Les fantômes d'un passé tourmenté et oublié errent, solitaires, ayant comme unique souvenir auquel se rattacher, les tristes restes d'un lieu sacrifié aux noms de leurs démoniaques tortionnaires. Le passé se reflète à chaque détour, à chaque embranchement. Au fonds des chambres, à présent vides, résonnent encore les échos des voix de ceux qui autrefois arpentaient les lieux et les cris d'agonies de ceux qui y rendaient l'âme. Les murs et les sols s'effritent peu à peu sous le poids des années qui s'écoulent en silence.
Plus personne ne viendra jamais visiter ce lieu, maudit par les profanes, la désolation qui y règne, sera l'unique maitresse des restes d'une histoire révolue que tous souhaitent oublier.
Trois membres désireux de cacher leurs identités, s'affublant de masques et de pseudonymes, trois énergumènes néerlandais qui décident de donner vie à leurs idées. Voila comment est né A
Autumn For A Crippled
Children, désireux de faire partager leurs idées sur le black metal possédant des relents viciés d'un doom des années 90, voila qu'en l'an de grâce 2010 sort leur premier album, intitulé sobrement "
Lost".
"
Lost" n'est pas un album qui se veut novateur, ici il n'y a pas l'envie de renouveler un genre qui a déjà fait ses preuves à maintes et maintes reprises. Ici on découvre un groupe qui veut se faire plaisir, qui veut jouer en offrant ce qu'il a de mieux à proposer à ce jour.
On ne va pas tenter de la technique à outrance, on ne va pas forcément vouloir surprendre l'auditeur, car malgré tout il finit toujours par comprendre où le groupe veut l'emmener. "
Lost" a l'unique ambition de transporter dans un monde ou les ténèbres se mêlent à la mélancolie d'un passé refoulé et funeste.
Dés la première piste "To Set Sails To
The End Of The
Earth", on se retrouve happé par une guitare malsaine délivrant des riffs lourds, puissants, enveloppant chaque piste d'une noirceur insondable.
Sur cette guitare folle vont alors se poser des chants. Ou plutôt des cris car ces chants n'ont rien d'audibles, d'une violence extrême, ils vont apporter une atmosphère inquiétante, une plongée dans les eaux abyssales d'une folie sans nom.
Des chants clairs vont tout de même faire leur apparition bien que courte sur la pistes "
Tragedy Bleed All Over The
Lost". Empli de tristesse, l'élément qui aurait pu diluer quelque peu l'obscurité ne va faire qu'accroitre un sentiment de malaise, d'abattement et d'abandon.
La rythmique très doom, frôlant l'inertie lors de certains passages va permettre l'avènement d'un piano grandiose. Cet instrument va en effet rajouter un coté touchant, voir émouvant aux pistes (
Never Shall Be
Again). Il va aussi permettre d'offrir une variété, un renouvellement entre les différentes parties de l'album et pendant le cheminement ténébreux que nous empruntons à chacune des pistes.
Des moments vont ainsi être purement atmosphériques, une ambiance qui bien que glauque nous permettra de contempler tout le talent technique et l'ingéniosité de compositionde nos trois amis néerlandais.
La violence va ainsi, parfois, pouvoir laisser sa place à la lourdeur, la laideur à la grâce et l'expression de sentiments haineux va pouvoir céder sa place à des sentiments plus raffinés, plus élégants mais toujours allant vers le tragique sans jamais en faire trop et évite de s'enliser dans le pathétique.
Les pistes ne vont pas sombrer dans un étalement et un épanchement vulgaire des sentiments, le temps qui est parfaitement maitrisé assure une qualité que trop rare. Ici rien ne parait trop long ou trop court. Les musiciens ont même préféré le direct à l'eternel détournement dont certains groupes sont passé maitres. "A Dire
Faith" la piste la plus longue de l'album ne dure qu'environ huit minutes et offre toute sa saveur sans qu'elle soit gâchée par quelque rallonge que se soit.
Bien sur l'opus est loin d'être parfait. "
Lost" bien qu'aboutit en un bon nombre de point garde un défaut qui fait souvent de l'ombre aux jeunes groupes : une identité musicale propre et unique.
En effet alors que le groupe réclame bien entendu certaines influences tel qu'
Anathema, même sans prêter réellement attention à ces dires, il est facile de retrouver des sentiers déjà explorés par des groupes tels que
My Dying Bride ou
Katatonia.
L'originalité n'est donc pas la pièce maitresse de ce groupe, mais l'on ressent d'ores et déjà de belles choses pour l'avenir.
An
Autumn For A Crippled
Children se veut déjà comme l'une des révélations de la scène black/doom de cette année 2010. Pour un premier album "
Lost" se montre déjà à la hauteur de bien d'autres groupes et nous offre des moments inoubliables. Il ne reste plus qu'à espérer que le groupe gagne encore en maturité et puisse à l'avenir se démarquer un peu plus de ces ainés.
Le vent fait claquer des volets qui depuis bien des années ne servent plus. Le bruit sec et sourd résonne alors dans des couloirs au carrelage salit par le temps et par les anciens locataires. Des bancs vides le long des enceintes de certaines pièces prennent la poussière, que les murs rejettent de par leurs craquelures cyclopéennes. Des fauteuils roulants tels les vestiges d'un monde perdu depuis de nombreux siècles, gisent immobiles, debout ou à même le sol, comme attendant leurs propriétaires qui ne reviendront plus ou qui ne seront finalement jamais venus.
L'hôpital crée par la main de l'homme pour des démons à l'apparence bienveillante n'est aujourd'hui plus qu'une ruine.
Un charnier putride que le temps effacera peu à peu des mémoires.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire