Nouveau projet embrassé par Martijn Westherholt, compositeur principal et claviériste de
Delain, Eye Of
Melian nous mène, lui, à quelques encâblures de son port d'attache. Ainsi, plutôt que de rester rivé à un metal symphonique classique dans la veine du groupe batave, c'est dans un univers mélodico-atmosphérique mâtiné de touches symphoniques, cinématiques, ambient et celtiques, qu'il nous plonge cette fois. Une alternative stylistique revendiquée et parfaitement assumée par le maître d'oeuvre, où le fantastique et le monde onirique cohabitent harmonieusement ; une idée originale développée de concert avec la parolière américaine Robin La Joy, alors largement inspirée par les travaux de Tolkien. D'un intérêt communément partagé pour cette orientation musicale naît un quartet américano-finno-néerlandais à la solide armature technique et jouissant d'une identité artistique affirmée.
Aussi, dans ce dessein, des artistes de renom sont-ils venus grossir les rangs, dont : Johanna Kurkela (soprano finlandaise à l'angélique grain de voix, du groupe de metal atmosphérique gothique Auri, sollicitée par
Tuomas Holopainen sur son unique album solo « The
Life and Times of Scrooge » et guest chez
Sonata Arctica sur leur opus « The Days of Grays ») et Mikko P. Mustonen, batteur (
Enthrope, Zombie Rodeo...), orchestrateur (
Delain,
Ensiferum,
Sonata Arctica,
Shade Empire...) et producteur finlandais (
Amberian Dawn,
Dark Sarah...). De cette étroite collaboration émane «
Legends of Light », une auto-production où s'égrainent 10 pistes sur un ruban auditif de près de 50 minutes. Premier essai pour lequel ont été appelés en renfort : Troy Donockley (Auri,
Nightwish, ex-
Kamelot) aux flûtes et cornemuses, Shir-Ran Yinon (ex-
Eluveitie, guest chez
Delain,
Once,
Suidakra...) au violon, sans oublier la pénétrante empreinte vocale de la mezzo-soprano canadienne
Leah sur l'un des titres. Excusez du peu !
Produit par Martijn Westerholt, co-produit et mixé par Mikko P. Mustonen, et mastérisé par Henkka Niemistö, le méfait bénéficie d'un enregistrement de fort bonne facture doublé d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation, de finitions passées au crible et, surtout, d'une saisissante profondeur de champ acoustique. Une ingénierie du son rutilante qui a pour corolaire des arrangements additionnels signés
Oliver Philipps, auxquels se superposent les orchestrations en substance de Martijn Westerholt. Pour mettre les petits plats dans les grands, l'artwork d'inspiration néo romantique relève de la patte d'un certain Jan Yrlund, guitariste/programmeur (
Imperia,
Prestige,
Satyrian, ex-
Ancient Rites, ex-
Angel, ex-
Danse Macabre...) et prolifique graphiste finlandais, fondateur de Darkgrove Design (
Amberian Dawn,
Dark Sarah,
Imperial Age,
Battle Beast,
Coronatus,
Korpiklaani...). Un arsenal technique, logistique et artistique coulé dans le bronze nous intimant d'aller explorer plus en profondeur la cale du vaisseau amiral...
C'est sur une cadence mesurée et progressive, propice au total enivrement de nos sens, que s'effectue la traversée. Ainsi, voguant sur un tapis synthétique ouaté auquel s'adjoignent de délicats arpèges au piano et mis en exergue par les limpides inflexions de la sirène, le low tempo progressif «
Doorway of Night » est une véritable invitation au voyage en d'oniriques contrées. Sans doute la flûte enchantée de Troy Donockley, dont les frissonnantes ondulations pourront étrangement nous rappeler celles de l'hypnotique « The
Vita Nova » de
Nightwish, et l'enchanteur coup d'archet de Shir-Ran Yinon ne sont-ils pas étrangers à cet état de fait. Dans cette mouvance, le caressant «
Wings of the Dawn » livre un refrain immersif à souhait ainsi qu'une inattendue gradation du corps orchestral à mi-morceau. Le pimpant «
Everstrong », quant à lui, laisse entrevoir de puissants et métronomiques coups de tambour doublés d'une grisante densification du corps instrumental et oratoire, les cristallines oscillations de la belle se voyant ici secondées par de soyeuses modulations masculines. Bref, de savoureuses pièces concoctées par l'inspiré quartet, susceptibles de laisser quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon.
Sans pour autant avoir opté pour un graduel emballement rythmique, ou même un quelconque épaississement de leur couverture orchestrale, d'autres pistes pourront à leur tour et d'un battement de cils s'imposer à l'oreille du chaland. Ce qu'atteste, en premier lieu, «
Vita Nova », mid tempo atmosphérique aux effluves symphoniques et cinématiques, dans la lignée de « The
Life and Times of Scrooge » de
Tuomas Holopainen. Sublimés par les envolées lyriques de la déesse, couplets finement esquissés et refrains entêtants glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis. Difficile également de se soustraire à l'ensorcelant paysage de notes, ici agrémenté d'un violon enjoué, dont se pare «
The Bell » ; low/mid tempo atmosphérique à la touche ambient, dont les saisissants harmoniques s'inscrivent dans la veine de « A
Lifetime of Adventure », titre emblématique de l'album sus-cité. Dans cette lignée, c'est le long d'une radieuse rivière mélodique et dans un climat apaisant que glisse «
Adrift in Eternity ». Et la magie opère, une fois encore. Et comment ne pas se laisser porter par les enchanteresses gammes dont se dote «
Rainfall », ''nightwishien'' mid tempo magnifié tant par les ondulations d'une cornemuse aux abois que par les modulations d'une flûte gracile et d'un fringant violon ?
Quand les lumières se font plus douces, nos compères se muent alors en de véritables bourreaux des cœurs en bataille. Ce qu'illustre, d'une part, « The Homesong’s Call », magnétique ballade atmosphérique, ''nightwishienne'' en l'âme. Romantique jusqu'au bout des ongles, calé sur une enveloppantes ligne mélodique, et mis en habits de soie par les poignantes volutes de la maîtresse de cérémonie. l'instant privilégié ne se quittera qu'à regret. L'aficionado de moments intimistes pourra non moins se laisser porter tant par la grâce des gammes pianistiques et les rondes modulations d'une flûte libertaire que par la mélancolie du message délivré par un violon larmoyant exhalant des entrailles de la ballade celtique «
Under the Grey Sky ». Mais ce serait sans doute l'enivrante ballade atmosphérique et cinématique « Light » qui, infiltrée par la chatoyante empreinte vocale de la mezzo-soprano
Leah, remporterait la palme. Ainsi, sur fond de célestes nappes synthétiques, s'esquisse un délicat effort où s'inscrit un duo de déesses évoluant à l'unisson. Et l'émotion requise sera assurément au rendez-vous des attentes de l'amateur d'instants tamisés.
On l'aura compris, Martijn et ses acolytes nous immergent au cœur d'un propos à la fois aérien mais nullement soporifique, fringant, subtil et romantique. Témoignant de la féconde inspiration mélodique de ses auteurs, d'une production d'ensemble et d'arrangements instrumentaux aux petits oignons, sans omettre l'ensorcelant filet de voix de la soprano, cet opus n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense. D'aucuns auraient probablement souhaité davantage de diversité atmosphérique et rythmique, et des exercices de style un poil moins stéréotypés qu'ils n'apparaissent, pour se sustenter. Peut-être cette approche ''néo-classique'' du maître d'oeuvre surprendra-t-elle les fans de
Delain au même titre qu'un tympan plus accoutumé aux codes d'un metal symphonique classique ; toujours est-il que la charge émotionnelle délivrée par ce message musical reste suffisamment forte pour nous rallier à la cause de la talentueuse formation. En effet, difficile de rester de marbre face à une œuvre d'une sensibilité à fleur de peau, pétrie d'élégance et d'une confondante fluidité...
Je viens de l'écouter plusieurs fois, c'est absolument sublime! A écouter au casque, et allongé sur un divan tout en fermant les yeux!
Bref, une pépite qui mériterais une meilleure reconnaissance!
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