Alors, la France, nouvelle patrie du black metal ? A cette question, on ne peut répondre que oui, en toute objectivité et sans chauvinisme déplacé.
Car après de longues années de domination sans partage d'une scène scandinave (et en particulier norvégienne) autrefois impériale mais qui a fini par se paumer toute seule dans les méandres de ses forêts enneigées, c'est bel et bien le pays du camembert et des coups de boule qui domine les débats depuis quelque temps.
En effet, la France dispose désormais d'un nombre impressionnant de formations de qualité, au potentiel créatif énorme (
Spektr,
Blut Aus Nord,
Deathspell Omega, …) et à la haine sans limite (
Arkhon Infaustus,
Antaeus, …), ainsi que d'une scène underground fournie et très active.
Cette recrudescence d'activité est certes du pain béni pour les auditeurs qui disposent ainsi d'un vivier quasi-inépuisable où ils peuvent aller piocher à volonté, mais n'est pas forcément avantageuse pour les musiciens qui, surpopulation et concurrence oblige, sont contraints à galérer avec leurs formations pendant d'interminables années avant de finalement rendre les armes, la faute à un manque d'originalité, la faute à un manque de promotion, ou tout simplement la faute à pas de chance… Ah, monde impitoyable !
Mais
Inepsy, tout jeune groupe issu des entrailles de cette scène underground, possède fort heureusement toutes les cartes en main pour s'extirper de la masse grouillante, à en juger d'après l'écoute de "
Kingdom of
Insanity", un premier album autoproduit tout à fait prometteur.
A priori,
Inepsy pourrait être catalogué "black", de par l'aspect visuel et la thématique antireligieuse transpirant du tracklisting. Mais un examen plus attentif montre que sa musique n'est finalement pas si évidente à classer.
Certes, les accélérations typiques sont légion et le chant caractéristique du style est omniprésent, mais
Inepsy affirme sa personnalité et sa volonté de diversifier sa musique au travers d'incursions massives dans le death-metal avec le recours fréquent à un son de guitare gras et dégueulant (voir au chant ultra-grave, comme dans "
Kill the Rappers One by One" et "Magnitude
666"), ainsi qu'à quelques poussées de fièvre trash bien musclées avec des riffs coups de poing ("Purg(essence)").
Que ce soit clair, nous ne sommes pas en face d'un énième groupe fermé d'esprit et empêtré dans des schémas pré-formatés. Non,
Inepsy ne fait pas partie de cette catégorie, d'autant que les musiciens ne se contentent pas de bourriner et de marteler à tout va. Ils savent ralentir le rythme quand le besoin s'en fait sentir, en nous gratifiant de nombreux passages mid-tempo, de quelques arpèges clairs ("Purg(essence)", "
Kingdom of
Insanity", "Religion-Less Theology") et d'un soupçon de claviers symphoniques (l'intro "May the Gods Be
Unleashed" entièrement jouée à l'orgue).
Un morceau comme "Religion-Less Theology" (qui est à mon humble avis le sommet de l'album) représente à lui tout seul quasiment toutes les facettes de la musique d'
Inepsy et surprend constamment grâce à sa construction totalement imprévisible. Et comment ne pas succomber à sa longue montée en puissance avec un rythme martial écrasant tout sur son passage… On a carrément l'impression que les armées du
Mordor sont en train de nous fondre sur la gueule ! Impressionnant !
Un autre aspect d'
Inepsy réside dans l'approche très second degré de sa musique et dans sa capacité à ménager des surprises complètement inattendues.
Vous en connaissez beaucoup des musiciens capables de balancer dans un disque à forte connotation black des reprises des thèmes de Tetris (oui, je parle bien du jeu Game Boy sur lequel on s'est tous un jour ou l'autre usé les doigts) et des
Power Rangers (en hidden track) ?
Et ce ne sont pas les seules surprises qui nous sont proposées au menu ! Imaginez un sample de discours scato sur fond de piano (à déguster en introduction de "Coït Interrompu"), ou encore un sample de rap (?!) suivi de violents coups de feu (à savourer dans "
Kill the Rappers One by One") !
Pour situer, c'est tout à fait le genre d'exactions que pourrait commettre un certain
Nattefrost dans un disque de black metal (en solo ou avec
Carpathian Forest). Il y a un peu de cet esprit-là dans
Inepsy.
Pour conclure, ce "
Kingdom of
Insanity" n'est certes qu'un premier album et présente forcément quelques défauts de jeunesse comme certains passages un peu téléphonés par ci par là, ou encore une qualité de production perfectible (c'est sûr, on n'a pas un son made in
Abyss ou Fredman, mais il est tout de même suffisamment correct pour permettre d'apprécier les compos), mais le potentiel est tellement énorme et les qualités tellement évidentes qu'on en oublie facilement ces quelques menues ratures.
Influences variées, bonne maîtrise instrumentale, humour au trente-sixième degré, surprises à la pelle : telles sont les bases solides posées par ce premier album qui révèle un groupe à la personnalité déjà bien affirmée et qui devrait être en mesure de passer un cap et de viser beaucoup plus haut, à la condition sine qua non de dénicher une maison de disques. En tous cas, c'est tout le mal qu'on leur souhaite…
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