Première production du quintette Lillois au nom simple mais déjà ô combien révélateur :
Heliantha,
Manea nous offre trois titres et dix-sept minutes pour appréhender l'orientation du groupe. Et puisqu'ils affichent sans complexe leur honnêteté en qualifiant ce premier essai de démo, rendons-leur ce mérite en clarifiant ce point tout de suite : comment les juger comme on jugerait des professionnels accomplis, les évaluer, et les noter sans être d'une profonde mauvaise foi ? D'un autre côté, serait-ce leur rendre service que de volontairement les épargner et les ménager, prétextant leur amateurisme (dans le sens le plus noble du terme) ? Il ne sera pas ici question d'être indulgent ou conciliant, mais on tâchera de ne pas oublier ce qu'est, et ce que devrait toujours être, une démo.
Commençons par jeter un œil à l' "album-objet". Il se présente sobrement dans sa pochette en carton, illustrée en toute simplicité des deux côtés, sans fioritures. Voilà qui a le mérite d'être modeste. Mine de rien, c'est assez beau, et ça ne jure pas entre deux albums pro dans une CDThèque. Allez, glissons ce CD dans un lecteur, branchons notre casque, et passons à l'écoute.
Dès le début, une large place est faite aux claviers, et cette impression demeure au fil des trois titres. La voix d'Audrey vient très vite prendre place sur cette base : une voix lyrique efficace et parfaitement posée. Jusque là, vous pourriez croire que je vous décris un énième groupe de symphonique plat et sans saveur. C'est là que le style du groupe prend tout son sens : les lignes de basse et de percussions sont autrement plus élaborées et complexes que celles qu'on s'attendrait à trouver parmi un de ces groupes. Quant aux guitares, on pourrait en discuter longtemps tant elles sont omniprésentes : d'un côté elles soutiennent la voix d'Audrey de rythmes puissants teintés d'une dimension épique plus que judicieuse, et de l'autre elles se muent en soli lancinants, dynamiques, et brillamment exécutés. Cette dualité à elle-seule pourrait résumer
Heliantha : une ambiance épique et chaude fermement maintenue par l'ubiquité du synthétiseur, doublée d'une complexité technique et d'une élaboration mélodique directement tirée du progressif.
Les morceaux en eux-mêmes sont assez différents pour nous présenter plusieurs aspects du quintette nordique, sans pour autant donner la sensation qu'il s’égard dans de trop nombreuses directions.
Demented Insanity est certainement le plus représentatif du style d'
Heliantha : tous les éléments cités ci-dessus sont présents. La pièce affiche clairement une évolution et un format progressifs, et tout est fait pour créer une atmosphère épique comme elles sont appréciées par les amateurs du genre.
Plus simplement, elle constitue une bonne introduction à la démo. Deceitful Memories se veut plus calme, plus "sage". Du moins, c'est ce que laisse présager son introduction. Mais, très vite,
Manea (déesse de la folie en Grèce Antique) nous rattrape, et le morceau s'emballe dans une course folle. On alterne alors les phases épiques puissantes et les passages acoustiques apaisants. Finalement, Neverending
Search laisse une place de choix au clavier, pour le meilleur comme le pire (malheureusement), au cours de phases instrumentales omniprésentes. Notons un bon point pour l’œuvre des Lillois : les morceaux s’enchaînent avec une belle fluidité, comme si la démo avait été pensée comme un tout (à la manière d'un concept-album, très à la mode ces derniers temps depuis
Within Temptation,
Nightwish et, dernièrement,
Eluveitie). C'est judicieux, et bien mené.
Cela dit,
Manea n'offre pas que des bonnes choses. Le premier point faible (le premier à m'avoir frappé en tout cas), est le mixage. Sans être vraiment mauvais, il ne met pas en valeur la performance d'Audrey, qui se voit reléguée au rang de choriste, alors qu'on ne demanderait qu'à l'entendre plus encore. Cette impression est particulièrement forte sur
Demented Insanity. C'est dommage, pour ne pas dire que c'est du gâchis. De même, la batterie est également mise à mal : les roulements s'envolent dans tous les sens sans que l'on sache où écouter. Certes c'est original, mais ce n'est malheureusement pas réussi.
Un autre mauvais point se trouve dans l'utilisation des claviers : ceux-ci sont régulièrement doublés par la guitare ou la basse, et perdent beaucoup de leur intérêt. Et quand ils sont mis au premier plan, le son est simplement has-been. Il n'y a qu'à écouter le thème de Neverending
Search : on croirait de la pop des années 60 diffusée dans une fête foraine. Quand on voit le perfectionnisme mis en œuvre dans la composition, on est en droit de se dire que le même soin aurait pu être employé dans la sélection des sons de synthétiseurs.
En bref, il y a du bon, du très bon même, comme du plus négatif dans ce
Manea. Mais, rappelons ce qui a été dit au début : il s'agit bien d'une démo. Ce n'est donc pas parfait, mais ça n'a pas la prétention de l'être.
Heliantha nous livre ici un premier opus enthousiasmant, à défaut d'être envoûtant, quelque part à mi-chemin entre
Epica et
Opeth (même si on croise, au gré des notes et accords, quelques touches d'un
Dream Theater voire d'un
Patrick Rondat), entre le sympho et le prog (une tendance qu'on pourrait qualifier de "symphoprog"), entre l'épique et le technique. C'est cette dualité qui caractérise
Heliantha, et les démarque de la pléthore de groupes de symphonique existants. La production est typiquement française, le son rappelle
Whyzdom,
Adagio ou encore YotangoR.
Alors, gardons
Heliantha sous le coude, je ne serai pas surpris d'apprendre que les nordiques ont encore beaucoup de choses à nous raconter. Un début intriguant, qui appelle une suite.
En tout cas j'en profite pour remercier le chroniqueur pour son texte =)
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