Si
Aethernaeum n’est pas le groupe le plus reconnu dans la grande famille du black folklorique allemand, ce n’est pas par manque de talent mais simplement parce que la formation est encore toute jeune, se formant en 2013 à Berlin et sortant dans la foulée son premier album,
Wanderungen durch den Daemmerwald.
Se situant à l’opposé du pagan germanique présentant généralement une musique carrée, rude et brute de décoffrage, le quintette évolue dans un black évanescent aux accointances atmosphériques et folkloriques très porté sur les mélodies de clavier et de violoncelle.
Ce
Naturmystik est leur second album sur Einheit Produktionen, et inutile d’y aller par quatre chemins : il s’agit d’une véritable réussite, à la sensibilité et à la virtuosité remarquables. Situé quelque part entre le folk intimiste et naturaliste d’
Empyrium et
Dornenreich et le dark metal aux mélodies exaltées et sombres de
Your Shapeless Beauty ou de
Thurisaz,
Aethernaeum dégage une puissance émotionnelle et païenne qui n’est pas sans rappeler le sublime Andacht de
Black Messiah.
Du haut de ses 10 minutes,
Die Stimme der Wildnis débute l’album par une corne de brume sombre et menaçante et des percussions tribales. Puis les guitares arrivent, limpides et aériennes, nous servant des riffs lancinants et poignants, contrastant avec la basse aux secousses étonnamment profondes. Par-dessus la saturation des cordes plane cette voix susurrée et mystérieuse ainsi que la complainte des violons à la douceur nostalgique. Le tout est extrêmement mélodique, avec ce refrain épique porté par ces harmonies de guitare, un violon mélancolique et une voix black arrachée. Les mélodies des guitares, le rythme simple, prenant et entraînant que martèle la batterie, les chœurs païens qui résonnent comme l’âme de la forêt, tout s’enchevêtre pour former une symphonie sylvestre de 10,31 minutes.
Heimreise (
Requiem) s’ensuit, avec une douce mélopée acoustique et le chant lancinant du violon, avant qu’une batterie véloce et des guitares à la fois acérées et mélodiques ne viennent distiller une nappe de notes oniriques sur ce rythme fougueux. Le chant black et la basse, toujours aussi grave et grondante, viennent parachever la fresque, composant un titre à la balance parfaite entre agressivité et harmonies, avec des parties de grattes d’une beauté à couper le souffle, exhalant un parfum à la fois païen, mélancolique et romantique, et un long pont acoustique sur lequel les cordes du violon et de la guitare entremêlent leurs soupirs langoureux. Lors de ce passage plus intimiste, la voix grave d’Alexander Paul
Blake chantant dans la langue de Goethe se répercute dans l’immensité vierge de la nature, sentencieuse et intemporelle – impossible de ne pas penser à
Empyrium - et ces chœurs lointains viennent flotter sur ces mélodies hantées.
On ne peut pas non plus passer sous silence le début de Umarmung der Einsmakeit, qui fait pas mal penser à
Dornenreich, avec ces percussions feutrées, ces guitares folk à la sobriété touchante, et ces nappes de claviers donnant une teinte sombre et inquiétante aux premières secondes. Le souffle de mister
Blake vient nous caresser l’oreille et s’amorce alors une progression plus apaisée, pour un titre qui oscillera sans cesse entre ténèbres et lumières, avec cette alternance de vocaux murmurés et de voix black. De même, comment oublier Der Baumpercht, nous entraînant dans une forêt sombre en plein rituel païen, avec ces tambours sourds, ces autres percussions plus subtiles, ces chœurs sauvages à la beauté troublante et presque liturgique, ces accords envoûtants et ce chuchotement expressif qui récite on ne sait quelle incantation oubliée…
Certes, l’album n’est pas parfait, et on déplorera en premier lieu une fin d’album redondante utilisant des structures trop identiques (Jenseits Der Mauer des Schweigens, par ailleurs agréable et à la belle musicalité, mais n’apportant pas grand-chose, ou Im Zyklus der Jahreszeiten, plutôt réussi, mais reposant sur des structures mélodiques déjà largement exploitées sur le reste de l’album), par ailleurs les moins sensibles d’entre nous pourront reprocher un certain manque d’intensité sur l’ensemble de l’œuvre.
Il est vrai qu’avec ses 66 minutes,
Naturmystik tire parfois un peu longueur et aurait sans doute gagné à être amputé d’une dizaine de minutes pour n’en conserver que la substantifique moelle, ceci dit, la plupart du temps, la magie opère et le combo berlinois parvient à nous emmener dans ses paysages séculaires et majestueux tout en clairs obscurs.
Vous l’aurez compris, ce
Naturmystik est une très belle réalisation, à la sensibilité et à la spiritualité palpables rendues par une alternance judicieuse entre parties acoustiques et passages black plus enlevés, mais toujours extrêmement mélodiques. Les Allemands font la part belle aux atmosphères, s’aidant largement de claviers célestes, de choeurs presque sacrés, et de la mélancolie poignante du piano et du violoncelle, enveloppant leur musique d’un romantisme sombre et raffiné à la noblesse lancinante.
Aethernaeum est indubitablement un groupe à suivre de très près, et leur deuxième album est à écouter sans modération. Laissez-vous enivrer par l’appel de la Nature…
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