Non, c’est sûr,
Obsidian Kingom n’est pas un groupe très reconnu. Non, c’est sûr,
Obsidian Kingdom n’évolue pas dans le style le plus hype du moment, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce
Mantiis – premier album du combo initialement sorti en
2012 et tiré à 500 exemplaires seulement – est passé inaperçu, faute d’une promotion adéquate. Qu’à cela ne tienne, la patience finit par payer et c’est désormais sous le giron de Season of
Mist que sort la réedition de ce petit bijou de metal sombre, expérimental et atmosphérique. Amateurs, de
Porcupine Tree,
Anathema,
Opeth,
The Ocean,
Hail Spirit Noir et Throes of
Dawn, lisez la suite, cet opus est fait pour vous.
Mantiis démarre avec Not Yet Five sur une boucle musicale lancinante et cafardeuse mêlant les univers hallucinés et fantomatiques de Sigur Ros et d’
Ulver à renforts d’arpèges désolés, de samples et de percussions électroniques feutrés et d’un piano mélancolique à souhait. Le tout sonne très cinématographique, et il semble bien que ce soit le but avoué des Espagnols puisque
Mantiis est en fait un album conceptuel qui s’efforce de retranscrire en musique les conséquences d’un crime tragique pendant 47 minutes. En fait, il s’agit d’un seul et unique morceau séparé en 14 pistes distinctes pour la fluidité de l’écoute, ainsi, on croit presque écouter la BO d’un drame à l’intensité palpable, témoin auditif des émotions qui tiraillent l’auteur maudit de cet acte irréparable.
La musique qui n’est donc ici que le vecteur des sentiments les plus divers et opposés est bien évidemment très variée, oscillant entre une sorte de rock progressif puissant et mélancolique, d’un metal plus sombre parfois à la limite de l’extrême et d’une musique plus planante et atmosphérique. Les influences sont diverses, on sent parfois l’ombre du grand
Porcupine Tree dans certaines ambiances et parties de claviers à la mélancolie délicieusement douce-amère, mais d’une manière générale, les Espagnols maîtrisent parfaitement leur sujet et parviennent à créer un univers sonore personnel et touchant qui parvient à garder une cohérence étonnante.
Il va sans dire que le quintette excelle dans les contrastes, Oncoming
Dark commençant sur une guitare acoustique et légère et finissant sur un riff puissant à l’épaisseur redoutable appuyé par la double pédale, ou Last of the Lights nous servant des vocaux extrêmes et un blast lourd très typés black metal avant de se fondre en un amas de sonorités planantes et de bidouillages électroniques . La guitare vient ensuite poser ses notes langoureuses, et un saxophone sensuel vient hurler son désespoir, rappelant un peu le groupe de trip hop
Pelican City en plus virtuose, avant que le titre ne reparte sur cette batterie qui tabasse et ces grognements bestiaux.
Les 14 pistes font la part belle aux parties instrumentales, s’appuyant sur une judicieuse alternance de guitares, tantôt acoustiques, calmes et chaudes ( Oncoming
Dark, avec ces grattes aériennes à la
Anathema, la douce sérénité post rock de Answers Revealing avec ce chant clair planant qui nous transporte, Genteel to Mention, titre couplant rock prog’ seventies et post rock céleste avec ces vocaux nasillards et intemporels et ces envolées de guitares lumineuses), tantôt plus énervées et massives (la puissance lourde et colérique de
Through the
Glass, avec ces riffs très typés
The Ocean période Fluxion, Haunts of the Underworld,
Endless Wall).
D’une manière générale,
Obsidian Kingdom suinte une mélancolie musicale sombre et classieuse qui n’est pas sans rappeler We All
Die (Laughing) (The Nurse, tout en finesse rythmique avec cette batterie subtile, ce spleen nostalgique et sobre qui vient nous bercer au milieu du virulent
Awake Until
Dawn, avec ces notes de piano faussement fragiles et cette voix à fleur de peau, comme essoufflée par les turpitudes de la vie). Même s’il est rarement vraiment violent,
Mantiis sonne implacable et résigné, irradiant cette noirceur claustrophobe et un rien malsaine jusque dans les passages les plus calmes.
Ceci dit,
Obsidian Kingdom peut se montrer plus brutal, avec quelques parties plus extrêmes qui n’hésitent pas à nous balancer des vocaux rageurs et des blasts beats bien sentis (Last of the Light, le très direct, black n’ roll et psychédélique Ball-Room). A ce titre Cinnamon Balls est très agressif et moderne, proposant des riffs dissonants et des parties syncopées meshuggesques pour un black maladif et étouffant, l’apothéose étant atteinte sur ce break indus’ qui nous éclate les tympans avec une espèce de dubstep bruitiste et iconoclaste.
Voilà donc un très bon album pour ces Espagnols, proposant une musique originale, touchante et parfaitement exécutée (la section rythmique est impeccable de feeling et de technique, les parties de guitares, notamment les solos, sont excellentes, le son est au poil et la voix de Rider G
Omega est simplement parfaite, juste, sobre et gorgée d’émotions). Gageons qu’avec cette réédition, la signature sur Season of
Mist et la tournée qu’ils viennent d’achever en première partie de Solstafir,
Obsidian Kingdom parviendra à trouver son public et à conquérir pour de bon la planète metal. C’est tout le mal qu’on leur souhaite, et
Mantiis est là pour en témoigner : ils le méritent amplement.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire