C’était pourtant lui qui le disait, qui le clamait, autant en entretien qu’à travers ses textes : il n’aimait que le vrai metal, traditionnel et brut de fonderie.
Andi Deris le disait même « Je suis sans doute un vieux con à ce sujet-là ». Exprimant même son incompréhension quand son fils lui faisait écouter
Deftones ou
Korn, définitivement trop peu conventionnel, sous-accordés et sans structures traditionnelles pour que l’actuel frontman d’
Helloween s’y intéresse.
Et pourtant…
Quatorze ans après un
Done by Mirrors vraiment bon, dans l’optique des
Helloween de l’époque (autant dire inégal), celui qui a offert la renaissance des citrouilles retrouve le chemin du studio en solo accompagné de jeunes musiciens inconnus de son cru, qu’il nomme sobrement les Bad Bankers. Et il semblerait qu’entre temps (avec notamment le grand retour en grâce d’
Helloween avec les excellents albums depuis "
Rabbit Don’t Come Easy"), le père Deris se soit mis à appréhender une nouvelle sorte de musicalité. Car lorsque déboule "Cock", on se dit que le son de
Deftones n’est justement pas si loin que ça.
Il faut bien sur raison garder et prendre ces mots avec considération car le chant d’Andi est toujours aussi reconnaissable entre mille mais la lourdeur et la saturation du riff, la rythmique très simple et explosive, les multiples effets vocaux sur les lignes de chant ainsi que la basse prédominante s’inspirent plus du neo metal que du heavy prodigué par le héros blond depuis vingt ans.
Il est relativement difficile de comprendre ce qu’a réellement voulu faire
Andi Deris avec ce
Million Dollars Haircuts on Ten Cents Heads, très rock dans l’âme, vraiment simple et accrocheur et clairement pensé comme une bouffée d’air frais par le vocaliste. Lui qui est souvent l’investigateur des morceaux les plus agressifs d’
Helloween, ou paradoxalement les plus progressifs, il ne reste ici qu’une attitude rock n’roll sans prise de tête, accessible et destinée à tous. Le clip de "Don’t Listen to the Radio" en est la meilleure preuve. Le riff est d’une simplicité enfantine (trop malheureusement), le solo est ultra rabâché, les couplets sans véritable saveur mais il en ressort un refrain très catchy, que l’on retient dès la première écoute et que l’on peut déjà chanter avant la fin du morceau, avec de plus cette voix inimitable qui, il faut bien l’avouer, n’a aujourd’hui aucune équivalence. Cependant, on regrettera dans cette attitude un laisser-aller créatif un peu trop grand, ou un amalgame entre simplicité et banalité qui est trop souvent présent ici. Car à trop vouloir se faire plaisir, c’est plutôt l’auditeur qui en subit les conséquences.
Les compositions se répètent toutes un peu, sans personnalité propre. La mélodie de "
Blind" par exemple, est là aussi maintes fois répétée et sauvée par la seule interprétation vocale d’un Andi totalement maître à bord de son groupe. Les riffs très saturés et sans consistance n’arrangent rien puisqu’ils sont presque tous curieusement similaires. La production approximative faite à Tenerife (un comble quand on enregistre ses albums chez Charlie Bauerfeind depuis une décennie) n’arrange rien. Les guitares sont trop grasses et manquent cruellement de personnalité et de finesse, le son de la caisse claire est fade et plat et il ne ressort finalement dans le spectre sonore que la voix d’Andi ainsi qu’une basse étouffante (comme dans le neo d’ailleurs).
Évidemment, on retiendra tout de même de sympathiques compositions, comme un "Must Be
Dreaming" qui rappelle l’époque de "
Master of the Rings", notamment dans les envolées vocales du ‘sieur. "Banker’s
Delight" également, pour son côté plus groovy et ce riff sortant cette fois-ci complètement du lot, avec un Deris très agressif et véritablement «bad boy» pour le coup. Néanmoins, c’est totalement avec ce genre de titres que l’album trouve un semblant de souffle et d’intérêt dans un genre collant en plus parfaitement au personnage. A l’inverse total, on retiendra aussi "We
Will Ever Change" dans l’optique désespérément optimiste d’Andi envers le monde et l’humanité. Sa voix pure et sensible s’envole dans de magnifiques harmonies sur un mid-tempo lourd mais ponctué d’interludes superbes et sensibles, très intimistes. "Enamoria" s’inscrit dans un schéma similaire et c’est finalement dans cette optique qu’il s’en sort le mieux plutôt que dans des écarts rock n’roll peu convaincants, voir complètement ennuyeux. "The Last Day of
Rain" ne marquera personne pour ne citer que lui…
Il est clair qu’Andi a voulu avant tout se faire plaisir avec cet album mais le contrat n’est malheureusement qu’à moitié rempli car le plaisir n’est pas toujours partagé. De passages rock pas très à propos à d’autres plus saturés et modernes encore moins réussis (faute à une production trop passive, encore une fois), on ne retiendra que les compositions plus intimes et mélodiques qui incarnent le chanteur que l’on aime entendre. Cet album plaira probablement aux fans acharnés du vocaliste, ou à l’inverse à des auditeurs venant d’autres horizons, mais les autres risquent d’être déçus. L’ensemble est encore un peu faible pour faire patienter convenablement jusqu’au prochain opus d’
Helloween. Il faudra donc s’armer de patience pour retrouver Andi dans des dispositions plus aptes à nous faire rêver des heures durant…
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