Litourgiya

Paroles
ajouter une chronique/commentaire
Ajouter un fichier audio
18/20
Nom du groupe Batushka
Nom de l'album Litourgiya
Type Album
Date de parution 04 Décembre 2015
Style MusicalBlack Atmosphérique
Membres possèdant cet album119

Tracklist

1.
 Yekteníya 1
 05:45
2.
 Yekteníya 2
 04:22
3.
 Yekteníya 3
 04:51
4.
 Yekteníya 4
 05:19
5.
 Yekteníya 5
 06:00
6.
 Yekteníya 6
 04:13
7.
 Yekteníya 7
 05:34
8.
 Yekteníya 8
 05:09

Durée totale : 41:13

Acheter cet album

 $49.28  45,03 €  44,52 €  £41.90  $69.84  47,01 €  47,01 €
Spirit of Metal est soutenu par ses lecteurs. Quand vous achetez via nos liens commerciaux, le site peut gagner une commission

Batushka


Chronique @ Mozartnoir

14 Août 2016

Une plongée au cœur d'une cérémonie religieuse noire et sauvage

Dans un univers metallique qui, pour notre plus grand bonheur, grandit sans cesse, les sorties marquantes ne sont désormais pas rares et des groupes talentueux émergent sans cesse. Ce qui est en revanche plus rare, c'est la sortie presque simultanée de deux albums marquants dans un même genre et, encore plus rare, dans un même pays. C'est pourtant ce qui s'est passé en Pologne en 2015 avec la sortie à quelques semaines d'intervalle de deux albums d'une qualité exceptionnelle qui ont apporté au black metal un incroyable souffle de fraîcheur et aussi, peut-être, un soupçon de renouveau. Les premiers à avoir ouvert les hostilités sont nos amis de MGLA qui, avec leur excellent Exercices in Futility, ont produit un chef d'oeuvre racé et intelligent qui, je lui souhaite en tout cas, devrait enfin apporter au groupe la consécration qu'il mérite depuis longtemps.

Sobrement intitulé Litourgiya, le second album de ce millésime est le premier effort de Batiouchka (je l'écris ainsi car il s'agit de la translittération la plus exacte du mot russe, le mot Batushka étant un équivalent anglais moins fidèle à la prononciation originale), groupe tout récemment formé et qui se plaît à entretenir sur l'identité de ses trois membres le mystère le plus total, ceux-ci évoluant en effet sous des pseudonymes et n'apparaissant sur scène que le visage dissimulé par les capuches des soutanes noires dont ils sont porteurs. Si l'on peut accorder quelque crédit aux rumeurs qui circulent sur eux, il semble néanmoins qu'ils officieraient dans d'autres formations et seraient donc des musiciens déjà expérimentés, ce qui est pour le coup tout à fait probable vu leur niveau de maîtrise technique, aussi bien dans le chant que dans l'instrumentation. Compte-tenu de certains éléments beaucoup plus orientés vers la Russie que vers la Pologne (chant en russe, usage de l'alphabet cyrillique dans le livret et les illustrations, nom du groupe russe et surtout références à la religion orthodoxe alors que, comme chacun le sait, les Polonais sont catholiques) j'aurais pour ma part tendance à penser qu'ils sont Russes mais cette hypothèse n'engage que moi.

S'agissant à présent de l'album à proprement parler, celui-ci s'inscrit clairement, on l'a dit, dans le style black metal, en particulier par l'agressivité de certains passages et l'usage du chant écorché si typique au genre. En revanche, je suis plus perplexe sur l'étiquette "doom" qui lui est souvent associée car je retrouve peu d'éléments caractéristiques du genre, à part peut-être certains morceaux un peu lents et planants, comme par exemple le début de Yekteniya 4. La grande originalité de ce Litourgiya est néanmoins la présence constante d'éléments religieux orthodoxes, en particulier les chants à une ou plusieurs voix, qui font de cet album une véritable cérémonie religieuse noire et lui donnent cette ambiance si particulière. A ma connaissance, aucun groupe avant Batiouchka ne s'était aventuré aussi loin dans ce domaine - je veux parler du mélange entre sacré et profane - et ce aussi bien dans la musique que dans les paroles ou encore dans les différents supports formels.

Pour parler rapidement des supports formels, on remarquera en effet que tout dans l'album fait référence à la religion, à commencer par la magnifique pochette représentant une icône orthodoxe (Vierge à l'enfant) mais aussi le livret dans lequel apparaissent des représentations stylisées de saints. Le nom même du groupe, qui en russe signifie "père", au sens à la fois religieux et familial, va également dans ce sens, ainsi que l'usage lors des concerts de bougies et encensoirs par des musiciens qui, je l'ai dit plus haut, sont revêtus de costumes noirs faisant penser à des soutanes.

En ce qui concerne les paroles, du moins les paroles des chants religieux, elles reprennent évidemment des psaumes et prières en russe d'église, et, pour certaines (Yekteniya 2) semblent même être des passages de la Bible. Faute d'avoir trouvé les retranscriptions des textes en chant black (qui ne figurent pas dans le livret), je ne peux en revanche pas dire de quoi elles traitent. Notons aussi que les chansons comportent toutes un sous-titre faisant référence à la religion et renforçant l'idée que l'ensemble est en fait conçu comme une cérémonie religieuse: par exemple la première piste est sous-titrée Очищение, que l'on peut traduire par "purification" et la dernière Спасение, que l'on traduira par "salut". De même, le mot Ектения, qui est le titre commun de toutes les chansons, semble être un équivalent de "liturgie".

Enfin, et s'agissant de la musique, elle présente pour caractéristique principale, comme je le disais, d'introduire massivement des chants religieux à une voix ou des chœurs au milieu de passages en chant black, l'originalité étant qu'il ne s'agit pas de simples ajouts ponctuels comme cela se fait si souvent ailleurs, mais d'une véritable fusion entre les deux, avec passage régulier de l'un à l'autre, et ce dans toutes les chansons. Pour citer un exemple de la manière dont ce mélange parfait s'opère, on se référera au titre d'ouverture: après quelques notes de guitare sèche surgissant du silence, une voix claire et presque céleste s'élève, suivie peu de temps après par l'entrée en scène des guitares et de la batterie. Alors qu'on attendrait à ce moment-là un chant black, c'est au contraire un chœur qu'on entend, suivi seulement ensuite d'une voix black, le tout sur un rythme qui s'accélère progressivement. Les passages musicaux "metal" ne sont donc pas réservés qu'à la voix black, et il est au contraire fréquent d'entendre des chœurs ou des voix claires sur fond de riffs ou de blast beats, tout l'album étant en fait construit sur cette fusion.

On l'a dit plus haut, les musiciens semblent très aguerris et l'ensemble, sans longueurs ni temps morts, révèle en conséquence une maîtrise vocale et technique époustouflante. Le batteur, en particulier, est loin de faire de la figuration, que ce soit dans le cadencement de certains riffs ou dans l'accompagnement de la plupart des passages en chants hurlés au moyen d'un tabassage frénétique (je n'ai pas trouvé d'autre mot). Pourtant, et malgré une agressivité bien présente, notamment dans les moments en chant hurlé, on sent bien que le groupe n'a pas souhaité mettre de côté la mélodie et a au contraire résolument mis l'accent dessus, de même que sur la qualité des riffs qui sont tous très travaillés et risquent par conséquent de mettre à contribution vos cervicales (écoutez par exemple celui qui débute Yekteniya 5 pour vous en faire une idée ou, si celui-ci ne vous suffit pas, celui de Yekteniya 3). On notera aussi que le son des guitares est en permanence très grave, ce qui, je pense, a été voulu afin de renforcer l'impression de solennité qui se dégage de l'ensemble.

Le résultat de ce savant dosage entre brutalité et passages plus mélodiques dans lesquels interviennent les chœurs et la voix claire est un album très équilibré et possédant une incroyable force d'attraction et de séduction, et ce même si l'on est un athée convaincu. L'ambiance générale n'est pas ici poisseuse, malsaine ou oppressante et n'est pas faite de ténèbres mais au contraire d'un clair-obscur rassurant dans lequel c'est malgré tout la lumière qui semble prédominer. L'auditeur est plongé au cœur d'une cérémonie religieuse noire et sauvage, une sorte de messe chrétienne dans laquelle subsisteraient encore des relents de rituels païens barbares, et s'imaginera sans beaucoup d'efforts dans une basilique orthodoxe, en plein milieu d'une nef éclairée par une faible lumière filtrant à travers les vitraux, les narines remplies par l'odeur des fumées d'encens.

Dans Litourgiya, toutes les chansons ont leur personnalité propre, et l'ensemble recèle force morceaux de bravoure: c'est, par exemple, la belle introduction de Yekteniya 6, avec une voix claire légèrement déformée; c'est cette voix claire magnifique au milieu de Yekteniya 4, suivie d'un break à tomber par terre; c'est encore le finale époustouflant de Yekteniya 8. A titre personnel, mon morceau préféré est sans doute le milieu de Yekteniya 2, lorsque la voix claire s'élève a cappella pendant quelques secondes avant d'être rattrapée par la musique et les chœurs, pour finir sur un break instrumental incroyable. Devant une telle qualité, qui est en plus servie par une production impeccable, on n'a au final qu'un seul regret, c'est que l'album ne dure que 40 minutes, qui sont vite passées étant donné qu'on ne s'ennuie pas une seconde.

Avant de terminer cette chronique, je voudrais brièvement aborder la question de l'engagement religieux du groupe. Au vu de ce qui a été dit tout au long de notre analyse, on pourrait à première vue penser qu'il s'agit d'un acte de promotion de la religion chrétienne orthodoxe, mais cela n'est pas aussi évident si l'on se fie à certains détails. Ainsi, la pochette est certes une icône orthodoxe, mais les visages de la Vierge et de Jésus ont été soigneusement effacés. De même, l'un des saints du livret est représenté avec une tête de chien, et les deux autres pleurant des larmes de sang. Enfin, les croix orthodoxes sont renversées et les membres du groupe portent des tenues noires sur scène. Le religieux ne serait-il donc, au final, repris que pour être subtilement détourné, dans un but blasphématoire? Cette hypothèse est au fond tout à fait plausible, surtout quand on connaît les rapports sulfureux qu'entretient le black metal avec la religion. D'un autre côté, quand je vois la ferveur et la beauté qu'il y a dans certains passages, je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a de la sincérité dans la démarche de Batiouchka, et je serais donc tenté de penser que les quelques indices relevés plus hauts sont là pour brouiller les pistes, participant en cela de l'image mystérieuse que veut se donner le groupe.

En conclusion, il s'agit là, vous l'aurez compris, d'un excellent album voire, j'ose le terme, d'un chef d'oeuvre dans lequel metal et religieux se transcendent l'un l'autre et qui, en plus de plaire en étant agréable à l'écoute, sait également proposer une ambiance unique et originale. S'il m'est permis pour finir de faire ici un peu de publicité, je précise en outre qu'il est possible de commander l'album et d'autres objets en lien avec le groupe sur le site du label, et ce pour une somme très modique.

Спасибо Батюшка за этот шедевр.

19/20

4 Commentaires

12 J'aime

Partager
David_Bordg - 14 Août 2016: Belle chronique, j'ai été conquis l'année dernière au hasard d'une découverte sur le net. Tout comme toi j'en ai fais un commentaire pour heavy sound ne tarissant pas d'éloges sur ce beau voyage.
666belzebuth - 08 Septembre 2016: SacréE chronique!
Fonghuet - 17 Octobre 2017:

Merci pour la recherche lyrique

Un album simple, beau, prenant, rafraichissant

Mozartnoir - 17 Novembre 2017:

Merci pour vos commentaires les amis ça fait plaisir.

Pour ceux qui ne sont pas encore au courant, ils seront en concert à Paris le 15 janvier 2018.

Amitiés metalliques

    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

Autres productions de Batushka