Difficile pour les nouveaux entrants de faire entendre leur voix et résonner leurs tambours dans un registre metal symphonique à chant féminin ô combien surinvesti. Aussi, c'est avec prudence mais non sans une féroce détermination que se lance dans l'arène ce jeune quintet espagnol originaire de Motril, en Andalousie. Cofondé en 2016 par la chanteuse Noemi Regil, le claviériste/guitariste
Germán (
Furia Elektrica) et le lead guitariste Esteban Leyva Cortés (
Dark Omen), prestement rejoints par le bassiste Juanjo et l'ex-chanteur de
Mare Imbrum, Rafa Correa, alors reconverti en batteur, le groupe ne sortira son introductif et présent EP «
In Memoriam » qu'un an plus tard. Les 26 minutes de cette auto-production seront-elles de nature à jeter un pavé dans la mare au point de venir inquiéter les
Beyond The Black,
Elvellon,
Walk In Darkness ou
Sleeping Romance, redoutables opposants et valeurs montantes de ce si concurrentiel univers metal ?
Les six pistes d'obédience rock'n'metal symphonique gothique, intégralement chantées en espagnol, s'avèrent à la fois frondeuses, avenantes, parfois enivrantes, un tantinet romantiques. Oeuvre où plane l'ombre de
Stream Of Passion,
Diabulus In Musica,
Against Myself, la troupe apposant toutefois son sceau hispanisant et ses singuliers harmoniques sur chacune des plages de la menue rondelle. Jouissant d'un mixage bien équilibré, l'opus accuse cependant l'une ou l'autre sonorité résiduelle et des finitions encore lacunaires dans leur principe d'émission. Une qualité d'enregistrement perfectible qui se double d'un manque de profondeur de champ acoustique, rendant l'écoute usante sur la durée. Mais entrons plutôt dans la petite goélette en quête de trésors secrètement enfouis...
C'est sur des charbons ardents que nous projette le plus souvent le combo ibérique, où quelques séries d'accords finement élaborées et des plus ragoûtantes essaimées çà et là alternent avec des passages empreints de pâleurs mélodiques et/ou vocales, peu propices à magnétiser le tympan. Ainsi, à la manière d'
Against Myself, l'entraînant « Aléjate » glisse sur des riffs épais adossés à une impulsive rythmique. Si le cheminement d'harmoniques demeure agréable, la linéarité du sillon mélodique et les répétitions de séquences de notes pourraient débouter un pavillon déjà sensibilisé aux vibes de leurs maîtres inspirateurs. Dans cette dynamique, on retiendra tant le fin picking à la guitare acoustique que les soudaines accélérations et la basse vrombissante de l'impulsif « Dido », même si les chatoyantes impulsions de la sirène se font timides et si les enchaînements couplets/refrains s'avèrent taillés dans la roche.
Lorsque la cadence du fiacre se fait plus mesurée, nos acolytes trouvent quelques clés, pas toutes, pour nous rallier à leur cause. D'une part, dans la lignée de
Diabulus In Musica, le tubesque mid tempo « Mujer de Hierro » révèle une ligne mélodique aussi exigeante dans son écriture qu'apte à générer une inconditionnelle adhésion, mais aussi une tenace répétibilité de ses séries d'accords égrainées sur un refrain certes avenant mais des plus prévisibles. D'autre part, dans le sillage de
Stream Of Passion, le mid/up tempo « El Rito » est mis en exergue par les puissantes et claires inflexions de la déesse et recèle d'insoupçonnées montées en régime du corps orchestral. Toutefois, le brûlot se voit desservi par un manque sévère de relief acoustique, en partie comblé par un potentiel technique judicieusement exploité.
Quand la lumière se fait douce, nos acolytes nous réservent leurs mots bleus les plus sensibles, avec, pour effet, de faire émerger la petite larme au coin de l'oeil, celle que l'on feindrait d'ignorer. Aussi, l'aficionado du genre intimiste ne saurait-il éluder «
In Memoriam », ballade progressive et romantique jusqu'au bout des ongles, d'une confondante fluidité mélodique et sans temps morts. Aux faux airs de
Stream Of Passion, décochant un fondant refrain enjolivé par les graciles volutes de la maîtresse de cérémonie, mis en habits de soie par de délicats arpèges au piano, et en dépit de d'harmoniques certes invitants mais convenus, l'instant privilégié s'avère d'une efficacité redoutable, apte à nous retenir un peu malgré nous.
Parfois, le propos se fait plus brumeux, voire insaisissable, au risque de nous désarçonner prématurément. Ce qu'atteste « Principio Piramidal », frondeur up tempo aux riffs crochetés, où rougeoient inlassablement les fûts et claque une basse libertaire. Voguant sur un filet mélodique peu oscillatoire, accusant également un bien pâle refrain et des arrangements instrumentaux à parfaire, le mordant effort ne saurait longtemps faire illusion.
A la lumière de cette grisante mais friable offrande, en proie à une production d'ensemble encore prise dans son jus et concédant quelques bémols mélodiques et/ou oratoires, on comprend qu'il ne s'agit-là que d'un galop d'essai pour le jeune combo espagnol. Pourtant doté d'un réel potentiel technique et parvenant à nous interpeller au regard de l'une ou l'autre série d'accords délivrée, le collectif andalou peine à nous retenir plus que de raison. Manquant quelque peu de variété atmosphérique et vocale, les exercices de style tendant à se répéter, l'émotion n'étant pas toujours au rendez-vous de nos attentes, la menue rondelle en l'état ne peut prétendre à une inconditionnelle adhésion. Cette arme de jet ne semble donc pas suffisamment affûtée pour espérer déloger leurs opposants les plus farouches, tels les groupes sus-cités. C'est dire qu'un sursaut sera nécessaire, sinon salutaire, pour permettre au quintet ibérique de sortir de l'ombre, et plus encore, de perdurer...
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