La déontologie journalistique voudrait qu'on ne chronique pas un pote, seulement voilà, je ne suis pas journaliste, et toc. Et si Chris D, âme pensante de Mind Your
Head!! n'avait pas été là, je n'aurais jamais pondu la moindre chronique. A l'heure de la sortie de son deuxième album, "
Last Stop Before Hell", je vais donc faire une entorse au dogme, cet article -en toute impartialité, cela va sans dire- c'est un peu la moindre des choses, après plus de deux cents chroniques dans
Spirit Of
Metal, par sa faute.
Pour la petite histoire, ma première chronique accidentelle était une déconnade pour lui donner un avis sur un morceau qu'il m'avait envoyé de son premier projet, le 10 novembre 2013, je cite :
"Voici la chronique de Jean Edern
Desecrator, auguste chroniqueur maudit du célèbre site LesOreillesEnSang.com…
Je viens de jeter une oreille à "Birth", unique morceau d'un obscur groupuscule appelé Iron Candy. D'autant plus groupuscule qu'il est mono-personnel. Un homme, un groupe, un morceau, donc. Mais où est passé le chanteur ?!
Il n'y en a pas, et d'aucuns craindront un énième génie autoproclamé du metal progressif qui accouche des morceaux instrumentaux de 18 minutes, avec plus de cent pistes d'instruments, dont une sitar et trois binious.
Bien heureusement, le sieur Iron Candy (puisque c'est son nom) fait plutôt dans le gros sucre d'orge que dans le nuage de sucre candi moléculaire : Dès potron minet, un gros riff qui tâche - en ternaire s'il vous plait- vous fait méchamment headbanguer, à la manière d'un
Metallica qui se serait enfin sorti de la maison de retraite. Et si les autres riffs sont un peu plus recherchés, on sent que le groupe, enfin l'homme se cherche un peu... pour revenir à ce riff qui est déjà rentré dans le cerveau, comme un alien reproducteur.
Le morceau est extrêmement prometteur, et on regrette que le mono-guitariste, enfin mono-bassiste, ou plutôt mono-batteur-à-rythme, n'ait pas fait appel à un mono-chanteur. Mais cela fait déjà beaucoup de monde dans une tête, et gageons qu'il finira bien par se pointer à une séance d'enregistrement.
Cependant, il y a erreur sur la jaquette, le morceau ne fait pas 2'20 : cela fait plus de 30 minutes que je l'écoute. Quoi ? Un bouton répéter appuyé par mégarde ?"
C'est collector, c'est cadeau, ne cherchez pas Les OreillesEnSang.com, ça n'existe pas : Chris m'avait dit ensuite "Mais pourquoi tu ne fais pas des chroniques d'albums sur internet ?" L'idée m'a paru saugrenue au départ, mais j'ai fini par tenter l'aventure
Spirit Of
Metal. Et comme vous voyez, je n'hésite pas à sortir les vieux dossiers.
Revenons-en à Mind Your
Head!! A l'origine de ce One Man Band, on trouve Chris D, qui a officié à la guitare dans de nombreux groupes de la région de Blaye, puis de Bordeaux : Awful Noise (thrash), Slurp! ( thrash industriel), No Peace (funk metal), Viridiana (metal), et enfin Lowpoint à la basse et au chant (post hardcore, avec votre serviteur à la batterie). Arrivé à l'âge vénérable de se ranger des voitures, plutôt que de mettre les amplis au placard, Chris D a ressorti sa vielle boite à rythme des années 90, un magnéto 4 pistes, et créé son propre projet solitaire : Iron Candy, dans un style hardcore/metal direct et brutal. Dans un deuxième temps, voulant aller beaucoup plus loin dans les extrêmes, il a fait table rase des premiers jets et c'est ainsi qu'est né Mind Your
Head!!, avec une base résolument grindcore. La recette est simple : une boite à rythme old school qui colle des blastbeats pour lesquels elle n'a jamais été prévue, des pelletées de riffs grind, hardcore, death, thrash, et j'en passe, avec des growls et des screams aussi velus que possible.
Sont sortis un EP "
Look at This Mess" en janvier 2019, puis un premier album "
Hail to Stupidity" en mai 2021 avec en bonus des reprises de
Napalm Death et Ratos de Porao. A peine le premier LP sorti, la boulimie de composition de Chris D n'est pas retombée, et il s'est lancé dans la conception du deuxième. Comme pour le premier, le mastering a été confié à Brad Boatright d'Audiosiege ("
Code Orange,
Kylesa,
Suicide Silence,
Sleep, 200
Stab Wounds,etc…), et le disque s'est vu offrir une sortie physique avec un beau CD Digipack, et si tout va bien en cassette d'ici quelques semaines.
Pour ceux qui auraient déjà gouté au premier LP, on retrouve ce mélange de
Napalm Death et de
Converge d'une densité étouffante, avec une grosse variété de riffs et des changements incessants qui ne laissent aucun répit à l'auditeur. Notons malgré le stakhanovisme dans l'extrêmisme sonore, qu'il y a une propension à la badassitude avec des riffs moteurs bien catchy ("
Surrender is Not An Option"), ou des ralentissements implacables ("
Hammer Therapy", "The Match and the Straw") pour attirer les oreilles avant de bien les vriller.
Pour du grindcore, Mind Your
Head!! ne s'est pas contenté de la simplicité. Il arrive à pousser les potards de l'agression très loin, tout en proposant des structures et des riffs inhabituellement recherchés, par exemple, le thême de "
Wrong Risk Insurance" pourrait plutôt faire penser à du tech death avec ses petites notes précises et obsédantes. De là à en faire le
Dream Theater du grind, il y a de la marge, mais les compos sont précises jusque dans le détail, et on ne sait jamais ce qui va arriver dans les secondes à venir. Il y a toujours un sens de la concision avec des durées de morceaux entre deux et trois minutes majoritairement, et des fins abruptes des pistes.
Au milieu de ces brulots expéditifs et hirsutes, la plage aussi lourde que désespérée de "Summer Is Coming" coupe l'album en deux, les mélodies mélancoliques du début se faisant irrémédiablement détruire dans un chaos nihiliste au fur et à mesure de sa progression.
Autour de son bicolore grind et hardcore, Mind Your
Head!! se teinte de corrosions industrielles, et n'a aucun complexe à aller pêcher quelques émotions contrariées du côté de la noise ("Ditched"), ou même du grunge ("It Crawls").
Des growls Napalmesques et des screams bien déchirés se partagent les tâches pour rajouter encore une couche de destruction. S'il y a une grosse progression à mettre au crédit de Chris D, c'est sur ses capacités vocales : si ses limites étaient bien visibles sur son premier effort, il s'en est libéré sur le premier album, et il pousse maintenant sans vergogne dans l'extrême et a apporté plus de variété de timbres et de façons de growler suivant les ambiances. D'un point faible, c'est carrément devenu un point fort.
Au premier abord, "
Last Stop Before Hell" ne présente pas de différence qui saute aux oreilles par rapport à son prédécesseur, mais c'est dans le contenu et les ambiances qu'il se révèle, osons le mot, beaucoup plus nuancé. Au niveau du mixage et de l'emballage sonore, on note aussi des changements notables : un son moins saturé mais plus resserré au niveau des guitares, qui laisse au son de basse très gras-nuleux toute la place pour s'exprimer. La principale réserve pour moi serait au niveau de la boîte à rythme : s'il est arrivé à en extraire plus que le maximum, avec des parties de batterie ultraviolentes et un son largement enrichi par rapport à ce que donne le bousin à l'origine, elle limite l'éventail d'ambiances percussives qu'il pourrait apporter à Mind Your
Head!!, et aussi la qualité sonore générale. Aussi, le recours aux rythmiques les plus rapides possibles est un peu trop systématique à mon goût.
Mind Your
Head!! a passé avec brio le cap du deuxième album, s'éloignant de ses influences pour affirmer sa personnalité, et s'est renouvelé suffisamment pour ne pas risquer de lasser, dans un style, le grindcore qui ne laisse pas normalement la place à l'originalité. Avec tellement de bonnes idées dans tous les coins, il est hautement réécoutable, un peu de finesse réjouissante dans ce monde de brutes.
Icare : Oh que c'est méchant, ça, ah ! ! Première raison : je suis tout à fait incapable de faire des parties aussi violentes, en tout cas de tenir un morceau. Deuxième raison, j'ai arrêté la batterie il y a douze ans, j'ai même plus mon kit !
J'ai écouté et vraiment apprécié cet album! Il y a quelques chose, un état d'esprit, un sentiment d urgence et de sincérité qui ont fait que j'ai vraiment passé un super moment lors de l écoute. On balance la tête sans même s en rendre compte, on tape du pied... on prend du plaisir !! Et la bar ne m a absolument pas gené car on est pas dans l uber vitesse. J espère un jour le trouver en physique et c est achat garanti.
Ecouté, acheté !
Merci pour vos commentaires et vos retours sur l'album, (pour Fufupue) il est dispo en physique sur le bandcamp de Mind Your Head. Le sentiment d'urgence te saute littéralement à la gorge là dessus...
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