S'il est des formations bien plus soucieuses de peaufiner leurs armes esthétiques et techniques que de chercher à essaimer leurs riffs coûte que coûte avant de se lancer dans la bataille, ce duo australien, né en 2018 à Perth d'une idée originale et communément partagée par la chanteuse et parolière Ammy
Phoenix et le compositeur et musicien Pete Renzullo, serait assurément du nombre. Ainsi, à des sessions d'enregistrement réalisées en 2022, témoignant alors d'un travail en studio des plus minutieux, succédera un premier album full length, «
Lost, Not Hiding », quelque deux années plus tard ! Aussi, effeuille-t-on une galette généreuse de ses 54 minutes sur lesquelles se dispatchent 13 pistes, signée chez le puissant label italien WormHoleDeath Records ; indice révélateur d'une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos gladiateurs, et ce, dans une arène metal symphonique à chant féminin aujourd'hui encore peuplée de redoutables opposants !...
C'est au cœur d'un espace rock'n'metal mélodico-symphonique atmosphérique, cinématique et progressif que nous immerge le duo patenté. Une œuvre à la fois fringante, enivrante, sensuelle et intimiste, dans le sillage de
Blackbriar,
Beyond The Black,
Xandria,
Nemesea et consorts, la touche personnelle en prime, où de seyantes lignes mélodiques ont pour corolaire une technicité instrumentale bien huilée mais non ostentatoire. Pour une optimale mise en musique de ce set de compositions, nos exigeants concepteurs nous octroient une production d'ensemble rutilante, à commencer par une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut ; un mixage parfaitement ajusté entre lignes de chant et instrumentation ainsi qu'une belle profondeur de champ acoustique complètent le tableau. Il ne nous reste plus qu'à lever l'ancre pour une traversée dans les hautes eaux océaniennes, que l'on espère parsemée d'ilots enchanteurs...
L'essentiel de la croisière s'effectue sur une cadence mesurée, le combo trouvant alors quelques clés pour nous happer. A commencer par « Coward's Way
Out », mid tempo syncopé et aérien, à la confluence de
Xandria et
Nemesea ; doté d'arrangements instrumentaux et vocaux aux petits oignons et d'un refrain immersif à souhait mis en habits de lumière par les cristallines patines de la déesse, le ''tubesque'' effort ne se quittera qu'à regret. On ne saurait davantage ignorer «
The Truth Will Set You Free », mid tempo d'une confondante délicatesse, dans le sillage atmosphérique de
Blackbriar. Surmonté d'un fin picking à la guitare acoustique, greffé sur de sémillants arpèges d'accords et encensé par les poignantes oscillations d'une interprète bien habitée, ce hit en puissance ne saurait davantage être éludé. Mais le magicien aurait encore d'autres tours dans son sac...
Dans une même dynamique et bien que moins directement inscriptibles dans les charts, d'autres plages trouveront non moins les clés pour nous retenir, un peu malgré nous. Ce qu'atteste, d'une part, « Homesick », souffreteux mid tempo aux riffs crochetés et pourvu d'une mélodicité toute de fines nuances brodée qu'empruntent les fluides inflexions de la sirène. A la fois tourmenté et emprunt d'un lyrisme communicatif, l'énigmatique « Hey! You! (Over and Over) », pour sa part, se plaît à nous mener sur quelques chemins de traverse en termes d'harmoniques, avec le souci toutefois de ne jamais nous laisser pour compte, in fine.
Dans une énergie progressive, cette fois, certains espaces d'expression s'avéreront aptes à nous assigner à résidence. Ainsi, on optera pour les lévitants mid tempi cinématique et progressif «
Grief » et « The Canary », eu égard aux célestes incantations de la princesse et à l'opportune et soufflante densification de leur assise instrumentale. Dans une même veine stylistique et non moins emprunt de délicatesse, c'est à mi-morceau que l'atmosphérique « Ready, Set, Let Go » atteindra son apogée, au regard de ses puissants et métronomiques coups de boutoir et de ses sémillants harmoniques. Enfin, répondant à un souhait de diversification de l'offre, c'est dans le registre d'amples pièces en actes symphonico-progressive que le duo a également misé quelques espoirs de l'emporter. Ainsi, l'outro « Run and
Hide » se pose telle une fresque en deux temps, déroulant ses huit minutes d'un parcours romanesque qu'entrecoupe une longue et inopportune césure à mi-piste. Ce faisant, un jeu de contraste atmosphérique et rythmique s'observe entre un premier acte au caractère enjoué et un second, plus intimiste, s'affichant telle une ballade a-rythmique pétrie d'élégance.
Et lorsqu'ils nous mènent en des terres plus apaisantes, nos compères parviennent en des moments choisis à aspirer le tympan sans avoir à forcer le trait. Ce qu'illustre « Favourite », ballade atmosphérique et cinématique d'une sensibilité à fleur de peau que n'auraient sans doute reniée ni
Beyond The Black ni
Blackbriar. Glissant le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent les ''siréniennes'' volutes de la maîtresse de cérémonie, et se chargeant en émotion au fil de sa progression, la tendre aubade ne saurait être esquivée par l'aficionado du genre intimiste. Laissant entrevoir une insoupçonnée montée en régime du corps instrumental à mi-morceau et bien qu'un poil éthérée, la ballade progressive « Evaporate », quant à elle, se fait aussi touchante que subtile.
En dépit de ses mérites, le manifeste ne va pas sans accuser l'un ou l'autre bémol susceptible d'affadir l'attention du chaland. Ainsi, un poil plus insaisissable que ses voisins au regard de schèmes d'accords tendant à se répéter et de l'inaliénable fadeur de son sillon mélodique, le mystérieux et organique mid tempo « Fluffy Little
Rats » ratera sa cible. Par ailleurs, dans l'ombre de ses intimistes consœurs se place la ballade atmosphérique « The
King of Always Wanting
More » ; bien que recelant un refrain finement ciselé et relevé par les sensuelles modulations de la frontwoman, l'intarissable resserrement de son spectre mélodique empêchera pourtant cette féline offrande de prétendre à une inconditionnelle adhésion. On ne saurait davantage retenir l'énigmatique low tempo progressif « Unvoluntarily Celibate ». Doté de chatoyantes sonorités orientales et d'un magnétique slide à la guitare acoustique, mais dépourvu de cette petite étincelle harmonique qui l'eût rendu plus immersif, l'intrigant effort peinera à nous aspirer dans la tourmente.
Au final, force est d'observer que nos deux acolytes nous livrent une œuvre des plus troublantes et jouissant d'une ingénierie du son et d'arrangements de fort bonne facture. Des exercices de style variés et bien menés, des sentes mélodiques finement esquissées ainsi que de louables qualités interprétatives sont également à mettre au crédit de nos deux compères. D'aucuns, pour se sustenter, auraient toutefois espéré un propos un tantinet plus vitaminé qu'il n'apparaît, l'octroi de l'un ou l'autre duo ainsi que quelques prises de risques supplémentaires. Pour espérer élargir le champ de son auditorat, le duo australien se devra également de gommer toute zone de remplissage tout en veillant à parfaire ses finitions. Cependant, développant un son ''cinématique'' qui lui est propre, s'écartant alors quelque peu de l'empreinte de ses maîtres inspirateurs, et livrant tout de go un fringant et sensuel élan en guise de message de bienvenue, le combo aurait les cartes en main pour venir jouer les outsiders dans un segment metal qu'il ne l'attendait pas nécessairement. Affaire à suivre...
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