Journey into Fear

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16/20
Nom du groupe Deaf Dealer
Nom de l'album Journey into Fear
Type Album
Date de parution 26 Septembre 2014
Produit par Jim Morris
Enregistré à Metalworks Studios
Style MusicalHeavy Metal
Membres possèdant cet album18

Tracklist

1. Back to God's Country 04:15
2. Mind Games 03:46
3. Blood and Sand 06:20
4. Tribute to a Mad Man 04:02
5. East End Terror 04:10
6. To Hell and Back 04:03
7. Escape from the Witch Mountain 03:34
8. Journey into Fear 06:16
Total playing time 36:26

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Deaf Dealer


Chronique @ LeLoupArctique

07 Novembre 2014

Laissez-moi tout d'abord vous raconter l'histoire peu commune de cet album …

Ce n'est pas tous les jours que l'on tombe sur un tel album. Laissez-moi tout d'abord vous raconter son histoire …

Au cœur du Québec, dans la petite ville de Joncquière (qui fait maintenant partie de Saguenay), cinq jeunes gens commencent à répéter ensemble sous le nom de Death Dealer. Nous sommes en 1981, et André Larouche (chant), Yves Pednault (guitare), Michel Larouche (batterie), Gilles Bergeron (guitare) et Yves Bergeron (basse) ont l'espoir de devenir un jour un groupe majeur du Heavy Metal, un peu comme Anvil à Toronto qui vient tout juste de se faire remarquer avec son premier album. S'ils jouent des reprises (Motörhead, Judas Priest mais aussi of course Iron Maiden), ils composent néanmoins beaucoup de matériel propre, et c'est avec Jean-Pierre Fortin (peu intéressé par la tournure Thrash de Voïvod en 1982) remplaçant Yves Bergeron à la basse qu'ils enregistrent plusieurs démos par-ci par-là. Ils parviennent alors à faire figurer un de leur morceau sur la compilation "Metal Massacre Vol. IV" en 1983, ce qui a pour conséquence directe de les faire rapidement connaître dans le milieu du Heavy nord-américain.
À partir de là tout s'enchaîne. Ils ont un manager, on leur propose plusieurs contrats, dont Metal Blade (encore un tout petit label, mais auteur des compilations Metal Massacre) et Mercury Records, division du géant Polygram. Death Dealer signe donc avec Polygram début 1985 et décide de déménager à Montréal (en même temps que Voïvod). Le groupe perd deux de ses membres (les frères Larouche) dans le déménagement, ce qui fait de Yves Pednault le dernier membre de la formation initiale. Le line-up se compose alors de Yves Pednault, Jean-Pierre Fortin, Marc Brassard (guitare), Daniel Grégoire (batterie) et Michel Lalonde (chant, remplaçant un Martin Gourd resté très peu de temps car ne convenant pas au manager).

Death Dealer entre au Montreal Sound Studio en mars 1986 sous l'égide du célèbre Guy Bidmead (le producteur attitré de Yes et Motörhead) qui ne réalise pourtant pas là un travail d'orfèvre. Juste avant de sortir l'album, la maison de disque Mercury leur demande de changer le nom du groupe, ne voulant pas être associée au mot "Death". Qu'à cela ne tienne, Death Dealer devient Deaf Dealer. Dans le même ordre d'idée on leur demande aussi d'angliciser leurs noms, par pur souci commercial pratique. Keeper of the Flame sort en juin 1986, et n'est pas ce que l'on peut appeler un franc succès. Les disques ne se vendent pas trop mal, mais pas suffisamment pour le label ; il faut dire qu'à cette époque le Heavy traditionnel subissait les assauts du Glam et du Thrash. Curieusement, Mercury/Polygram décide de leur offrir une seconde chance, tandis qu'ils écument les scènes de la région, ouvrant pour Voïvod et Anvil bien sûr, mais aussi pour Malmsteen, Motörhead et Helloween.
Le manager loue alors un chalet à la campagne (à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson) durant l'hiver 1987 pour que le groupe puisse composer au calme, à la manière de Led Zeppelin ou Genesis. Les morceaux résultant de ces intenses sessions sont au nombre de huit, et prêts pour figurer sur Journey into Fear, la nouvelle offrande à venir. Ils entrent un peu plus tard aux fameux Metalworks Studios, appartenant à Gil Moore de Triumph, avec cette fois derrière la console Dan Johnson (célèbre pour son travail avec Savatage, Agent Steel, ou Crimson Glory) assisté par Jim Morris. Marc Brassard dira plus tard "On a compris après pourquoi Dan ne se déplaçait jamais sans Jim, car c'était Jim le vrai génie". Johnson et Morris repartent pour les Morrisound Studios à Tampa (Floride) avec les enregistrements … qui n'en ressortiront pas avant 27 ans. Des tensions apparaissent à ce moment entre Deaf Dealer et Polygram, qui arrête purement et simplement de les soutenir, alors que Journey into Fear devait voir le jour en 1988. Impossible pour les canadiens de récupérer les bandes car Polygram s'y oppose, de plus une partie des paroles est l’œuvre du manager (le groupe avait à l'époque quelques soucis à écrire les paroles en anglais) qui s'y est aussi très longtemps opposé. Devant un tel acharnement, surtout que le groupe est conscient d'avoir composé un album réellement bon, Deaf Dealer ne tient pas le coup, et se sépare peu après.

Pendant ce temps quelques enregistrements pirates de Journey into Fear fuitent et sont distribués sous le manteau, ce qui donne au groupe un statut étrange de groupe culte (à leur insu !) avec un album jamais sorti officiellement. Jean-Pierre Fortin tente une nouvelle fois en 1998 de reprendre les pistes enregistrées mais sans succès, les soucis judiciaires avec le manager étant toujours dans une impasse. Death Dealer se reforme en 2008 sous la demandes pressante de fans en Europe et de petits labels souhaitant ressortir leurs morceaux. La reformation remonte sur scène le temps de quelques concerts au Canada et en Allemagne, puis coup sur coup deux compilations (chez High Roller et Cult Metal Classics) voient le jour reprenant leurs premières démos, enregistrées dans les studios d'une université ou encore dans des bars. Je vous laisse deviner la qualité sonore de ces compilations, qui possèdent pourtant un charme inimitable. Enfin, enfin, bien plus tard, à force de patience et de persuasion, Jean-Pierre Fortin parvient à récupérer les bandes, et les convertit au numérique à l'aide du label grec Cult Metal Classics, qui sort finalement Journey into Fear le 26 septembre 2014.

2014.

27 ans donc après avoir été enregistrés, les huit titres de ce Journey into Fear sont officiellement sortis, et ils possèdent encore toute leur fraîcheur. Les mots sont difficiles à trouver pour évoquer un tel phénomène. Et dire que cet album a dormi dans des cartons pendant autant de temps ! Huit tueries. Huit bombes. Pas une seule faiblesse, pas un coup de mou, pas un temps mort : l'intensité est constante. L'équilibre parfait entre une technique irréprochable et un feeling divin. Chaque riff de Yves Pednault et Marc Brassard fait mouche, les soli sont tout simplement à tomber. Les lignes de basse de Jean-Pierre Fortin n'ont d'égales que celles de Steve Harris tant elles paraissent évidentes ; la frappe de Daniel Grégoire relève d'une justesse et d'une précision incroyable. Et que dire du chant de Michel Lalonde ? Celui-ci maîtrise de bout en bout son timbre très haut perché tout en privilégiant l'émotion en gardant les bons aspects de la technique.

Impossible de mettre en exergue un morceau en particulier. Les huit ogives forment un tel ensemble cohérent que vouloir les séparer est impensable. On ressent du Iron Maiden dans ce Journey into Fear, assurément. Cela est dû au fait que Jean-Pierre a composé environ 60% des titres du groupe, en partant d'une ligne de basse, tout comme Steve Harris … On peut penser aussi à Judas Priest pour la vélocité, ou encore à Fates Warning pour les mélodies et les vocaux.

Au niveau du son là aussi, le résultat est aussi décoiffant qu'inattendu. La production est d'époque bien sûr, mais reste terriblement efficace actuellement. Le mix réalisé aux Morrisound Studios par Dan Johnson mais surtout Jim Morris est d'égale qualité à celui réalisé lors de leurs plus grands succès comme Savatage ou Crimson Glory, et bien meilleur que celui de Guy Bidmead pour Keeper of the Flame. Tout bouge d'un seul mouvement, c'est une masse vivante, un véritable monstre que ce Journey into Fear !
Du très Heavy/Speed Back to God's Country au plus posé mais néanmoins dévastateur titre éponyme, cet album est un monolithe qui n'a pas perdu de son énergie depuis toutes ces années. On notera dans les titres quelques changements par rapport à la cassette circulant officieusement ; l'instrumental Escape from a Mountain devient Escape from the Witch Mountain, tandis que Blood Cut Sound se change en Blood and Sand. L'explosif Mind Games en revanche reste tel qu'il est, alors qu'il s'agit en réalité d'un morceau composé par l'ex-chanteur André Larouche sous le nom de Fiend Is Bleak. Mais dans le contenu, nous avons bien le disque faisant l'objet d'un culte, on en parle souvent d'ailleurs comme "the greatest metal album never officially released", culte qui se comprend parfaitement à l'écoute de la galette.

Durant les trente-six minutes qui composent l'opus, les cinq québécois auraient pu connaître la gloire, la vraie, mais tout ne s'est évidemment pas passé comme prévu. À cause d'une maison de disque trop frileuse, à cause d'une mode qui interdisait de revenir au basique, à cause de managers refusant de céder leurs droits sur l’œuvre, à cause de, à cause de … À cause de malchance tout bêtement, un chef d’œuvre n'a pas vu l'ombre d'une platine pendant près de 27 ans. Et 27 ans après, il n'est jamais trop tard, le tort est réparé, retranscrit sur disque compact (et vinyle) et enfin disponible aux fans du monde entier.

Deaf Dealer n'est pas mort.

18 Commentaires

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metalstormrider - 07 Novembre 2014: Merci pour cette superbe chronique!!! Je vais jeter une oreille attentive sur ce Journey Into Fear et me faire un petit Keeper Of The Flame...
MCGRE - 07 Novembre 2014: Putain d'histoire et putain de titre que ce Blood and Sand je trouve ça terrible vraiment il me le faut , et merci pour cette chronique mec c'est une sacrée découverte pour moi .
BARONROUGE - 07 Novembre 2014: Il y a un en ce moment une sorte de Revival pour ce genre de groupe et ce style , je sais pas un déclic , une passion passagère , une nostalgie d'une époque ou le mot heavy Metal ou cette vague dite "NWOBHM" faisait rage , bon on passe au groupe suivant .
LeLoupArctique - 08 Novembre 2014: Merci encore à vous pour vos commentaires attentionnés, je suis ravi que ce disque suscite votre intérêt, car il le mérite. Metalstorm si je peux te donner un conseil (et s'il n'est pas trop tard) commence par Keeper avant de te faire Journey, tu verras une grosse différence au niveau de la prod notamment. Oui Baron il y a la vague du Heavy Revival ainsi qu'un engouement actuel pour le heavy à l'ancienne, c'est certain. Pour ma part ça me touche vraiment que des mots comme Heavy traditionnel ou NWOBHM fassent encore rêver.

Vous vous en doutez donc pour cette chro j'ai passé pas mal de temps à faire des recherches ; une interview m'a beaucoup appris et que j'ai trouvée très intéressante, je vous mets le lien http://headbanger.ru/interviews/220?lng=en . J'ai aussi tenu à aller écouter les anciennes productions du groupe. Alors pour Keeper c'est facile c'est sur youtube, mais pour le reste c'est quasiment impossible. Pour l'anecdote je suis tombé sur un site de téléchargement illégal russe plus ou moins louche qui proposait les vieilles démos et des bootlegs introuvables ailleurs, du coup je les ai prises. Il y a vraiment une aura qui s'en dégage, ça sent le pur, l'authentique, qui vient de cœur, fait à force de travail et de sérieux. J'aimerais écrire une p'tite bafouille dessus, mais je sais pas ... c'est du download, sauvage en plus ... On verra plus tard. Autre anecdote concernant le groupe cette fois : les québécois ne consommaient absolument pas de drogues, ce qui n'est pas très courant à cette époque et dans ce milieu. Bref, c'est un album qui m'a vraiment touché par sa sincérité, et j'espère que c'est le cas pour vous aussi.
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