Au tout début des années 90, le
Death Metal est alors en plein essor un peu partout dans le monde. Certaines scènes se démarquent rapidement et deviennent de véritables écoles tandis que d’autres patinent un peu malgré la qualité de leurs participants. C’est le cas de la scène espagnole, qui voit pourtant une pelletée de groupes se bousculer dès 89/90 pour balancer à la face d’ados transis leur vision du metal de la mort. Parmi ces groupes prometteurs, rares sont ceux qui peuvent se targuer d’avoir eu la carrière d’un
Avulsed, pour n’en citer qu’un, et Lugubrious fait parti, au même titre que
Mortal Mutilation,
Human Waste,
Obscure,
Absorbed, Intoxication,
Infestus, Spontaneous Combustion ou
Sacrophobia, de ces groupes quasi tous signés chez
Drowned Productions, à demi oubliés durant près de deux décennies… jusqu’à ce qu’une campagne de compilations, qui touche d’ailleurs toutes les scènes, se mette à exhumer d’entières discographies.
Pour Lugubrious, l’aventure fut des plus éphémères, et dura le temps de deux petites années entre 92 et 93. Sans compter le pauvre rehearsal de 92 enregistré live grâce au micro d’un antique lecteur cassette, c’est surtout la démo de 93 intitulée "
In Nomine Domini Nostri, Jesus Christi" qui retient ici notre attention. C’est le contact avec Dave
Rotten de chez
Drowned Productions, (plus tard Repulse Records, et aujourd’hui Xtreem Music) croisé lors de concerts et dans un local de Madrid où répètent
Avulsed et Intoxication (l’ex
Suffocation espagnol), qui déclenche sa signature.
Portées par une œuvre macabre de Eduardo Naranjo intitulée "La Mano de la Muñeca" (1971), les 21 minutes qui composent cette unique démo balancent un death metal massif des plus mortifères. Cinq morceaux qui défilent en fondu enchaîné et dont le clavier lugubre de l’intro donne le ton en parachutant directement le deathster dans un film d’horreur glauque et bien bisseux. La recette de Lugubrious, c’est un riffing épais, simple et direct, que viennent ambiancer des parties lentes et doomy ensuite dynamitées par des accélérations carnassières. Une alternance identitaire qu’on retrouve sur "Reddening the
Twilight" ou "
Trees of
Cemetery" où un clavier bien funèbre s’occupe de renforcer l’atmosphère putride portée par des guitares lourdes et une basse visqueuse. Le double chant de Fernando Errazquin (futur
Haemorrhage), caverneux, puis supra grave, termine de définir le style du groupe, et deviendra par la suite une marque de fabrique vocale du goregrind. A ce titre là, l’ombre de "Symphonies of
Sickness" n’est jamais loin, même si des morceaux comme "
Catalepsy" et "Versinia Pestis" offrent un riff central efficace et accrocheur à rapprocher du death US façon "Butchered at Birth" ou "Effigy of the
Forgotten". C’est gras, c’est bestial, c’est brutal, et le chant goregrind de Fernando augmente encore l’épaisseur des morceaux.
A l’instar d’un
Mortal Mutilation, Lugubrious prouve qu’avec peu de technique, mais beaucoup d’ambiance, on peut proposer quelque chose d’intègre et de puissamment authentique. Une ambiance prenante et parfaitement imagée, une atmosphère typique spanish de film d’horreur, une créature occulte qui émerge du caveau pour te dévorer. La réédition CD remastérisée de Pathologically Explicit Recordings en
2012 permet de se replonger dans le death metal sépulcral hispanique à travers l’un de ses pionniers dont le manque de motivation de ses musiciens pour le genre entraîna prématurément sa fin.
Seul Fernando, enclin à vouer sa chair au death, poursuit l’aventure chez le naissant
Haemorrhage, autre légende espagnole, au sein duquel il revêt le pseudonyme de Lugubrious en devenant son dégobilleur officiel.
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