Liste des groupes Black Metal Catacombes Le Démoniaque

Paris, début du XXeme siècle. Tandis que les dernières lueurs du crépuscule tremblotent et que les bourgeois pressent le pas pour rejoindre le confort douillet de leurs grandes maisons cossues, la nuit étale son manteau sombre sur la ville. C’est un autre monde qui s’éveille alors, un monde de stupre, de vice et de luxure où les marginaux, les renégats, les laissés-pour-compte et autres rebuts de la société règnent en maîtres le temps de quelques délicieuses heures nocturnes, jusqu’à ce que le jour revienne. La nuit s’anime et le pavé luisant de pluie et jonché d’ordure est foulé par le pas titubant et obscène des clodos, des pochards, des putes et des paumés qui composent cette triste faune décadente. Et parmi la masse grise et informe de ces infortunés, terré dans la fange puante des Catacombes croupit Le Démoniaque, infâme ivrogne possédé par un esprit malin qui le pousse chaque nuit à remonter à la surface pour assouvir des pulsions ignobles et inavouables.
Non cher lecteur, ceci n’est pas le début d’une nouvelle de Poe ou de Walpole, c’est tout simplement le contexte dans lequel baigne Le Démoniaque, premier album de Catacombes, one man band nantais signé chez Hass Weg Productions. D’ailleurs, le mystérieux mortel qui se cache derrière le masque du possédé n’est pas un parfait anonyme puisqu’il s’agit d’Antoine Guibert, connu pour son travail au sein de Belenos, Kerifern et plus récemment Onirism.

Après une petite intro noire, inquiétante et lascive à base d’accordéon, de clavier et de cuivres, Catacombes nous happe et nous entraîne dans un tourbillon de riffs imparables à la noirceur envoûtante qui n’est pas sans rappeler les premiers Sargeist. La voix du Démoniaque, criarde et extrêmement écorchée, rappelle aussi la grande époque des Finlandais, ainsi que cette section rythmique dynamique alternant blasts et mid énergiques avec une basse discrète mais qui sait s’inviter sur certaines parties (le début explosif d’Arsouille mes Couilles, certains passages de Croque Monsieur…). Ceci dit, l’ambiance est assez différente, car ici, on est loin des messes noires et autres propagandes satanistes, le propos de ces douze pistes étant de nous immerger dans la débauche la plus nauséabonde et immorale: alcool, prostituées, viols, meurtres, nécrophilie, le programme est vaste et pas vraiment politiquement correct.
Le son de gratte bien grésillant et ce sens du riff aussi mélodique que tranchant font également beaucoup penser à Peste Noire, ainsi que ce côté entraînant au je ne sais quoi de franchouillard qui nous invite irrémédiablement à une sorte de décadence décomplexée et paillarde (Arsouille mes Couilles, Mortel Bordel). Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil aux textes truculents, délibérément crus et provocateurs mais teintés d’un humour et d’un cynisme désabusés pour reconnaître l’influence du monstre français.

Les onze compos qui forment la colonne vertébrale de l’album sont toutes excellentes, pourvues de riffs assassins qui font mouche, et intelligemment composées, avec des ralentissements de tempo et des passages plus lancinants (Pompe Funèbre, seul titre low tempo de l’album aux guitares rampantes et sournoises qui nous submergent d’un sentiment de mélancolie et de désespoir tenace), ceci dit l’ensemble est extrêmement homogène et direct, et il est difficile d’extraire un titre plutôt qu’un autre. C‘est d’ailleurs le principal reproche que l’on pourra faire à ce premier album : avec 54 minutes au compteur, Le Démoniaque est un peu long, jouant trop sur les mêmes structures, avec des parties de grattes certes très bonnes mais qui ont tendance à beaucoup se ressembler d’un bout à l’autre de l’album, et il aurait peut-être été judicieux de supprimer un ou deux morceaux ou d’aérer l’ensemble avec plus de samples narratifs ou pourquoi pas de creuser le sillon musical développé sur l’intro avec cet accordéon lancinant qui pourrait apporter encore plus de profondeur à la musique. En tout état de cause, Le Démoniaque est une très bonne surprise qui, malgré quelques imperfections (un ensemble un peu trop linéaire et répétitif) nous permet de découvrir un nouveau combo plus que prometteur qui porte déjà haut l’étendard du black français. Vous avez toujours rêvé d’explorer les Catacombes mais n’avez jamais trouvé l’occasion de franchir le pas ? Venez vous aventurer dans les profondeurs du cloaque chers visiteurs, Le Démoniaque n’attend que vous…