Dans le foisonnant espace metal symphonique à chant féminin dominé par les cadors du genre,
Nightwish,
Epica,
Delain,
Xandria, en tête de cortège, difficile pour les jeunes recrues de s'illustrer à leur tour. C'est pourtant ce redoutable défi qui attendent les nouveaux venus, et que souhaite précisément relever ce jeune combo espagnol créé en
2012 à Madrid. Conscient des enjeux et des risques courus à se lancer coûte que coûte dans l'arène, le collectif madrilène s'est précisément laissé le temps nécessaire à la solidification de son projet. Aussi, faudra-t-il patienter deux longues années avant de le voir donner naissance à son premier bébé, «
Myths and Constellations » ; auto-production de 12 titres égrainés sur un ruban auditif de près d'une heure, consacrée à Saint Seiya, série télévisée d'animation japonaise bien connue. A l'aune de ce premier essai, la troupe ibérique serait-elle d'ores et déjà en passe de se hisser parmi les espoirs de ce si concurrentiel registre metal ?
Fondé par le guitariste/vocaliste Guillermo Riesgo (
Wereworld), le groupe connaîtra un rapide et profond remaniement de son line-up. Aussi, s'il peut actuellement compter sur les talents de la mezzo-soprano Grace Taylor (Westfallenpark) et du bassiste Fede Agudo (feu
Enuma Elish, feu
Mitad Oscura, feu Negras Visiones). disparaîtront l'année-même de la création du combo, le batteur Ángel López (ex-Blackbeltz, ex-Satcconnia, ex-
Ethos...), le guitariste Daniel Martínez (Hiranya,
Phoenix Rising...) ainsi que le claviériste Dave Imbernön (feu
Enuma Elish). De cette collaboration émane un propos power mélodico-symphonique aux relents gothique, opératique, progressif et cinématique ; une heureuse fusion de styles qui a pour corolaire un potentiel technique judicieusement exploité et une féconde inspiration mélodique de ses auteurs.
S'esquisse alors un essai à la fois pulsionnel, enjoué, énigmatique, enivrant et romantique, dans la veine de
Nightwish,
Xandria,
Amberian Dawn,
Ancient Bards,
Tristania,
Visions Of Atlantis et
Diabulus In Musica. Jouissant d'un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation et d'une belle profondeur de champ acoustique, le nouveau-né annonce la couleur des intensions de ses géniteurs ; sans oublier le trait affiné du graphiste colombien Felipe Fierro dont la pochette d'inspiration fantastique s'en fait l'écho. De quoi nous intimer d'aller jeter une oreille plus qu'attentive au plantureux effort...
C'est à l'image de ses pistes les plus éruptives que le combo espagnol marque ses premiers points, dont quelques pépites placées çà et là sur notre route. Ainsi, mis en exergue par les cristallines inflexions de la sirène que viennent renforcer des choeurs en faction, c'est d'un battement d'ailes que l'entêtant refrain exhalant des entrailles de «
Wings of
Hope » happera le tympan du chaland. Sous-tendu par des riffs crochetés, recelant un martelant tapping et agrémenté d'un seyant solo de guitare, cet impulsif méfait power symphonique aux faux airs d'
Ancient Bards s'apparenterait à un hit en puissance ; une grisante offrande que l'on se repassera volontiers sitôt l'ultime mesure envolée. Dans cette dynamique, les ''nightwishiens'' « Dragons
Die Killing » et « Undersea Wedding » suivent tous deux un infiltrant cheminement d'harmoniques. Et ce ne sont ni leur fin legato à la lead guitare ni leur énergie aisément communicative qui nous débouteront de ces tubesques livraisons. On retiendra enfin le trépidant « Twin Soul » pour son refrain catchy, ses enchaînements intra piste des plus sécurisants, et un corps oratoire en parfaite harmonie.
Quand le climat se fait plus oppressant, plusieurs passages circonstanciés du message musical seront requis pour en déceler toutes les subtilités. Ce qu'atteste, d'une part, «
Hate Everyone », up tempo symphonique aux relents dark gothique, à la croisée des chemins entre
Tristania,
Nightwish et
Xandria. Décochant de saillants couplets mis en relief par les corrosives attaques du puissant vocaliste, relayés chacun d'un refrain immersif à souhait mis en habits de lumière par les limpides volutes de la déesse, on comprend que le tortueux méfait joue à plein sur les effets de contrastes atmosphériques et oratoires pour tenter de nous rallier à sa cause. Et la sauce prend là encore. Tout aussi offensifs et imprévisibles, le ''tristanien'' « The Zodiac
War (Part I) » comme le complexe et ''draconien'' « Death Comes » se plaisent, eux, à nous bringuebaler pour mieux nous retenir, in fine. Mais le magicien aurait encore d'autres tours dans sa manche...
Lorsqu'il en vient à varier ses phases rythmiques à l'envi, le collectif ibérique parvient là encore à nous retenir, un peu malgré nous. Aussi, à la confluence de
Nightwish (première mouture) et
Visions Of Atlantis, s'inscrit le mid/up tempo metal symphonique à visée opératique « Iced
Heart ». Se calant sur un duo mixte en voix claires bien habité, les sémillantes envolées lyriques de la belle répondant en écho aux puissantes et solaires impulsions de son comparse, et voguant sur une onde mélodique des plus enveloppantes, le rayonnant effort ne saurait être éludé. Dans cette énergie, on n'esquivera ni le polyrythmique et luxuriant « The Zodiac
War (Part II) », tant pour la soudaineté de ses montées en régime que pour la délicatesse de ses sonorités japonisantes, ni le chavirant et ''nightwishien'' low/up tempo «
Asgard », eu égard à son fondant refrain, ses fulgurantes accélérations et ses arrangements instrumentaux aux petits oignons. Et comment ne pas se sentir porté par les grisantes séries de notes essaimées par le cinématique et épique low tempo progressif « Alaya-vijnana » ? Doté d'un délicat picking à la guitare acoustique et de couplets finement ciselés, l'''edenbridgien'' effort dévoile parallèlement un refrain catchy ainsi qu'une sémillante gradation du corps orchestral. Peut-être bien l'une des pépites de l'opus.
Que l'aficionado de moments intimistes se rassure, nos compères ne l'auront nullement laissé pour compte, tant s'en faut. Ce qu'illustre « This Cloth », ballade romantique jusqu'au bout des ongles aux airs d'un slow qui emballe, que n'auraient reniée ni
Nightwish ni
Diabulus In Musica. Mise en habits de soie par les poignantes empreintes oratoires de nos deux vocalistes patentés, alors en totale symbiose, glissant le long d'une radieuse rivière mélodique et se chargeant en émotion au fil de sa progression, la tendre et classieuse aubade fera plier l'échine à plus d'une âme rétive. C'est tout en élégance et en magnificence que s'achève notre voyage.
Pour son premier essai, le collectif espagnol s'en sort avec les honneurs. Aussi, effeuille-t-on une œuvre à la fois entraînante, parfois intrigante, pénétrante, et des plus subtiles, bénéficiant, en outre, d'une ingénierie du son plutôt soignée mais nullement aseptisée, Variée sur les plans atmosphérique et rythmique, cette introductive offrande témoigne également d'un réel potentiel technique et de qualités mélodiques que pourraient avoir à leur envier bien de leurs pairs. Il conviendra néanmoins de consentir à l'une ou l'autre prise de risque, diversifier les exercices de style, et personnaliser davantage leur message musical pour permettre à leur propos de gagner en épaisseur artistique. Quoiqu'il en soit, à l'aune de cette luxuriante et magnétique livraison, la troupe aurait les armes requises pour s'imposer parmi les sérieux espoirs de ce registre metal. Sans doute le premier volet d'une aventure au long cours pour le combo madrilène...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire