Passer sa vie comme un fantôme n’est jamais chose souhaitée lorsque l’on entre dans une existence de lumière, de strass et inévitablement de paillettes. Pourtant, inéluctablement, certains êtres sont forcés et contraints de rester dans l’ombre, de n’être que les hommes sombres face aux artificiers qui, à chaque instant, attirent les projecteurs et inspirent le respect. Ils ne sont pas les axes centraux ni les points vitaux d’un groupe mais leur utilité réside dans une solidité inoxydable qui en font des travailleurs acharnés et finalement indispensables.
Dream Theater est probablement l’un des rares artistes affichant ce curieux paradoxe de présenter son frontman comme ce fameux homme de l’ombre ; indispensable mais pourtant si préjudiciable, ancré depuis des années mais jamais considéré comme naturellement nécessaire. Cet homme livrant un combat de tous les jours avec de nombreux fans, vocaliste depuis plus de vingt ans mais si souvent source de critiques et de railleries. Presque unique membre à ce poste si l’on occulte la courte participation de Charlie
Dominici, il est pourtant le seul musicien qui n’a jamais composé la moindre note, ne propose que très rarement des textes et semble si peu impliqué (ou peu sollicité) dans le travail de création. Il est justement ce point d’ancrage au-devant de la scène qui semble pourtant si facilement échangeable dans l’esprit de nombreux auditeurs.
Dès lors, lorsque James Labrie annonça une carrière solo, peu donnait cher de sa peau. Pourtant, non seulement il surprit son monde avec un intéressant
Elements of Persuasion mais il enfonça littéralement le clou avec un second opus,
Static Impulse, proprement excellent et complètement surprenant pour un homme que l’on imaginait allègrement sans idées ni goût du risque. Certes, on pourra dire que l’artificier en chef de
Darkane, Peter Wildoer, y est pour beaucoup dans l’excellence de
Static Impulse (compositeur des titres, hurleur et batteur à la grande précision) mais le chanteur surprenait dans l’engagement de textes très politisés et surtout dans une mouvance musicale presque death mélodique qui avait de quoi surprendre.
Après un neuvième album de
Dream Theater en très grosse demi-teinte (sa performance n’y étant d’ailleurs pas étrangère), il faut avouer que j’attendais presque plus le troisième album solo du canadien que le dixième du géant du prog, annoncé quelques semaines plus tard.
Sans y aller par quatre chemins,
Impermanent Resonance reprend exactement là où l’album précédent s’était arrêté. On reprend les mêmes et on recommence globalement une formule similaire pour un résultat tout aussi précis, mélodique, technique et accessible, peut-être légèrement moins hargneux (dommage que les blasts d’un "
Jekyll of
Hide" ne soit pas présents). Peter est encore l’unique compositeur, parfaitement secondé par
Marco Sfogli à la guitare et Matt Guillory aux claviers pour un résultat très calibré et parfaitement exécuté.
On sent que, même s’il n’est pas compositeur, James se lâche complètement et tente parfois des vocaux plus libérés, presque pop mais collant parfaitement à une musique moderne, parfois syncopée et grave dans son rendu sonore. Cependant, Labrie a fait le nécessaire pour proposer des refrains très mélodiques qui sont là pour être très facilement mémorisables, même accessibles à des passages radio tant ils sont entêtants. Le chant death de Peter est donc un peu plus rare, comme l’atteste un titre comme "I Got You", ultra mélodique dans ses claviers nuancés, son riff faussement méchant mais surtout ce refrain impossible à se défaire dès la première écoute. On retiendra aussi celui de "Letting Go", tout aussi percutant malgré la présence de Peter sur quelques passages, rendant le titre légèrement plus hargneux.
Mais la recette magique de
Static Impulse retrouve parfois toute sa maestria sur les titres les plus directs, comme "
Agony" qui débute l’album sur les chapeaux de roue. Peter s’énerve rapidement sur sa double pédale, les riffs de Marco sont sombres et saturés tandis que les échanges vocaux entre James et Peter mènent une danse très progressive et épique qui forme une dynamique imparable au titre. Un solo démonstratif mais destructeur sert de point d’orgue à ce premier titre, qui permet à James de poser un pont sur un fond de clavier planant avant de repartir sur ce refrain couplé sur lequel se dédouble un lead mélodique franchement lumineux. Un flot d’énergie et de bonnes idées, parfois simples, mais qui font foncièrement mouche dès la première écoute. James Labrie se veut parfois beaucoup plus progressif, notamment sur "Slight of
Hand" où les claviers spatiaux reprennent une place centrale, dans un tempo plus lent et une construction globalement plus tortueuse et aventureuse, puisant dans les différents registres vocaux une grande force. James, mélodique, s’envole très haut tandis que Peter permet d’ajouter la note d’agressivité et de noirceur créant cette délicieuse dualité. Dualité explosant littéralement sur "
I Will Not Break" par exemple, démontrant bien que le chanteur n’est pas le plus apte à s’énerver, même quand il le désire. Le tempo s’accélère relativement, le riff est taillé au hachoir, la double pédale démange Wildoer qui chante en superposition de James pour renforcer la puissance du titre, qui clôture habilement ce troisième album autrement que par une ballade (terminer sur un morceau puissant est le meilleur moyen de vouloir y retourner immédiatement).
On regrettera certaines fautes de goût, comme la ballade acoustique franchement à oublier "Say You're Still Mine" ou encore des "
Lost in the
Fire" ou "Amnesia" tenant un rôle de remplissage loin d’être indispensable.
Cependant, avec "
Impermanent Resonance" (une nouvelle fois superbement illustré par son artwork, il faut le préciser), James Labrie démontre qu’il n’est pas la simple potiche que tant de fans de prog lui collent sur le dos (voir discrédite
Dream Theater sous son unique compte). Grâce au duo qu’il forme avec Peter Wildoer, il livre un album qui, sans être inoubliable, dévoile une autre facette du chanteur et casse l’immobilisme qu’on pourrait lui attribuer de l’extérieur. Cette troisième galette comporte quelques perles qui, malheureusement, ne verront probablement jamais la lueur des planches mais qui mériteraient de fouler certaines scènes pour botter quelques culs. Espérons qu’il en sera encore ainsi dans les prochains épisodes…
Merci pour la chro' !
Conclusion: je la sentais depuis le début que ça allait être un bon album!
Personnellement, autant chez les pontes du style, ça passe trés bien. Autant, je trouve que chez pas mal de combos comme ici, ça fait vraiment pas naturel et opportuniste qui veut sonner moderne... En retrouver partout dans la scène metal a tendance à me donner la nausée.
ou alors, c'est que je deviens un vieux con, c'est tout...
D'accord sinon pour le propos par rapport à James LaBrie, qui demeure un grand musicien et belle voix malgré ses quelques loupés assez cuisants en concert (trouvable facilement sur toitube...).
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