Liste des groupes Metal Gothique Matrimonium Memories

Encore un ixième groupe metal gothique symphonique à chant féminin, probablement voué comme tant de ses pairs à une disparition prématurée, me direz-vous et vous auriez raison. Ce serait sans compter la féconde inspiration, le potentiel technique et la furieuse détermination de ce duo polonais à en découdre, et ce, dans un registre metal pourtant surinvesti en formations de tous poils, ne laissant, de fait, que peu d'espace aux nouveaux entrants pour y faire leurs armes. Conscient des enjeux et des risques encourus à se lancer précipitamment dans l'arène, le combo affiche une certaine prudence dans sa démarche, ayant bien pris le temps de jauger les paramètres, de peaufiner ses gammes et ses arpèges, et d'affûter ses paroles.

Aussi, créé en 2018 par la compositrice, mezzo-soprano et graphiste Domina et le parolier, pluri-instrumentiste, arrangeur et vocaliste Dominus, le duo ne nous gratifie de son premier bébé, le présent EP 5 titres « Memories », qu'une année plus tard. Cette laconique auto-production n'excédant guère les 21 minutes nous immerge dans un univers rock'n'metal symphonique gothique et progressif à la fois entraînant, troublant, évanescent et romantique, dans la lignée de The Gathering, Xandria (première période), Autumn (seconde mouture) et Lacuna Coil. Si les arrangements et les enregistrements s'avèrent de bonne facture, un persistant sous-mixage des lignes de chant ne saurait être éludé. Mais entrons plutôt dans la petite goélette...

A la lumière de leurs passages les plus vitaminés, c'est sans jambage que nos acolytes marquent leurs premiers points. Ainsi, à mi-chemin entre The Gathering et Lacuna Coil, le mid tempo progressif « Fortress » glisse sur une sente mélodique aux subtiles nuances tout en disséminant une belle gradation de la densité instrumentale. Une piste au caractère rock gothique bien trempé typique des mid-80s/90s, à l'image de l'habile legato dispensé à la lead guitare. Dans une atmosphère résolument éthérée, les ensorcelantes et chatoyantes modulations de la déesse font mouche où qu'elles se meuvent. Dans une même énergie, tout en essaimant un riffing crocheté et d'énigmatiques mais poignantes séries d'accords, l' ''automnien'' mid tempo atmosphérique gothique « Kingdom », pour sa part, nous mène en de célestes espaces dont la féline et hypnotique mélodicité s'en fait l'écho. Et comment esquiver les vibes enchanteresses émanant de l'entraînant « Prawda », seul titre de la galette dispensé en polonais, jouant, lui, dans la catégorie des hits en puissance ?...

Quand la cadence se fait plus mesurée, le temps semble comme suspendu, nos compères parvenant alors à encenser le pavillon sans avoir à forcer le trait. Ce qu'illustrent « Forgive Me » et « Fairytale », ballades atmosphérique progressif d'une confondante fluidité, toutes deux sous-tendues par d'enveloppantes nappes synthétiques et des choeurs samplés du plus bel effet, chacune voguant parallèlement sur un courant mélodique des plus envoûtants. Sur ces mers d'huile se posent les pénétrantes inflexions de la sirène, nous menant dès lors en d'oniriques contrées peuplées d'angéliques créatures. Bref, deux instants privilégiés jouant à plein sur la fibre émotionnelle, que n'auraient reniés ni Autumn, ni Lacuna Coil, et que l'on ne quittera qu'à regret.

Contrairement à moult de ses homologues, le duo polonais a misé ses espoirs de séduction sur une subtile et insoupçonnée fusion de styles doublée de fines esquisses mélodiques, aptes à nous happer d'un battement de cils. Ce faisant, nos acolytes nous livrent une œuvre certes dans un mouchoir de poche mais témoignant de frissonnants cheminements d'harmoniques et n'accusant pas l'ombre d'un bémol ou d'une longueur. On aurait cependant espéré un plus large éventail en matière d'exercices de style, par l'octroi de l'une ou l'autre fresque et/ou instrumental, par exemple, souvent requis dans ce registre metal. De plus, un propos plus diversifié sur le plan vocal ouvrirait l'horizon des joutes oratoires, une option que l'aficionado du genre ne saurait bouder, loin s'en faut. Mais le duo a encore le temps d'affûter ses armes pour caresser l'espoir d'inquiéter ses challengers sur leurs propres terres. Pour l'heure, embarquons pour un bref mais insolite voyage en apesanteur...

Note : 14,5/20