprano
Lady Crow, le groupe s'est laissé le temps de peaufiner ce premier album, sorti chez WormHoleDeath Records pas moins de cinq ans après leur formation. Ce qui s'en ressent tant par la qualité de l'enregistrement qu'au regard d'un mixage équilibrant parfaitement les parties instrumentales et vocales entre elles. On en décèle une belle profondeur de champ acoustique, des enchaînements inter-pistes plutôt propres et des finitions loin de manquer à l'appel. Ainsi, le parcours auditif s'effectue dans des conditions quasi optimales le long des onze pistes, égrainées sur une bande de trois-quarts d'heure, que compte la roborative et goûteuse rondelle. Les compositions s'avèrent mélodiquement travaillées, plutôt accessibles, techniquement convaincantes mais sans ostentation, inscrites dans un registre metal symphonique gothique, mélodique et atmosphérique, où les prises de risques ne sont pas légion et l'originalité du propos pas réellement au rendez-vous. Mais, le skeud a bien d'autres armes à sa disposition pour nous inciter à embarquer dans la goélette.
Dans une première salve relativement énergisante, le combo n'a pas manqué de nous convier à un spectacle haut en couleurs, où l'ombre de
Nightwish plane, avec pour point commun de ne jamais se départir de somptueuses lignes mélodiques. Ainsi, l'entraînant «
Night Lights », titre éponyme d'obédience metal symphonique mélodique, non sans rappeler les débuts des célèbres Finlandais, distille un riffing écorché vif sur une rythmique plombante le long d'un tracé harmonique sécurisant, sous-tendu par d'ondoyantes nappes synthétiques souterraines. Magnétiques couplets et immersifs refrains alternent classiquement mais étant propices au headbang subreptice, en partie stimulé par le grain acidulé et ondulant de la belle, oscillant entre Lisa Middelhauve (ex-
Xandria) et Simone Simons (
Epica). Un joli solo de guitare s'intercale sur un petit pont, prestement relayé par les vibes de la douce sur la crête du refrain. Exercice relevé de main de maître. De son côté, le puissant et rayonnant «
Lost In The
Dark », piste metal symphonique gothique dans l'esprit du maître inspirateur, offre une ligne mélodique quasi hypnotique arc-boutée sur des arrangements effilés et un riffing par à-coups. On entre dans la danse sous le joug de savoureux couplets et de refrains catchy à souhait, non sans rappeler
Apparition. Si rien d'original ne transpire de cette plage, cette dernière s'avère d'une efficacité redoutable, à l'image d'un hit en puissance. Difficile de prendre en défaut un titre qu'on aurait bien tort de quitter prématurément.
Dans cette mouvance, d'autre pistes conjuguent d'autres influences pour étayer leur message musical. Ainsi, des nappes synthétiques nous attirent tout de go sur «
Lust And Desire », entraînante plage aux riffs griffus et aux harmoniques délicatement élaborées, nous conduisant en des contrées mélodiques avenantes, dans l'esprit d'
Autumn. On suit les tribulations de la mezzo soprano qui, tout en nuances et avec une confondante justesse, nous aspire dans un univers feutré et propice à la rêverie. Pour l'assister, quelques touchants arpèges au piano posés sur un soyeux parterre organique nous font comprendre que l'on entre en contact avec une partition travaillée en profondeur, mêlant une superbe mélodicité et un brin de technicité, pour un résultat stupéfiant de sensibilité. Pour sa part, l'envoûtant et pénétrant «
Blood Tonight » est une vivifiante piste metal symphonique au tracé mélodique d'une précision d'orfèvre, où les notes tombent juste, conformément aux truculentes portées contenues dans la partition, dans le sillage de
Xandria. On ne résistera pas bien longtemps aux envolées lyriques de la déesse, notamment sur les refrains, qu'il s'avère illusoire d'esquiver sans éprouver le moindre remords. On est pris dans l'étau d'un morceau à l'architecture rythmique convaincante et aux accords volontairement rendus accessibles, pour une totale jubilation de nos sens, in fine. Enfin, le vitaminé «
Inverted Dreams » nous embarque dans une atmosphère enjouée sous couvert de riffs crayeux et d'une section rythmique d'une densité contenue. Des couplets bien charpentés et des refrains ciselés au scalpel, mis en habits de lumière par quelques échanges en piano/voix d'une totale maîtrise, nous enveloppent de la chaleur de leur empreinte mélodique. Chapeau bas.
Par moments, le tempo se fait plus tamisé. Sans pour autant s'avérer mous du genou, de belles pièces à l'appui ensorcellent nos âmes. En premier lieu, on aura observé une cohabitation des sources d'influence au sein de certains titres. Ainsi, le somptueux mid tempo «
Bring Me Down », à la croisée des chemins entre
Xandria et
Delain, déploie des trésors de recherche mélodique pour nous rallier à sa cause. Et la sauce ne tarde pas à prendre, tant la charge émotionnelle contenue est habilement véhiculée par la maîtresse de cérémonie, quelque soit le compartiment où elle se meut. Un titre aux refrains imparables, à la féline souplesse rythmique, qui, on l'aura compris, dispose d'armes de séduction massives pour s'infiltrer dans nos âmes sans l'ombre d'une difficulté et probablement se hisser dans les charts. Même programme pour son voisin de bande. Souriant instant que nous propose « Not Afraid », charmant mid tempo où les impulsions de la déesse s'élèvent d'un cran pour encenser nos pavillons alanguis, notamment à l'abord des refrains, propices au déclenchement d'une vision d'un monde onirique peuplé de chimères. Un cheminement harmonique plutôt invitant qui s'inscrit dans une mouture proche d'un
Within Temptation de la première heure, avec un zeste de
Nightwish, nous est octroyé, rien de moins. Qui plus est, une touche toute personnelle s'inscrit déjà dans les gênes de cette jouissive piste metal symphonique. Enfin, un réel envoûtement du tympan nous attend également sur le fondant « Until
The Dawn », captivant mid tempo à la sensibilité à fleur de peau, à la luxuriante ligne mélodique, corroborée par un piano aux gammes effilées. Autant dire que les grisants refrains tout comme les sulfureux couplets ne rateront pas leur cible, celle de nos émotions les plus enfouies. On le comprend d'autant plus que l'on est à la croisée des chemins entre
Xandria et
Within Temptation sur le plan mélodique, avec une touche d'
Angelzoom, sur l'axe atmosphérique. Et lorsque les épanchements vocaux de la jeune interprète se font câlinants et finement modulés, on entre alors en lévitation pour une brève incursion au royaume des anges.
D'autres plages de cet acabit font écho à des sources uniques, et ce, à l'instar de pistes ne suscitant pas moins une adhésion quasi immédiate. Ainsi, de fines variations de tonalité se perçoivent sur « Broken », mid tempo aérien dans le sillage de
Delain, où les captatrices volutes oratoires de la sirène disséminent leurs flèches pour tenter de nous toucher en plein cœur. Et la manœuvre réussit, une fois de plus. Ce faisant, on n'échappera pas à la déferlante de douceurs sur les couplets, ni au champ de roses promis sur les refrains, nous enivrant littéralement de leur voluptueux parfum. L'engageant « Into Her
Void », dans la même veine, offre de délicieuses oscillations vocales plongeant dans un bain orchestral aux doux remous. Le tout nous mène à la découverte de couplets orgasmiques aux généreuses oscillations et de refrains quasi extasiants. Même si le cheminement mélodique peut paraître convenu, la captation de nos émotions ne pourra que malaisément être évitée, tant la mécanique semble rodée. Enfin, un riffing gras étreint une rythmique massive peu à peu devenue mesurée sur « Whenever », délectable et unique ballade octroyant quelques séries de notes infiltrantes, pour un insoupçonné voyage introspectif d'une soufflante beauté harmonique. Un joli petit solo de guitare s'inscrit en creux dans une trame tamisée, propice à la zénitude. Dans le sillage de
Xandria, première mouture, on entre ainsi dans un monde féérique, délicatement mis en relief par les claires patines de la douce, pour ne plus le quitter d'un iota jusqu'à son terme.
On ressort de l'écoute de la galette interpelé par tant de brio et de professionnalisme affichés par l'équipe, au regard des rigoureuses et engageantes portées disséminées sur la totalité du skeud. Aux qualités mélodiques élevées au rang d'un art s'adjoignent une cohésion groupale indéfectible, des arrangements de bonne facture, une technique instrumentale rodée et un sens inné de l'interprétation chez la jeune déesse. L'exercice peut paraître convenu, parfois très classique, mais il ne laisse place à aucune approximation dans ses gammes et ses arpèges, laissant la magie opérer eu égard aux nombreuses séries d'accords invitatoires contenues dans le message musical. Nul doute que les amateurs de metal symphonique gothique à chant féminin clair, en général, et des sources d'influence du combo, en particulier, sauront ainsi trouver en lui un heureux prolongement d'illustres formations du genre. C'est dire que, pour un premier jet, le collectif suédois s'en sort fort honorablement et renseigne déjà la concurrence sur ses intentions, à laquelle il pourrait bien, à terme, faire de l'ombre. Bref, un groupe à suivre de près...
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