Le doom funéraire pourrait se traduire par une capacité sans précédent de rendre la musique fantomatique. Il ne divulgue pas la tristesse, il incarne la mort. Dans notre vie nous sommes malheureusement amenés à faire face à celle-ci, par notre seule présence à un enterrement. Certains sont déchirants, d’autres proprement lassants, ne témoignant plus de notre affection, mais notre simple politesse envers les proches d’un défunt. Qui n’a pas une fois regardé sa montre lors de funérailles ? On est amené à y réfléchir à l’écoute du second opus du roumain «
Aabsynthum ». Ce projet, d’abord orienté vers le black avant-gardiste, a été fondé en 2004, sous le nom d’« Adrasteia » par
Groza Gabriel et Lovin Catalin. L’année 2007 marque un tournant pour eux: changement d’orientation vers le doom funéraire, changement de nom, sortie d’une démo de quatre morceaux, arrivée du batteur Spranceana Andrei. Un premier album verra vite le jour en début d’année 2009, « Non
Forms… Regressus ad Originem ». Lovin Catalin avait entre-temps fait ses valises. Il en sera de même pour le batteur peu de temps plus tard, laissant dans la solitude
Groza Gabriel. Ça ne l’empêchera pas de continuer l’affaire et de signer chez le label russe Marche
Funebre Productions pour une autre réalisation. C’est seul qu’il compose, enregistre et produit «
Inanimus », le deuxième album d’«
Aabsynthum », allant même jusqu’à prendre lui-même les photos d’illustration. Il se sera en tout cas beaucoup investi pour cet enterrement de misère.
Enterrement de misère, car la cérémonie concoctée par
Groza Gabriel est décevante, sans le moindre faste, sans ce parfum de cavité et d’encens qui caractérisent des œuvres profondes.
Pas le moindre sentiment de mal-être à relever, juste de l’agacement et l’envie de passer vite à autre chose. L’entrée « Initium » sonne de manière très artificielle. Ce fond de synthé laissé à l’abandon et ses lentes notes de piano donnent le ton de la gravité. Cependant l’ensemble est poreux et perd très vite ses effets. On passe illico du manoir hanté à une messe d’église de village communiste, assis derrière, éloigné de l’autel, loin du radiateur électrique. D’une durée similaire, « Clausula » s’en tire juste un petit peu mieux par un fredonnement lancinant de plus de deux minutes. Les instrumentaux qui encadrent le produit donnent déjà une idée assez peu reluisante du restant. On peine à imaginer un contenu moins artificiel, moins linéaire. Et pourtant…
Il faudra décidément lutter pour ne pas s’assoupir sur «...At the Hour of
Death », handicapé par ses sonorités artificielles toutes sorties d’un Casio. On s’ennuie ferme et on adhère que très difficilement à « Are them Selves Simple Thoughts ». Le déroulement y est hésitant, voire divaguant. Très pauvre musicalement. Le growl serait proche du gargarisme. On redouterait à chaque fois le crachat de mollard. Il y aurait toutefois un passage plus immersif dès la douzième minute, incorporant des chœurs. C’est là que l’on pourra enfin ressentir une dimension spirituelle prenante. S’il fallait vraiment retenir un titre du présent album ce serait sans douter «
That Comes Before the Final…Rest » pris dans une torpeur identique au reste, mais rendant un son plus authentique, plus atmosphérique aussi. Le morceau, bien que limité qualitativement, se montre mieux bâti, intensifiant le degré émotionnel et restreignant le growl pour notre plus grande satisfaction. Ses dernières minutes seront marquées par des à-coups qui ont pour effet de renforcer indéniablement la dimension dramatique du morceau.
Comme la majorité des enterrements auxquels nous avons assisté, «
Inanimus » est tout aussi pénible et long à n’en plus pouvoir. Il faudra véritablement se faire violence pour parcourir l’intégralité de l’ouvrage. Affreusement linéaire, peu touchant, ne parvenant aucunement à nous tirer un sanglot ou un soupir. L’absence des anciens membres d’«
Aabsynthum » se fait sentir. Leur poursuite dans le projet aurait sans doute permis d’éviter de produire une musique aussi artificielle que creuse. Nous nous faisons à l’idée que
Groza Gabriel ne peut durablement continuer seul à creuser dans le cimetière d’«
Aabsynthum », sous peine de mourir enseveli et de devenir locataire d’une de ces tombes que personne ne vient fleurir.
08/20
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