Si légion sont les formations metal symphonique gothique à chant féminin à marcher sur les traces de
Nightwish et consorts pour tenter d'essaimer leurs riffs et faire ouïr leurs voix, d'autres, plus éparses, ont opté pour des voies alternatives pour déployer les leurs. Un pari osé certes, une prise de risque consentie mais calculée, sans le moindre faux pas, pour certaines d'entre elles. C'est précisément dans cette veine que s'inscrit cet expérimenté sextet finlandais originaire de Pori, où les influences de
Lacuna Coil,
Evanescence,
Nemesea,
Theatre Of Tragedy,
Angelical Tears et
Unsun ne sauraient être éludées. Conscient des enjeux et des risques encourus à trop vouloir précipiter le cours des événements dans un registre metal déjà surinvesti, le combo a laissé le temps nécessaire au projet pour gagner en maturité et à son line up pour se consolider...
Co-fondé en 2001 sous le nom de Serene par les guitaristes Jani Puusa et Marko Heurlin, la chanteuse Maija Saari et le batteur Timo Fetula, le groupe sera complété, deux ans plus tard, des talents du claviériste/vocaliste Lassi Nuolivaara (Ghosttide) et du bassiste Jussi Lamminharju. En 2007, au moment-même où Maija quitta le groupe, alors remplacée par Jemina Pitkälä, Serene se mua en
Memoira. Aux fins d'un travail minutieux en studio, le collectif finlandais ainsi constitué accouchera en 2008 de son premier et présent album full length «
Memoira » ; opus éponyme signé chez le puissant label américain
Nightmare Records, duquel émanera leur premier single et clip du charismatique « Liberation ». Ce faisant, le combo nous livre un set de 9 compositions d'obédience rock'n'metal symphonique gothique et progressif, où éclectisme et effervescence rythmique riment avec élégance mélodique et forte charge émotionnelle. Tout un programme...
D'entrée de jeu, s'observe une qualité de production d'ensemble que pléthore de ses homologues pourraient lui envier. Lorsqu'on sait que le producteur exécutif de la galette n'est autre que l'aguerri vocaliste Lance
King (
Defyance, ex-
Gemini, ex-
Avian, ex-
Pyramaze...), fondateur du label sus-cité, connu pour avoir oeuvré pour
Balance Of Power,
Empire,
Eternal Flight, entre autres, on subodore une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos acolytes. Enregistré et mixé au Ansa Studio par le guitariste/bassiste Teemu Heinola (
Mors Principium Est), sollicité par
Hateform, et le violoncelliste/guitariste/programmeur Jori Haukio (
Depressed Mode, ex-
Mors Principium Est), investi chez
Scythe Of
Orion,
Synestesia..., le méfait jouit de finitions passées au crible et d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation. Levons sans plus attendre le rideau et qu'entrent en scène les artistes...
A la lumière de leurs passages les plus incisifs, tout en faisant montre de délicatesse, c'est sans complexe que nos gladiateurs montreront leurs griffes. Aussi, ne tarderont-ils pas à aspirer le tympan de l'aficionado du genre. A commencer par « Experimenters
Farewell », grisant mid/up tempo symphonique gothique aux riffs grésillants au confluent entre
Lacuna Coil,
Evanescence et
Nemesea. Voguant sur de soyeuses nappes synthétiques, disséminant des couplets finement ciselés relayés chacun d'un refrain immersif à souhait, mis en exergue par les sensuelles inflexions de la sirène, surmonté d'un bref mais seyant solo de guitare, le tubesque effort ne mettra qu'une poignée de seconde pour déclencher un headbang subreptice. On ne s'esquivera pas davantage sous le joug de l'infiltrant cheminement d'harmoniques essaimé tant par l'entraînant «
Destiny of Yours » que par le gracieux «
Haunted ». Sous-tendus par de pianistiques perles de pluie, délivrant des enchaînements intra piste ultra sécurisés et recelant de confondantes montées en régime du convoi instrumental, c'est dire que ces deux fringants manifestes au carrefour entre
Angelical Tears et
Unsun disposent d'armes non moins efficaces pour nous retenir plus que de raison.
Sur un même modus operandi, toutefois moins directement orientés vers les charts, d'autres espaces d'expression n'en révéleront pas moins de séduisants atours. Et ce, à l'instar du ''lacunacoilesque'' mid tempo progressif « Half Alive » ; véritable ogive délivrant ses riffs crochetés adossés à une frondeuse rythmique et décochant un refrain des plus entêtants. Mis en habits de lumière par l'enlaçant filet de voix de la princesse derrière lequel se terrent les troublantes inflexions de Lassi Nuolivaara, gagnant en densité orchestrale au fil de notre parcours sans y perdre en substrat mélodique, l'énigmatique manifeste ne se quittera qu'à regret.
Dans un souci de diversification stylistique, la troupe a ouvert large le champ des possibles, ayant habilement combiné sa fibre metal symphonique gothique originelle avec un zeste de grunge. Une prise de risque, s'il en est, toutefois parfaitement assumée et relevée de main de maître par le combo nord-européen. Ainsi, à la jonction entre
Lacuna Coil,
Evanescence,
Live et
Nirvana, le mid tempo progressif «
Shadow on My Name » s'avère à la fois félin et corrosif, éthéré et tortueux, poussant irrémédiablement à un déhanchement cadencé. Harmonisant les siréniennes impulsions de la belle et les graveleuses attaques de son comparse dans un duo en voix claires bien habité, libérant un gras sweeping à la lead guitare tout en révélant une inattendue progressivité de l'intensité percussive qui, peu ou prou, finit par s'embraser, et nous avec, cette envoûtante livraison donnera l'irrépressible envie de plonger à nouveau dans cette mer houleuse.
Quand il retient un tantinet les chevaux, le combo trouve sans mal les clés pour nous rallier à sa cause. Ce qu'atteste, d'une part, le single « Liberation », enveloppant mid tempo pop metal atmosphérique gothique dans la veine de
Lacuna Coil et
Nemesea, où s'égraine un sensible picking à la guitare rythmique et s'intercale un bref mais vibrant legato à la lead guitare, où les hypnotiques volutes de la frontwoman font mouche où qu'elles se meuvent. Un modèle d'équilibre entre riffs épais, mélodicité aux fines nuances et délicatesse des arpèges d'accords, invitant à une remise du couvert sitôt l'ultime mesure évanouie. D'autre part, non moins seyant et pétri d'élégance mais un poil plus complexe, c'est au fil des écoutes que le mid tempo syncopé « Amortization » imposera ses délectables gammes pour s'inscrire durablement dans les mémoires de ceux qui y auront goûté.
Mais ce serait à l'aune de leur ample pièce en actes symphonico-progressive que nos compères s'avèrent les plus impactants. Aussi, c'est d'un battement de cils que les vibes enchanteresses jaillissant des entrailles du polyrythmique « Incurable » se joueront de toute tentative de résistance à leur assimilation. Cette fresque à mi-chemin entre
Theatre Of Tragedy,
Lacuna Coil et
Unsun libère ses 6 minutes d'un spectacle aux insoupçonnés et nombreux coups de théâtre. Glissant le long d'une radieuse rivière mélodique, recelant de seyants gimmicks guitaristiques doublés de sensibles arpèges au piano, octroyant moult effets de contraste atmosphérique et une belle gradation du corps orchestral, enjolivée par les graciles patines de la déesse, dotée, en prime, d'un vibrant solo de guitare, on comprend que se dessine là l'une des gemmes de l'opus.
A l'issue de notre périple, un doux sentiment de plénitude nous étreint, la formation finlandaise livrant une œuvre à la production d'ensemble rutilante, diversifiée sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, variée quant à ses exercices de style, exploratrice d'horizons alternatifs, témoignant d'un potentiel technique déjà affermi et d'une féconde inspiration mélodique, avec un petit supplément d'âme à la clé. Si les modèles identificatoires impriment de leur marque l'une ou l'autre série d'accords, le combo ne s'y est pas réduit exclusivement, ce dernier apposant dores et déjà son sceau artistique sur la majeure partie de son message musical. Cela étant, bien que ne concédant pas la moindre fausse note et demeurant agréable, on aurait peut-être souhaité une signature vocale plus aisément identifiable qu'elle n'apparaît. Etat de fait qui n'empêche nullement le collectif de placer la barre haute, celui-ci disposant dès à présent d'un arsenal suffisamment efficace pour jouer dans la catégorie des sérieux espoirs de cette scène metal. Bref, une entrée en matière sur des chapeaux de roue...
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