Choronzon est un one-man band, le projet de l’américain P. Emerson Williams qui a, semble-t-il, décidé de convoquer tous les spectres à son banquet sonore intitulé
Magog Agog.
Après une intro ambiante et bruitiste où des sons étouffés évoquent l’errance d’une troupe de zombies perdus dans le labyrinthe d’une caverne anxiogène, c’est à une guitare incisive (doublée par une basse grondante) que revient le privilège de se lancer dans les choses sérieuses.
Et si le rythme chaotique, speedé, qu’elle impose, irritant comme une rage de dents nous dessine tout d’abord le cadre d’un black métal furieux, si la batterie est cataclysmique comme il se doit, si la voix est écorchée, retravaillée pour que s’y surajoute son propre écho, rien n’est convenu ni limité chez
Choronzon, et c’est plutôt vers les rivages d’un black que je qualifierais de progressif qu’il faut accepter de voguer. En effet, ici les structures des compos sont complexes, les rythmiques changeantes, les breaks fréquents, et la (les) voix différenciée (tour à tour hurlée ou claire) ; les morceaux évoluent rapidement vers des délires instrumentaux qui sont autant de paysages mentaux schizophréniques et convulsifs. Il faut accepter de se plonger dans ce brouhaha sonore, ce magma proche de l’indus (la phase final de Perdurabo) et on l’accepte d’autant plus que l’on est parfois repêché par une guitare rythmique bien campée (Crimson
Awakening), une batterie véloce, puissante (« tiens, du black épique ! ») qui nous oblige à taper du pied. Mais une voix comme chuchotée au travers de couloirs spatiaux temporels, à laquelle succèdent des hurlements puis des chœurs avant que tout le morceau ne s’enfle en un délire quasi psychédélique, nous ramène à l’irraison.
Vous l’aurez compris,
Magog Agog ne se laisse pas facilement appréhender mais à cause de cela justement, il fait partie de ces opus qui persistent sur nos platines. Loin des clichés black consensuels, P. Emerson Williams impose une créativité hors norme et
Nocturnal Art Productions ne s’y est pas trompé en signant en 1998 cette œuvre à laquelle tout amateur de black un tant soit peu curieux se doit de jeter une oreille. Je termine cette chronique en précisant que P. Emerson Williams, artiste polyvalent, est également l’auteur de l’artwork de cet album. Et ses tableaux sont à l’image de sa musique : aussi éloignés que possible de tout sens commun.
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