Si les voix du seigneur sont impénétrables, alors que penser de celles de
Lucifer ?
La question avait été au moins partiellement résolue par
Akercocke au cours de leurs quinze ans d'existence, bien que légèrement éludée (plus qu'élucidée) vers la fin, avec la disparition inattendue du groupe, laissant une vaste poignée de fans fidèles, dans le désarroi.
Mais, tel un phénix renaissant de ses cendres, voir même ne mourant jamais réellement,
Voices fut créé dans le même temps, portant en lui comme une scarification, la marque de son défunt aîné, déjà, dans la composition de son line-up, comportant sur quatre membres, trois anciens membres d'
Akercocke, dont l'un des membres fondateurs, le batteur David Gray ; mais au delà de ça, il est difficile de ne pas être marqué par l'esthétique d'un projet qu'on a porté des années, surtout lorsqu'elle était aussi prononcée que chez les britanniques et quand bien même son leader de l'époque,
Jason Mendonça ne fait pas partie de cette expérience.
Après un premier album avec son titre fleuve : « From the
Human Forest Create a Fugue of Imaginary
Rain » passé relativement inaperçu malgré certaines qualités indéniables, le groupe a souhaité rebondir très vite en présentant dés l'année suivante «
London », qui contrairement à ce que sont parfois les albums hâtivement sortis et malgré son artwork d'un goût extrêmement douteux, sera bien plus qu'un simple agrégat de « Faces B », en l’occurrence un vrai album construit, soupesé, millimétré... à croire que le groupe a mis l'intégralité de son énergie de l'année passé pour faire germer cette mouture, ou peut-être avaient-ils énormément de bonnes compositions sous la pédale datant de l'époque
Akercocke, comme Tom
Warrior avait pu le faire dans les premiers
Triptykon...
Si l'aspect sataniste est nettement moins patent, voir a totalement disparu de l’œuvre des britanniques, les deux autres moteurs créatifs qui étaient ceux d'
Akercocke, sont bel et bien présents, le glauque et le sexe à l'image du clip de « The Fuck
Trance », qui rappelle quelque peu ceux d'Axiom ou de
Leviathan, dans l'esprit...
Le gros de l’œuvre sera plutôt hétérogène que ce soit au niveau des durées des titres, souvent plutôt courts aux alentours de 3 minutes mais oscillant entre la minute 30 et sept minutes, sans véritables structures intro-morceaux phares... Au final, cette durée relativement courte des morceaux, permettra surtout aux groupes de proposer des pièces aux ambiances variées, cohérentes dans leur globalité tout en gardant leur fameuse variation entre passages ultra-violents et autre plus doux, sans trancher énormément au sein d'un morceau comme c'était le cas sur leur premier album.
En effet, la grande force des britanniques (et c'était déjà le cas lors de la période
Akercocke), c'est de savoir faire des parties à la fois extrêmement puissantes et également étranges et progressives, sans être complètement barrées et avant-gardistes... Ainsi, le déchaînement entamé par « Music for the Recently
Bereaved » qui surprend après l'acoustique «
Suicide Note » ne se démentira pas sur un morceau comme « The Actress », blastbeat non stop devant un riff mineur subtilement dérangeant non dénué d'un certain coté gothique à la
Paradise Lost, ni sur « Vicarious Lovers » qui superposera à sa rythmique surhumaine un pont pseudo-acoustique et de la voix claire éthérée assez typique du projet.
C'est d'ailleurs un point qu'il faut aborder, puisque marquant un autre vrai changement avec l'époque
Akercocke, car au delà de cette voix claire tantôt discrète et planante, tantôt solennelle typiquement black avant-gardiste (« Last Train Victoria Lane »), le changement de chanteur engendrera un certain changement d'ambiance en faisant disparaître les pig squeals gutturaux et le chant purement death parfois de Mendonça, au profit d'une voix extrême plus aigu et du coup, plus black, rendant en fait
Voices plus associable au black qu'au death, nonobstant sa batterie, avec derrière les fûts, un David Gray surhumain qui assène blast-beats et roulements de cymbales, mis bien en avant dans la production, et qui n'hésite pas à s'offrir un solo aux motifs variés à la fin de l'excellentissime « Megan », chose plutôt rare en studio...
La production, tant qu'on en parle est vraiment excellente, mettant en relation les différentes parties mélodiques et violentes sans trop mettre l'une ou l'autre en avant, et par l'usage de passages parlés par plusieurs narrateurs au sein des compositions permet une belle continuité et d'apprécier autant, des tueries dégénérées comme « The Fuck
Trance » ou « The House of Black Light » que des morceaux plus mélodiques comme « The
Antidote » ou «
Hourglass »...
Vous l'aurez compris, cette ogive inattendue qu'est «
London » m'a réellement convaincu.
Voices nous gratifie ici d'une œuvre touffue et opaque aux milles lectures, très extrême à la fois dans son son et son esprit, mais gardant en elle, une créativité et ce coté progressif, qui fait qu’après une vingtaine d'écoutes, on y découvre toujours quelque chose... En cela, on pourrait presque les rapprocher des autres anglais d'
A Forest of Fog. Un album qui sera sans doute, bien trop violent pour la masse des auditeurs metal (certains passages feraient presque passer
Setherial pour des doux agneaux) et trop étrange et barré pour la plupart des blackeux et des deathsters, mais qu'importe, dans la marge où ils évoluent, sur le chemin qu'ils se tracent, Peter Benjamin et ses confrères ont un talent rare... Moralité : si
Akercocke est (semble-t-il) bel et bien mort, vive
Voices !
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