Ah,
Myrkur ! Révolution du Black pour les uns, blague mercantile pour les autres mais sûrement épiphénomène sans importance.
On va se calmer d'entrée de jeu, M n'a absolument rien de novateur.
Hormis la voix, ce chant éthéré et léger, très pop, clairement l'attrait principal et seul véritable du one-man-band féminin. Autrement, toute la musique est fondée sur un black atmosphérique simple(t), orné de quelques atours post- légers et de parties plus riffées sur lesquelles nous reviendrons, qui doivent donc cohabiter avec la voix d'Amalie Bruun, personnalité issue d'une
Dream Pop facile et entraînante (mais agréable).
Toute les parties acoustiques, portées par ces voix cristallines (oui, elle est souvent doublée, pour apparaître tel des chœurs) empreintes d'une grande fraîcheur, sont particulièrement réussies. Elles suscitent une adhésion immédiate chez quiconque ne se crispe pas devant le côté très accrocheur et délicat. Malheureusement, elles restent cantonnées à un rôle introductif, et c'est quand surviennent les guitares, et au delà, la "violence" Black, que le problème devient évident.
Il y a très peu de continuité, de cohésion entre les deux univers. Cette voix, loin d'être l'organe de la figure centrale de
Myrkur, se retrouve réduite au simple rôle de sample introducteur.
On a donc une idée de départ prometteuse, celle de lier
Dream Pop et Black
Metal contemplatif, qui ne va pas sans rappeler
Alcest. Mais Bruun ne semble finalement réduite qu'à un rôle d'ornement tape-à-l'oeil.
De plus, les compositions sont assez pauvres. Prises séparément de ce chant vitrine, rien ne les distinguerait de la masse anonyme que le genre expectore chaque jour. Ne parlons pas des tentatives de chant Black : le résultat noyé dans une masse d'effets, manque sévèrement d'impact.
Ce groupe pose, de façon assez frontale, le problème de l'intention en musique. C'est un terme que j'emploie assez souvent, et au final, je n'ai jamais expliqué le pourquoi de son usage.
Il me semble en effet bien plus pertinent de jauger un groupe à l'aune de ses objectifs, de ce qu'il veut faire passer, des expressions qu'il tente d'insuffler dans sa musique. Et de là, voir si les partis pris qu'il met effectivement en place répondent à ces buts premiers. Une telle attitude permet d'apprécier un répertoire bien plus varié, puisque l'identification à la musique que l'on écoute devient accessoire.
Ici, difficile de dire, si c'est le manque de maturité de
Myrkur qui est le résultat de l'échec posé plus haut, ou si, quantités de choix pour rendre la musique plus lisible, plus accessible en sont responsables (n'oublions pas que ceci est signé chez Relapse). Une incapacité à trancher qui rend la musique très fade. Incapable de se décider entre une voix résolument Pop, un black atmosphérique plus traditionnel et sombre, les instrumentations typées Folk/
Pagan ou encore une cohabitation harmonieuse et non superficielle de tout cela.
L'album, à force de vouloir tout être, finit par n'être rien du tout.
Deux exemples. Le son de la grosse caisse, beaucoup trop martelé. Il va résolument à l'opposé des standards de ce Black au son "nécro", ou d'ordinaire le blast semble surgir par le "dessous" du mix (On retrouve là, l'esthétique mise en place par
Darkthrone, et tout groupe de Black digne de ce nom devrait suivre les conseils de Fenriz en la matière). En prenant cela à contre-pied, la production s'est vautrée.
Mais difficile, compte tenu du contexte de médiatisation du groupe, de ne pas y voir un moyen de moins déboussoler l'auditeur, en lui soumettant ce son finalement connu, servant de repère, dans un univers peut-être nouveau. Et encore, sur l'album la sonorisation du kick se fait plus naturelle, on était à la limite de l'inaudible sur l'EP.
Pourtant celui-ci était bien meilleur car il ne souffrait pas du second défaut, qui achève de décrédibiliser ce disque.
Le disque se veut hétérogène et structuré autour de morceaux phares (prétexte à deux clips, très aboutis visuellement au demeurant). Or, le seul moyen de dynamiser l'ensemble (qui au vu du genre s'y prête peu) est d'introduire des ruptures arbitraires à même de ranimer l'attention sans cesse déclinante.
Une ficelle grossière est utilisée: introduire des riffs hors-BM. On a ainsi droit à un superbement cliché riff Thrash sur "Mordet" et une intro rappelant le
Doom le plus classique avec "Haevnen", (totalement hors-sujet, ils n'apportent rien, si ce n'est un haussement de sourcil contrarié devant l'incongruité). On trouve aussi, pour les morceaux "rengaines" de l'album, des riffs et lignes de basse bateau sorties tout droit du Post-Punk et autres
Cold-Wave, et ce sont encore les plus réussis.
Seulement, une fois éliminés le faux Black, ces riffs ineptes et les interludes, belles mais sans lien avec le reste, on se retrouve avec à peine une douzaine de minutes de musique.
Introduire la Pop au sein du Black, au vu de son dépouillement premier, n'a rien d'absurde. Cette idée audacieuse aurait pu être, j'en suis persuadé, traitée avec bien plus de panache et de réussite, pour apporter une fraîcheur bienvenue. Mais pour le moment, seul
Lifelover restera capable de réaliser idéalement cette fusion.
L'album n'est pas non plus entièrement à jeter. Bon nombre de moments restent agréables, surtout les titres limites Pop/
Cold (Onde
Born, meilleur titre de la galette au passage) sur lesquels sont distillés des passages plus fantomatiques. Mais le constat final n'en est que plus implacable: on souhaiterait voir disparaître ce qui tient lieu de Black dans la musique de
Myrkur, pour pouvoir pleinement apprécier ses capacités vocales.
Le nouveau a l’air prometteur, on verra bien ce que l’avenir nous réserve.
Un indulgent 14/20 pour moi.
Merci pour la kro ! :)
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire