On peut être un peu étonné de voir surgir un groupe de
Sludge de Barcelone, ville plus justement réputée pour les sardannes ou la rumba catalana. Et pourtant, depuis pas mal d'années et à l'instar de toute l'Espagne, s'y développe dans l'underground le plus total une solide scène
Metal, et plus particulièrement
Doom et lenteries assimilées. Great Coven avait ouvert la voie avec son album,
Warchetype a suivi, et maintenant voilà
Lords of Bukkake qui nous propose une variante de
Sludge Doom tout à fait honnête.
Si on peut rapprocher le groupe de
Grief ou d'
Unearthly Trance pour la lenteur exacerbée de sa musique, il faut bien reconnaître qu'il n'arrive pas aux mêmes niveaux de noirceur et de désespoir. Et pourtant,
Lords of Bukkake ne fait pas dans la dentelle. En particulier le premier et le dernier titre,
Black Lung et
Devil's
Rain, font dans le massif et parfois dissonant, avec deux pièces assez monumentales qui rappelleront aussi les moments les plus ardus des groupes précités. Cela dit, il y a aussi quelques touches plus chaleureuses dans la musique des barcelonais, les rapprochant de la scène des bayous louisianais, une légère colloration plus "blues" - pas au sens propre, évidemment, mais dans l'esprit, surtout notable sur
Devil's
Rain.
Les deux pistes centrales sont elles légèrement plus enlevées, No Excuses sonnant parfois comme du
Eyehategod, alors qu'Applicants est sans conteste la plus originale, infusant quelques dissonances et breaks curieux dans l'eau saumâtre du groupe. Globalement la production fait la part belle à la batterie, à la basse et à la voix, ce qui en soit est significatif. Point d'excès mélodiques à attendre ici. Batterie, justement, assez remarquable de variété et dans son jeu permanent avec les rythmes lents, cherchant à construire autour des riffs toute une architecture de percussions qu'on ne note pas au début, mais qui après moultes réécoutes devient une part majeure de l'intérêt du groupe. Et puis bien évidemment la voix, Toni avouant sans fard qu'il voulait faire une version lente de Today is the Day. Le contrat n'est pas tout à fait rempli sur ce point, mais la performance est intéressante, sans doute le gros point fort de cet album avec la batterie et les quelques solis mélancoliques lancés dans No Excuses et dans
Devil's
Rain.
Alors quoi ? Cet album n'est pas un monument d'originalité, mais il a pour lui beaucoup de points forts qui en rendent l'écoute régulière attractive. Masterisé par Billy Anderson, mixé correctement encore que la guitare rythmique de Sancho s'entende peu, pourvu de moments inspirés et d'un groove massif tout à fait respectable, ce premier album est impressionant de maîtrise.
Lords of Bukkake joue à vrai dire dans la cour des japonais de dot(.) avec un
Sludge Doom direct et sans fioritures, mais plus subtil qu'il n'apparaît à la première écoute. Mention spéciale également à un artwork puant la déliquescence par tous les pores, avec ses teintes verdâtres et ses photos de la prison abandonnée de Carabanchel, seule au milieu du désert près de Madrid, en adéquation parfaite avec ce que propose
Lords of Bukkake : une lente descente, moite et aux relents rances, dans un monde où tout pourrit inéluctablement.
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