J’avoue, j’ai pris la chose avec énormément de légèreté. Après avoir dressé très rapidement (trop peut-être) une oreille à un morceau issu de leur EP de 2013 et après avoir vu l’horrible et décapante pochette offerte pour leur premier album, je m’attendais à bien rire avec «
Sacral Rage ». Cependant, à l’écoute de cet album intitulé «
Illusions in Infinite Void » sortant chez Cruz Del Sur, le rire s’est tu d’un seul coup. La formation grecque revisite le heavy metal des années 80, mais de manière beaucoup plus originale que les innombrables autres groupes du genre qui pullulent actuellement. Leur musique a beau exploiter les clichées de l’époque, elle n’en reste pas moins infiniment plus technique, ouvragée et sombre dans ce paysage revival, que l’on jurerait parfois trop monotone à force d’entendre singer «
Judas Priest » ou « Iron Maiden ». Chez «
Sacral Rage » les références ne s’arrêtent pas au Royaume-Uni. On s’en rendra vite compte en mettant sous lecture l’ouvrage dont il est sujet. Après la moquerie vient le frisson.
Il faudra se monter patient, le petit sourire arboré à la vue de la pochette ne s’effacera pas encore au premier abord, pas du moins lors de l’introduction, où on nous initie à quelques sonorités pseudo-futuristes comme on en faisait aux synthétiseurs il y a près de 30 ans. L’aspect cybernétique se revêt d’une atmosphère sombre assez prenante malgré tout, vient le piano, quelques notes fulminantes de guitare électriques, et nous attendons patiemment la suite. Ce qui va surgir avec « En Cima del Mal » va alors nous bluffer. Les riffs sont alambiqués et tergiversent en quasi-permanence. Le jeu est à la fois nourri, technique, mais très instable et déstabilisant. On sent dès lors un gros potentiel technique à travers cette petite formation, qui divulgue ses attaches au heavy des années 80, mais pas seulement. Le clip diffusé pour leur précédent EP avait révélé sur le tee shirt d’un des guitaristes, un nom pour beaucoup inconnu, mais une grosse référence pour les aficionados. Peu ont sans doute entendu parler du metal technique et évolutif du groupe américain «
Watchtower », semble-t-il.
Et à bien comparer «
Sacral Rage », on croirait se fondre dans le style de cette mythique formation. A ceci près, que les grecs interfèrent aussi avec un heavy metal à la manière de «
Mercyful Fate ». Le chant de Dimitris se confond entre celui de
Geoff Tate, les cris aigües typique des années 80, un peu façon John Cyrils, et même
King Diamond, dont il imite sa voix fantomatique en fin du titre « En Cima del Mal » et dans d’autres encore. Celui-là est l’un des morceaux les plus éloquents et démonstratifs de l’album, aux côtés du stressant et hargneux « A Tyrannous Revolt », dont les débuts feraient songer à l’ère des premiers albums du canadien «
Annihilator ». Mais très vite, cela va partir dans tous les sens, sous le diktat de riffs et d’une batterie destructeurs, ponctué par un chant alors très similaire à celui de
Geoff Tate à l’époque de la toute première pièce de « Queensryche ». L’atmosphère quelque peu morbide nous ajoute des sueurs froides supplémentaires. On est très surpris par un titre comme «
Lost Chapter E. : Amarna ‘s
Reign » qui nous laisse une longue plage de vide en plein milieu de piste après avoir entendu une musique intense et fuyante. Cet espace trouvera sa conclusion après 10 :30, où on percevra une réaction, des frémissements, puis des cris monstrueux.
L’entame de «
Panic in the Urals « avait aussi de quoi nous glacer le sens, mais s’en suivra un heavy speed déterminé aux riffs fermes et martelés. Un peu moins trouble que certains morceaux paraissant plus audacieux, même si un redoutable solo est mis à profit.
Plus encré dans le heavy metal US, «
Lost Chapter E. : Sutratma » nous ferait presque croire à un «
Symphony X » à l’ancienne dans ses parties guitare. C’est une véritable giboulée de notes qui va ensuite surgir. Le rythme assuré est assez décoiffant. Quant à la technique du groupe, il se montre imparable, digne de grandes formations. C’est aussi une avalanche qui va nous accueillir et nous emporter sur « Waltz in Madness », quoique plus thrashisant, usant cette fois d’un rythme saccadé. Cette recette va être réutilisée sur «
Inner Sanctum Asylum ». Cependant, cela ressortira moins pertinent que cela aurait pu sembler. Un peu rude et répétitif. On se réjouira en fait davantage de la seconde partie de piste, torturée, avec un superbe développement guitaristique à la clef. Du coup, on aurait pu s’attendre à mieux de la part du guitariste Marios sur le morceau instrumental « Into
Mental East », à l’inspiration plus moderne, mais sans réelle révélation assortie.
Comme quoi, il faut d’abord bien tendre l’oreille avant de tirer ses premières conclusions. «
Sacral Rage » n’est certainement pas un combo comme les autres. Ses influences ne sont pas à la portée ou à la pensée du premier venu. On fera vite l’impasse sur les pochettes affreuses, mais également sur ce goût pour l’authenticité du heavy metal années 80 affiché, qui nous ferait pressentir une pelletée de clichés. Cruz Del Sur a vraiment le don pour nous dénicher des pépites, des groupes très à part, qui ont en supplément un formidable bagage technique. Personne n’aurait imaginé qu’on ferait une combinaison aussi ardue que sur cet album, mettant côte à côte des sources comme «
Mercyful Fate » et «
Watchtower ». Les grecs de «
Sacral Rage » l’ont fait. L’horreur mêlée à des contours progressifs et techniques. Une œuvre de fiction.
15/20
Après achat et nombreuses écoutes, il est devenu assez clair que, dans ce maëlstrom de notes, l'influence du techno-thrash façon Toxik apparaît beaucoup plus présente que les contours heavy, pourtant bien présents. On navigue en effet entre Realm, à de furtives moments le techno-thrash allemand (genre provenant de chez Aaarrg Records), et WAtchtower en moins étouffe-chrétien cependant. La musique de Sacral Rage, sur cet album du moins (je ne connais pour le moment pas le suivant) respire les contretemps, breaks inattendus et passages touffus. Tout en alternant passages mélodiques, chant haut perché et riffs tournoyants, les Grecs nous font le coup de l'album d'une autre époque revisité pour rester intéressant et varié.
Le chanteur, point d'orgue du groupe (on aime ou on déteste) prend tantôt des faux airs de Doug Lee, du Roi Diamant ou de Charles Sabin, ou Mark Antoni mixant au gré des passages ses vocalises qui renvoient également vers les groupes précités.
Peu de Voïvod en revanche musicalement, malgré l'attachement SF, à mon humble avis. Tout au plus sentira t-on dans quelques passges un côté mosh dans les rythmiques ("Waltz Madness" flagrant sur le riff d'intro) qui évoque les groupes US à la Gothic Slam.
Cependant, on ne catonnera pas Sacral Rage à une somme d'influences, car musicalement c'est non seulement d'un niveau élevé, mais l'accumulation d'écoutes tend à personnifier l'album au delà de ça.
Très bon album, et grosse découverte qu'il me tarde de découvrir live prochainement au PWOA.
Après le Revival Thrash Metal place au revival Techno-Thrash Metal avec Sacral Rage.En effet avec leur album "Illusions In Infinite Void' ce groupe grec nous ramène à cette période bénie de la fin des années 80 en exécutant un excellent Techno-Thrash Metal sur lequel, comme l'a écrit Jérôme "Le Moustre" dans son commentaire ci-dessus, on retrouve l'influence de formations telles que Toxik et Watchtower (la voix chanteur est assez proche de celle d'Alan Tecchio le vocaliste d'Hades et Watchtower).Bref si "Illusions In Infinite Void' était sorti en 1989 nul doute qu'Hervé "SK" Guégano (journaliste qui s'occupait des interviews et des chroniques des groupes dits "extrêmes" au sein du magazine Hard Force et dont, même si ce n'est pas la cas de tout le monde, j'appréciais le travail) l'aurait encensé.Sinon si vous cherchez un disque dans la lignée du fantastique "Control And Resistance" (1989) de Watchtower procurez vous le superbe "Life Cycle" (1988), premier album du groupe allemand Sieges Even sorti quelques mois avant (ce qui est surprenant) "Control And Resistance".
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