Certains artistes aiment prendre leur temps pour sortir un nouvel album, soit pour le peaufiner dans le moindre détail, soit par dilettantisme ou parfois par manque ponctuel d’inspiration. Tandis que d’autres sont saisis par une boulimie de travail et vont écrire riffs sur riffs, titres sur titres et le plus souvent dans des projets distincts.
Roger « Rogga »
Johansson fait partie de cette catégorie des workaholics du metal, toujours avec un projet sous le coude. Avec
Paganizer,
Putrevore,
The Grotesquery,
Revolting,
Down Among The Dead Men, Grisly et même sous son propre nom, il a sorti ou travaillé sur plus d’une quarantaine d’albums depuis le début des années 2000. Souvent acoquiné avec des growlers de renom (Paul Speckmann,
Kam Lee, Dave
Rotten ou Dave Ingram), il lui arrive aussi de travailler seul.
C’est le cas sur ce Meathymns de
Ribspreader, sorti en 2014 chez Vic Records et qui est le cinquième full-length pour cette « formation ». Ici Rogga s’occupe de tous les instruments et du growl sur les 9 titres proposés.
Et d’emblée, sur le conquérant Orchestring the
Cacophony et son hurlement d’agonie introductif, l’orientation pour un swedeath classiquement old-school est de mise. Gros riffs velus et souvent joliment troussés, growl gras et bien articulé, batterie tapageuse, mélodies maléfiques : rien ne manque au catalogue pour que l’amateur du style soit satisfait. Le morceau se permet même une accalmie centrale assez inquiétante, avant que la machine ne reparte inexorablement. On retrouve une recette similaire sur les percutants Skeletonized (et son intro en arpège lugubre) et Worm
Infested, où la basse a le droit à son petit moment de gloire. L’ensemble des morceaux s’avère de bonne qualité, quoiqu’ils soient quasiment construits sur le modèle couplet-refrain-pont (
Cemetary Dreams, Asylum for The
Rotting).
Là où le bât blesse un peu, c’est évidemment le peu de prise de risques de la part de Rogga qui ici récite une formule certes bonne mais maintes fois entendue. Le riffing et le growl, aussi solides qu’ils soient, ne se permettent que trop rarement de sortir des sentiers battus. Les titres n’offrent pas non plus de variété suffisante dans leur construction pour réellement se distinguer. Un peu plus de soli de guitare n’aurait pas été superflu, ainsi qu’un peu plus de sauvagerie. Par contre, il faut mieux oublier le dernier titre éponyme et inutile, qui est une espèce d’instrumental répétitif et creux au synthétiseur (ça sonne comme du sous sous John Carpenter).
Niveau production, l’ensemble est correct, dans les standards du genre. La basse aurait gagné à être un poil plus audible. Comme indiqué ici et là sur le net, la batterie est programmée mais, hormis sa linéarité, elle sonne plutôt naturelle ici.
La thématique est fidèle au genre musical pratiqué, avec tripailles, cimetière hanté et Lovecraft à tous les étages. Signalons aussi le joli artwork signé Turkka Rantanen, et son Jésus qui s’auto-dévore (comme dans le célèbre Anthropophagous qui a animé des soirées vidéo dans mes jeunes années).
Bref, cette ode à la bidoche saignante, quoique légèrement faisandée, a de quoi ravir les palais pas trop délicats. Pour être honnête, même si j’apprécie le travail de Rogga johannsson sur ces nombreux projets, je trouve qu’il s’en sort mieux quand il collabore avec d’autres growlers ,
The Grotesquery par exemple . Cela dit, cet album reste solide et s’écoute comme un petit plaisir malsain.
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