Jours Pâles

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17/20
Nom du groupe Asphodèle
Nom de l'album Jours Pâles
Type Album
Date de parution 01 Novembre 2019
Style MusicalBlack Metal
Membres possèdant cet album26

Tracklist

1.
 Candide
 02:10
2.
 De Brèves Etreintes Nocturnes
 04:23
3.
 Jours Pâles
 06:49
4.
 Gueules Crasses
 04:48
5.
 Nitide
 05:44
6.
 Refuge
 04:43
7.
 Réminiscences
 04:49
8.
 Décembre
 05:32

Durée totale : 38:58

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Asphodèle


Chronique @ Icare

15 Janvier 2020

Les amateurs d'Amesoeurs, Les Discrets, Lifelover, ACWL et de DSBM seront séduits

L’asphodèle est une plante aux jolies fleurs blanches qui, dans la culture populaire, incarne la résurrection, mais dans la mythologie grecque, la Prairie de l’Asphodèle est l’endroit des Enfers où errent la plupart des fantômes des morts, condamnés à attendre éternellement dans ce lieu suspendu entre les Champs Elysées et le Tartare, et où séjournent également Leurs majestés Hadès et Perséphone. Un nom riche en symboliques donc, au doux parfum de mort, et qui va à ravir à cette nouvelle formation qui voit le jour en 2019 dans la collaboration artistique entre Spellbound (Aorlhac) et Audrey Sylvain (Amesoeurs). Ce projet, personnel et introspectif et assez loin des standards black metal habituels, va faire forte impression à Gérald Milani, manager du label Les Acteurs de L’Ombre, qui s’empresse de signer le groupe. Fort de ce soutien, le duo va vite s’entourer de musiciens professionnels (Stéphane Bayle, ex Anorexia Nervosa et guitariste de Au Champ des Morts et Christian Larsson, ex Shining et Apati entre autres) et entrer au Henosis Studio pour enregistrer Jours Pâles, premier album d’Asphodèle qui sortira officiellement le 1er novembre 2019.

Les notes de piano tristes et solennelles de Candide nous plongent tout de suite dans un état de mélancolie profond qui confine à la déprime ; à l’image de la peinture qui illustre la pochette, on s’imagine dans un centre-ville délabré et désert, rentrant en pleine nuit après une cuite, titubant dans une rue sombre et pluvieuse qui étale sous nos yeux dégoûtés la misère du monde dans toute sa crudité : un clochard qui dort par terre dans ses déjections, à moitié mort, au milieu de vieux cartons et de détritus. On traîne un cafard pesant mais sournoisement addictif, plaisir traître et coupable, indispensable au maintien branlant de cette morne volonté de survie, cette douleur lancinante et sourde agissant comme une piqûre, rappelant à notre cerveau brumeux le modèle du bon citoyen imposé par notre société sans âme, et dénigrant presque inconsciemment l’image du délabrement physique et de la misère mentale qui se vautre ici, sous notre regard éteint, dans la ruelle : si je ne veux pas finir comme ce clodo, il faut que j’arrête de me bourrer la gueule, que je me bouge le cul, que je me lève demain même avec une gueule de bois atroce et que j’aille bosser pour gagner ma vie ; ce monde est pourri, mais il faut bien continuer à vivre, je ne peux quand même pas me laisser mourir, et puis il y a l’alcool, les antidépresseurs et le porno qui rendent le tout presque supportable...
Cette basse profonde qui vibre rageusement et ces riffs suintant de tristesse ne vont rien arranger, nous enveloppant de cette aura noire, urbaine et un rien sordide. Pourtant, au fond, tout au fond, une lueur d’espoir persiste quand même…


C’est un fait, si Asphodèle opère un délicieux mélange des genres où le black se mêle largement à un feeling gothique, c’est bien la noirceur qui prédomine, et les passages plus calmes et mélodiques n’atténuent que rarement ce sentiment de malaise et de déchéance nocturne qui nous étreint le long de ces 39 minutes. Entre ces vagues de langueur tranquille et de mélancolie béate (la fin du titre éponyme, bercée par ces arpèges joliment déprimants et la voix si pure d’Audrey Sylvain qui exprime une sorte de rêverie désabusée, Nitide) s’intercalent des explosions de haine, de décadence et de dégoût qui nous remuent les tripes (De Brèves Etreintes Nocturnes, la deuxième partie de Refuge, au chant possédé et réellement flippant).
De Brèves Etreintes Nocturnes est un bon exemple de la schizophrénie du groupe, se partageant assez équitablement entre un chant black et celui plein de candeur d’Audrey, qui, fragile et naïf, sonne finalement presque plus insoutenable à nos oreilles que les hurlements déchirés et vibrants de haine et de folie de Spellbound : le contraste opéré par cette voix frêle et angélique et l’acrimonie glaciale de la musique est une vraie réussite. Dans le même style, Gueules Crasses, mêlant lignes de piano diaphanes à ce riffing toujours empreint d’une profondeur et d’une tristesse sans pareille, oscille constamment entre grisaille, ténèbres totales et timides éclaircies, tandis que le début de Réminiscences sonnerait presque comme du Joy Division ou du The Cure avec cette basse sautillante et cette petite mélodie de guitare aigrelette et faussement joyeuse.
D’une manière générale, le riffing est très bon et chargé en émotions, lent, accrocheur, empruntant volontiers au DSBM (De Brèves Etreintes Nocturnes, Refuge), renvoyant parfois au premier Pensées Nocturnes, tandis que certaines sonorités de guitare font beaucoup penser à ACWL (De Brèves Etreintes Nocturnes, Nitide, Novembre) ainsi que cette voix féminine, presque trop pure dans ce monde souillé, et comme nimbée dans une sorte d’espoir et de rêverie candides qui, lorsque l’on lit les paroles, impitoyablement froides et cruelles, confinerait presque au cynisme. On reconnaît parfois quelques influences plus post rock qui viennent un peu aérer l’ensemble (Gueules Crasses), ainsi que certains passages plus lumineux et dynamiques (la fin de Nitide et celle, très réussie, de Refuge avec cette belle partie guitaristique) qui confèrent une vraie richesse musicale à ces huit titres.

Pour conclure, Jours Pâles est une excellente surprise d’un groupe atypique à la personnalité déjà étonnamment affirmée pour un premier album. Naviguant entre les eaux troubles d’un black metal tantôt dépressif tantôt violent et d’une pop désabusée et noire aux accent gothiques et cold wave, il nous ballote d’émotions en émotions, entre mélancolie, introspection, douces rêveries et fragiles espoirs, rejet, dégoût de soi et haine de l'humanité et de notre monde. Si vous appréciez des groupes comme Amesoeurs, Les Discrets, Lifelover, ACWL et la scène DSBM d’une manière générale, Asphodèle ne peut que vous séduire. Amis poètes, dépressifs, dépravés et âmes sombres en tous genres, réjouissez-vous : voici que près de 150 ans après leur éclosion, les fleurs du mal refleurissent en un nouveau bouquet. Enivrez-vous de leur doux parfum mortifère, mais inhalez avec modération : n’oubliez pas que l’asphodèle peut vous mener aux portes de l’Enfer…

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