Encore un énième groupe de metal symphonique à chant féminin à venir défendre ses couleurs, et sans doute promis comme tant d'autres à une disparition prématurée, me direz-vous, et vous auriez raison. Toutefois, ce quintet moscovite inspiré par
Nightwish (première mouture),
Epica,
Sirenia (seconde période) et consorts pourrait déjà caresser l'espoir d'opposer une farouche résistance aux
Elvellon,
Beyond The Black, et autres
Once. Et ce, à l'instar de cet introductif et fringant album full length répondant au nom de «
Inspiration » ; vigoureuse et sensuelle auto-production où s'égrainent 7 pistes de durées variables sur un ruban auditif de 42 minutes, jouissant d'un mixage équilibrant à parités égales lignes de chant et instrumentation. On regrettera cependant un manque de finitions, quelques sonorités résiduelles et de flottants enchaînements inter pistes. Quelques erreurs de jeunesse, certes, mais qui sauront bien vite se faire oublier...
L'équipage du navire nous embarque sur un projet rock'n'metal mélodico-symphonique gothique et progressif plutôt classique, avec quelques relents cinématiques, souvent inspiré par les gammes et les arpèges des sources sus-mentionnées. Ce qui ne signifie guère que nos acolytes aient omis d'insérer une touche personnelle dans leurs compositions, bien au contraire. Ainsi, Alina Bazina (frontwoman), Danila Bazin (chant et claviers), Ilya Makarov (guitare), Alexander Kolstov (basse) et Mikhail Nesterov (batterie) nous livrent un message musical énergisant, à la technicité instrumentale éprouvée, aux harmoniques finement enchaînés et dont l'engageante mélodicité se fait personnelle et souvent fait mouche. En outre, l'artwork de la jaquette dispensé par Elena Sokova, mêlant un univers fantastique à une palette de couleurs d'
Inspiration néo-romantique, serait un premier indice du caractère singulier de cette œuvre...
On retiendra tout d'abord les plages les plus toniques, recelant de sémillants harmoniques et des arrangements passés au peigne fin. Dans cette énergie, d''enveloppantes nappes synthétiques d'obédience nightwishienne dans la mouvance de « Oceanborn » inondent « The Call », infiltrant mid/up tempo rock'n'metal mélodico-symphonique un brin cinématique aux riffs incisifs et où sonnent des tambours martiaux d'une régularité métronomique. Et ce, parallèlement à de fines oscillations au clavecin dispensées par une soprano bien inspirée, dont les caressantes envolées lyriques s'apparenteraient à celles de Simone Simons (
Epica). De soudains ralentissements confèrent une bouée d'oxygène à ce champ de turbulences apte à éveiller d'authentiques plaisirs.
Dans ses passages progressifs, le collectif réserve quelques moments aptes à nous retenir plus que de raison. Ainsi, on restera impacté tant par les sémillantes rampes aux claviers qu'au regard des siréniennes inflexions de la maîtresse de cérémonie sur « The Muse ». Ce low tempo progressif doté d'un riffing roulant, dans le sillage d'
Epica, et de saisissantes montées en puissance, dans la veine de
Sirenia, se cale sur le schéma oratoire de la Belle et la Bête. Ce faisant, et même si l'exercice est loin d'être inédit, le méfait nous réserve quelques surprises du meilleur effet. De même, on ne passera pas son chemin sur « The Perfect Play », gracieuse et touchante ballade progressive nous renvoyant d'un bond à un
Nightwish des premiers émois. Doté de couplets finement sculptés que relayent de fondants refrains mis en habits de lumière par les angéliques volutes de la déesse, cet espace ouaté n'évolue pas moins sur une mer limpide à la profonde agitation intérieure. Aussi, nos compères trouvent-ils le moment opportun pour intensifier leurs frappes, densifier le corps orchestral et finir crescendo. Et la magie opère à nouveau.
Plus encore, il est des espaces où le combo se transcende, sachant diversifier ses atmosphères comme ses phases rythmiques, tout en jouant habilement des contrastes vocaux. Sa pièce en actes «
Vampire's Lyrics » en est une fidèle illustration ; fresque nightwishienne de plus de 12 minutes qui nous glace le sang eu égard à de gorgonesques couplets mis en abyme par des growls ombrageux, avant de nous enchanter de la suave mélodicité dont se parent ses moments apaisés. Mis en exergue par la belle, le plantureux manifeste symphonique gothique prend toutes ses lettres de noblesse, foisonnant en subtiles variations et en fins arrangements que pourraient bien leur envier leurs pairs.
Lorsqu'il flirte avec les moments tamisés, le groupe ne ratera pas son effet, loin s'en faut, nous livrant ses mots bleus avec élégance et ce petit supplément d'âme qui parfois échappe à ses homologues,
Elvellon en tête. Ainsi, on ne saurait résister à l'appel de la sirène sur «
Sleepless », pénétrante ballade aux airs d'un slow qui emballe. Octroyant une enchanteresse sente mélodique, de sensibles arpèges au piano ainsi qu'une féline gradation du dispositif instrumental, cet instant privilégié saura sans l'ombre d'une difficulté faire émerger la petite larme au coin de l'oeil. Dans cette mouvance, on sera soufflé par de charismatiques séries d'accords judicieusement enchaînées au piano sur « Unachievable
Dream », radieuse ballade instrumentale a-rythmique clôturant sereinement l'offrande.
En dépit de ses mérites, cet opus témoigne de quelques baisses de régime. Aussi, pourra-t-on se sentir comme égaré au beau milieu d'une vaste étendue lunaire où se lève une tempête de sable brûlant à l'aune de « Fairytale of
Desert » ; complexe et tortueux mid tempo orientalisant aux riffs plombants, dans la mouvance de « The Divine
Conspiracy » d'
Epica. En outre, on sera désarçonné par la répétibilité d'un schéma mélodique en proie à d'intarissables linéarités. On passera donc son chemin.
Sans être un foudre de guerre, ce premier opus s'avère plutôt agréable au regard de ses rayonnantes lignes mélodiques, révélant un bel élan d'
Inspiration de ses auteurs, et n'accuse, au final, que de rares bémols. D'autre part, le groupe a su varier ses atmosphères, diversifier ses phases rythmiques, pluraliser ses joutes oratoires et ses exercices de style ; indices révélateurs d'un réel potentiel chez nos cinq gladiateurs. Toutefois, une ingénierie du son restant à parfaire atténue quelque peu la portée d'un message musical pourtant fort et bien habité. De plus, de rares prises de risques et une originalité faisant défaut renforcent le sentiment d'un manque d'épaisseur artistique du projet. Mais nos jeunes acolytes ont encore le temps d'affûter leurs armes et de revenir plus déterminés encore pour espérer nous rallier plus immédiatement à leur cause. Peut-être à l'aune d'un second album full length ?...
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