Liste des groupes Metal Symphonique Elysium (ITA) Labyrinth of Fallen Angels

Figure du metal symphonique à chant féminin encore peu popularisée sur, et plus encore hors de sa terre italienne natale, ce sextet originaire d' Orvieto entend ne pas rester dans l'ombre de ses nombreux opposants bien longtemps. Conscient des risques encourus à vouloir brûler les étapes, c'est pierre par pierre que le combo transalpin construit son projet. En effet, créé en 2013 par le bassiste Marco Monetini (Gerico, Nidi di Ragno, Fuorilinea) et le violoniste Christian Arlechino (La Tresca), avec la participation du batteur Flavio Lovisa et le concours de Marco Sinopoli aux claviers et orchestrations, le collectif n'accouchera de son introductif, engageant mais tâtonnant EP « Symphony of a Forest » que trois ans plus tard. Avec l'arrivée, fin 2016, de la chanteuse au cristallin grain de voix Daphne Nisi (Baraonna) et du fin guitariste Simone Moratto, les compositions à venir gagneront en caractère ce qu'elles ne perdront ni en substrat mélodique ni en coloration vocale, loin s'en faut. De cette fraîche et fructueuse collaboration naîtra en 2019 leur premier et présent album full length, « Labyrinth of Fallen Angels », signé, cette fois, chez le puissant label finlandais Lion Music. Un heureux présage, en somme...

Au fil des 43 minutes de l'opus, nos acolytes nous immergent au cœur d'un message musical à la fois volontiers pulsionnel sans se montrer incisif, fringant mais nullement pompeux, empreint de sensualité et fortement chargé en émotions. De nature rock'n'metal mélodico-symphonique gothique et folk, aux relents progressifs, influencées pour l'essentiel par Within Temptation, Nightwish, Xandria (premières moutures), Lyriel et Eluveitie, les 10 pistes de la galette ne sauraient s'y réduire exclusivement, nos six gladiateurs apposant dores et déjà leur sceau artistique sur la plupart de leurs portées. En outre, cet éclectique et luxuriant set de compositions témoigne d'une technicité instrumentale ayant gagné en maturité et d'une féconde inspiration mélodique de ses auteurs. Ayant apporté un soin particulier à la production d'ensemble, à commencer par une remastérisation aux petits oignons de trois des six plages de l'EP et une belle profondeur de champ acoustique, le valeureux sextet annonce clairement la couleur de ses intentions. Mais entrons plutôt dans chacune des cales du vaisseau amiral en quête d'éventuelles pépites profondément enfouies...

La mer d'huile ne tardera pas à se transformer en un torrent de lave en fusion, nos compères essaimant alors quelques gemmes sur notre route. Ainsi, l'accroche s'opérera d'un claquement de doigts sous le joug du refrain catchy du ''nightwishien'' up tempo « Black Hole ». Disséminant ses riffs acérés adossés à une frondeuse rythmique, insérant judicieusement un violon libertaire dans sa trame, réservant d'insoupçonnés changements de tonalité, ce palpitant effort ne manque ni d'allant ni de panache. Dans le chaudron bouillonnant se trouve également immergée « Fight for All Your Love », éruptive et fringante offrande issue de la première livraison. Mis en habits de lumière par les puissantes inflexions de la déesse, doté d'un bref mais flamboyant solo de guitare et recelant des enchaînements intra piste des plus sécurisants, l'échevelant effort poussera le chaland à un headbang bien senti et ininterrompu. Enfin, après une substantielle et cinématique entame instrumentale, à la manière de Lyriel, le vigoureux effort folk symphonique « Siren » révélera un caractère éminemment enjoué doublé de saisissantes accélérations du convoi orchestral.

Quand il se plaît à varier ses phases rythmiques, le combo italien trouve à nouveau les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce qu'illustre, tout d'abord, le polyrythmique « Evanescent », enivrant méfait aux faux airs d'un Within Temptation des premiers émois, assorti d'un zeste folk estampé Eluveitie. Mis en exergue à la fois par un coup d'archet frivole et le pénétrant filet de voix de la sirène, couplets sensuels à souhait et refrains enjoués glissent avec célérité dans nos tympans alanguis. Dans cette veine, eu égard à ses grisantes séries de notes et ses inaltérables coups de boutoir, le mid/up tempo syncopé « Higher State of Consciousness » ne saurait davantage être éludé. Un poil plus corrosif, à mi-chemin entre Lyriel et Xandria, le tubesque mid/up tempo « Before the End » révèle une énergie aisément communicative doublée de sémillantes gammes au piano et d'arrangements instrumentaux de fort bonne facture. Et comment esquiver sans éprouver de tenaces regrets l'entraînant et ''xandrien'' « Turn Around », et ce, au regard de son infiltrant cheminement d'harmoniques et de ses ponts mélodiques des plus prégnants et judicieusement positionnés ? Sans doute l'une des gemmes de l'opus.

Nous plongeant parfois dans un bain orchestral aux doux remous, le collectif nous immerge alors dans un océan de félicité. Ce qu'attestent l' ''éluveitien'' mid tempo « Nobody Knows » comme l'enivrant et ''lyrielien'' « Here I Am », tous deux tirés du précédent album ; galvanisants manifestes folk symphonique recelant chacun d'originaux arpèges d'accords, encensés par un violon en liesse, pourvus d'un refrain des plus accrocheurs, et où les ''siréniennes'' modulations de la princesse font mouche où qu'elles se meuvent. Bref, deux hits en puissance que l'on ne quittera que pour mieux y revenir, histoire de humer à nouveau leurs délicieux effluves.

Lorsque les lumières se font caressantes s'apaiseront aussitôt les tensions, la troupe nous adressant par là même ses mots bleus les plus sensibles, générant alors la petite larme au coin de l'oeil qu'on tenterait d'esquiver, en vain. Ainsi, au carrefour entre Eluveitie et Within Temptation, « Close to You » se pose telle une ballade folk et progressive d'une pureté immaculée, où un violon larmoyant corrobore les troublantes volutes de la maîtresse de cérémonie. Calé sur une sente mélodique d'une confondante fluidité, l'instant privilégié élargit parallèlement son spectre atmosphérique au fil de son avancée, oscillant entre mélancolie profonde et humeur joviale. Et la magie opère, une fois encore.

A l'issue de notre traversée, un doux sentiment de plénitude nous gagne, les dix immersives propositions de la rayonnante rondelle n'accusant pas l'ombre d'un bémol, nous intimant dès lors de ne pas quitter précipitamment le navire. En outre, s'observe une heureuse fusion de styles et une production d'ensemble coulée dans le bronze, ayant pour corollaire une mélodicité toute de nuances brodée et une technicité éprouvée mais non ostentatoire. Varié sur les plans atmosphérique et rythmique, le propos l'est en revanche bien moins eu égard à son offre oratoire, la belle monopolisant le micro tout au long de notre périple. En réponse aux attentes d'un auditorat déjà sensibilisé aux codes du genre, il conviendrait que nos acolytes agrègent à leur message musical l'un ou l'autre instrumental, fresque, et autres duos et choeurs. Le combo nous livre toutefois une œuvre empreinte de subtilités, pétrie d'élégance et des plus poignantes, à l'identité artistique déjà affirmée, les influences de ses maîtres inspirateurs se voyant dores et déjà digérées. Un solide et magnétique effort s'esquisse, faisant du collectif italien un redoutable espoir du metal symphonique à chant féminin. Pour une mémorable incursion en terre d'abondance...

Note : 15,5/20