La perte d'un musicien peut être, outre le traumatisme causé, une expérience difficile pour l'avenir d'un groupe. De nombreux exemples corroborent cet état de fait (AC/DC,
Slayer,
Metallica) mais souvent la passion (le mercantilisme parfois) pousse les formations à continuer. C'est hélas cette épreuve douloureuse qu'a du subir
Gorephilia.
Depuis sa création en 2007 en Finlande, le groupe a sorti 2 démos, un EP, un split avec Undergang et 2 albums qui ont su, par leur qualité, les classer parmi les formation à suivre dans la nouvelle vague de formations pratiquant un death metal orienté old school. Mais cette belle ascension a failli prendre fin avec la disparition brutale de leur growler Henri Kuula (alias
Nemesis) en 2018. Les fondateurs Jukka Aho (guitare, growl) et Tami Luukkonen (basse) ont décidé de continuer l'aventure malgré tout.
Du coup, quel bilan peut-on dresser de ce nouvel album, comprenant 9 titres pour 42 minutes de musique ? Simplement que le groupe, malgré cette tragédie, n'a pas perdu son talent dans la composition d'un Death
Metal sombre, complexe et savoureux.
Porté par un riffing percutant sur fond de double pédale, "Walls of Weeping
Eyes" a la tâche un poil ardue de débuter cet opus. Mais on est vite rassuré par cet enchaînement de riffs souvent syncopés les breaks, l'accélération puissante à 2mn30 et les leads de guitare ensorcelés. Jukka Aho assure plutôt bien niveau growl avec certes moins de profondeur que Henu mais son timbre gras et articulé sied à la musique présentée.
Il suffit pour s'en convaincre d'enchaîner avec la longue pièce mid-tempo "
Perpetual Procession". D'une durée de 6mn30, elle permet au groupe d'étaler sa puissance, crue et inflexible, et de travailler des ambiances desepérées que ne renierait pas
Incantation.
Cette aisance à créer des ambiances mortifères sur la base d'un riffing lourd et destructuré s'affiche à nouveau sur l'excellente "Devotion Upon the Worm", où Jukka se pare des oripeaux de prédicateur fou et rappelle le grand David Vincent période "
Covenant". Sans minimiser non plus ces leads toujours lancinants et cette rythmique implacable, tout le long des 6mn40 qu'on n'entend pas passer.
Preuve du talent d'écriture susmentionné, la tortueuse "Not For The Weak" qui, sur un tapis de double grosse caisse, déroule une cascade de délicieux riffs mid-tempos s'emboîtant artistement. Un travail d'orfèvre qui bénéficie de la synergie sensible des musiciens. Montant d'un cran en intensité, la dévastatrice "Ouroboran
Labyrinth" démontre aussi que le groupe n'a pas oublié la recette d'un death metal impétueux.
Plus thrashy en apparence et porté par une batterie sous amphétamines, "Simplicity of
Decay" séduit par un riffing direct et son dynamisme propre à briser les nuques. Mais cette décomposition simplifiée se voit interrompue en plein milieu par une basse claquant des accords à réveiller d' anciennes puissances oubliées, celles-ci déboulant alors pour tout ravager au final.
Le rapprochement avec l'Ange Morbide (album
Domination) se fait aussi au détour des deux titres instrumentaux "Consensus" (noisy et angoissante) et "
Dream Death" (mélodique et aérienne). Marquant des temps de respiration agréables sans toutefois être inoubliables, ils entraînent l'auditeur vers la longue piste finale "
Ark of the Undecipherable" (7m15) qui condense tous les qualités précédemment entendues sur l'album. Conclusion idéale pour un album totalement addictif.
Doté d'une belle production crasseuse, offrant de ce fait un bel espace pour chaque instrument, "
In the Eye of Nothing" se pare aussi du très bel artwork de Raul Gonzalez. Les yeux monstrueux envahissant l'espace m'ont rappelé les affreux Langoliers de Stephen
King (bien plus réussis ici que dans l'adaptation télévisuelle de 1995).
Fidèle à leur vision du death metal qui les anime depuis leurs débuts tout en apportant des variations subtiles,
Gorephilia frappe un grand coup avec cet album. Faisant fi du funeste événement qui les aura certainement marqué,, le groupe n'a pas abdiqué pour autant.
Plus immédiat dans son approche que "
Severed Monolith", il se révèle au fil des écoutes tout aussi qualitatif et devrait, je n'en doute point, se retrouver dans les cdthèques de nombreux membres de
Spirit of
Metal d'ici peu.
Merci pour la chro, j'avais pas vu venir un nouvel album de ces finlandais
Encore 1 excellent album de death pour cette miserable annee 2020. Decouvert via 1 classement d une chaine metal US sur YT, je suis conquis par ce mid tempo et la qualité intrenseque des compositions.
Belle chronique en tout cas qui a conforté l analyse vu auparavant.
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