Déesse de la mort dans le royaume de Koush, Derkéta est aussi l’entité deathdoom de Sharon Bascovski (guitare, basse, growls), fondée fin 1988 à Pittsburgh en Pennsylvanie avec son amie Terri Hegen à la batterie, et connue pour être la première formation deathmetal entièrement féminine. Sans bassiste permanent, le duo enregistre dès 1989 sa première rehearsal-tape, suivie de la démo
The Unholy Ground, qui forge plus précisément le son du groupe jusqu’à aujourd’hui. Durant l’été 1990, le duo est alors contacté pour la sortie d’un EP chez le label nord-américain Seraphic
Decay, auteur durant cette période d’une flopée de réalisations équivalentes d’
Incantation,
Mortician ou
Goreaphobia. Sans nouveau matériel, Sharon et Terri réenregistrent dans les mêmes studios deux morceaux de leur précédente démo, bien que les sessions de
Premature Burial s’avèrent cette fois-ci bien plus stressantes. Tandis que Mary Bielich rejoint le groupe en 1991 au poste de bassiste et que Robin Mazen s’apprête à en faire de même en tant que seconde guitariste, Sharon et Terri se brouillent alors définitivement, entrainant l’arrêt prématuré de la formation en fin d’année.
Si Terri et Mary rejoignent pour un temps Dana Duffey au sein de
Mythic, second groupe deathdoom entièrement féminin et auteur du mémorable EP Mourning in the
Winter Solstice en 1993, Derkéta vivote quant à lui grâce à Sharon Bascovsky, ponctuellement épaulée par le batteur
Jim Sadist de
Nunslaughter. Ces longues années de faible activité sont marquées par quelques petits enregistrements, pour citer notamment les deux morceaux de
Begotten Son en split-EP avec
Nunslaughter en 1999. C’est plus précisément en 2002, lorsque Roy de Necroharmonic Records contacte Sharon pour la sortie de
Goddess of Death, la compilation de tous les vieux enregistrements, que cette dernière décide de renouer avec Terri Hegen, sa condition sine qua none pour retrouver l’alchimie particulière des meilleures années. Certaine et motivée, Sharon s’emploie alors activement à l’écriture de nouveaux morceaux, composant autour de 2002 toute l’ossature de son futur premier album. Si le contact passe de nouveau bien entre les deux amies, il faudra toutefois de nombreuses années avant que Terri rejoigne Derkéta de façon permanente, Sharon ayant déjà récupéré en 2006 ses anciennes collègues Mary Bielich et Robin Mazen, ayant échangé leurs instruments entre temps. Le quatuor de nouveau réuni donne dès lors plusieurs concerts jusqu’à 2011, année où il rentre enfin en studio pour la capture de
In Death We Meet, entièrement pensé par Sharon dix années auparavant !
Inutile ainsi de préciser combien
In Death We Meet est empreint de cette aura de la fin des eighties et du début des nineties, et combien nos interprètes parviennent à retrouver cette saveur deathdoom si proche de leurs premières années, non loin de l’atmosphère glauque d’un
Autopsy à l’époque de
Retribution for the
Dead et
Mental Funeral, la viscosité en moins. A ce titre, la première piste
Goddess of Death est une réussite, dix minutes calées entre saveurs doom funéraires et un deathmetal plus rugueux, s’enchainant sur le titre Obscurities of
Darkness aux rythmes lents et aux riffs tout aussi immersifs. La notion de technicité est ici toute relative, puisque qu’il n’est question ni de démonstration, ni de superposition de riffs, ni de leads éclatantes, mais uniquement d’une osmose en quatre musiciennes, alchimie qui fonctionne parfaitement, Derkéta ayant pris le soin (et ressenti ce besoin) de répéter plusieurs années et d’effectuer plusieurs concerts avant de se lancer sans tricherie en studio. Ainsi, si le cœur de l’album ne renferme pas de surprise particulière, tant l’articulation de chaque morceau reste similaire,
In Death We Meet conserve son intérêt au fil de son avancée jusqu’à son excellent titre éponyme en clôture, grâce à ce fil conducteur solide et cette ambiance doom & death parfaitement entretenue.
A l’image des growls de Sharon Bascovski, sans comparaison avec la puissance des terribles grunts de Corinne Van den Brand au sein du regretté
Acrostichon,
In Death We Meet est un disque qui respire l'authenticité de bout en bout. Attendu de nombreuses années, 24 ans après la formation du groupe exactement, il est ainsi celui que les deathsters espéraient au début des années 90 de la part de Derkéta, à l’heure où tant de formations se tournent par souci de mode vers le deathmetal old school sans en retrouver la saveur. Difficile en revanche de prévoir un futur successeur à ce premier album impeccablement autoproduit, sincère et sans artifice, la mission première de Sharon étant d’ores et déjà remplie, tandis que Terri a de nouveau dû quitter le groupe faute à son calendrier.
Fabien.
Superbe chronique! Perso je n'avais pas trop accroché à l'édition Necroharmonic Goddess of Death, mais là, exactement comme tu le décris si bien, et comme Rheindarst, c'est tout en équilibre et en maturité que cet album tourne très régulièrement dans mes oreilles.
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