Les parisiens de Quartier Rouge m'étaient inconnus jusqu'alors, de même que leur seule et unique réalisation, que je m'apprête à chroniquer. J'ai pour la première fois posé les oreilles sur "Les Années Lumières", intrigué par cette pochette, lors de mes pérégrinations sur le site du label Throatruiner (géré par l'un des gonzes de
Calvaiire, si mes souvenirs sont bons). Pour ceux qui ne connaîtraient pas, l'écurie distribue majoritairement du Hardcore bruitiste et chaotique, et a eu l'excellente initiative de proposer les réalisations de ses poulains en téléchargement libre et gratuit - sans omettre le support physique, bien entendu.
Les premières écoutes de cet OVNI furent assez rudes, je l'admets. D'autant que l'objet, une fois entre mes mains, m'avait un peu refroidi : Un simple digipack deux volets en carton, sans aucun livret (et donc aucun accès au paroles, ce qui reste un peu frustrant), seulement des versets écrits dans une typographie à peine lisible - ce qui, ma foi, colle bien à l'opus en lui-même. Enfin, pour le prix (très bas) du disque, il ne fallait pas s'attendre à des merveilles non plus, me direz-vous.
Car en dix titres, pour vingt minutes de musique, le groupe déstabilisera même l'auditeur le plus averti. Les compositions sont toutes plus décousues les unes que les autres, sans aucune logique. Les changements de rythmes sont monnaie courante, si bien que l'auditeur est ballotté entre tempos effrénés presque Grindcore ("Accueillir le Dauphin", "L'Heure Verte") et mid-tempos bruitistes, dissonants et particulièrement écrasants ("Prophécie Canine" - on relèvera la faute d'orthographe également - ou encore "Mange le Monde"). On saluera au passage l'aisance des musiciens derrière leurs instruments respectifs, et plus particulièrement le batteur, très compétent, gérant les changements de temps et plans rythmiques tous plus casse-gueules les uns que les autres avec une facilité déconcertante.
De même qu'il conviendra de saluer l'effort mis sur la production de cet opus : très puissante et massive, tout en gardant ce côté "brumeux". Les instruments sont chacun à leur place et judicieusement mixés (Ha ! La basse vrombissante sur "
Urizen") pour que la voix, "instrument" le plus important dans Quartier Rouge, puisse s'exprimer pleinement.
Parlons de la voix, justement. Elle est surprenante, et c'est le moins que l'on puisse dire. Arno alterne déclamations digne d'une tenancière de maison close maniérée et cris suraigus (ou l'on sent qu'il force, ajoutant au burlesque de la chose). Le genre de chose qui ne peut que passer ou casser, mais ne laissera en aucun cas indifférent. Ce qui colle bien à cette galette, au final. Ou vous adhérerez complètement au délire enfumé et alcoolisé de cette bande de parisiens, ou vous laisserez tomber dès la première écoute dans le résultat est chaotique.
Quartier Rouge donne l'illusion d'un groupe absolument incontrôlable, qui ne peut gérer ce qui sort de ses instruments, ni même du crâne de ses musiciens. Cette impression de "sauvagerie", cette folie que l'on retrouve dans chaque composition apportent à l'ensemble une certaine fraîcheur, ou à défaut, un charme fou. On se retrouve au milieu d'un bordel baroque, respirant les vapeurs de l'alcool frelaté, de la sueur et de la chair fraîche. Seule réelle ombre au tableau que je ne comprends absolument pas : l'absence des textes, réel handicap. Car d'après ce que l'on peut saisir au détour de certains couplets, le parolier donne l'impression de s'être adonné à l'exercice de l'écriture avec trois grammes dans chaque bras et autant dans le sang. Dommage.
Avec "Les Années Lumières", Quartier Rouge signe une impressionnante sortie, un Hardcore bruitiste et teinté d'influences diverses, qui en déstabilisera plus d'un. Car ce groupe a le mérite de ne pas ressembler à son voisin, sans pour autant chercher l'Avantgardisme de bas-étage à tout prix - et agacer l'auditeur. J'attends le full-length avec curiosité.
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