Lorsque j’ai écouté la musique de Trolldom pour la première fois il y a de cela quelques mois, je me suis demandé si je n’étais pas passé complètement à côté d’un très bon groupe suédois des années 90 qui aurait peut-être sorti quelques démos ou un album avant de sombrer petit-à-petit dans l’oubli : en effet, tout, du patronyme au logo en passant par l’illustration de la pochette et, bien évidemment, la musique, renvoie à cette période bénie du black metal.
Pourtant, le one man band emmené par Swartadauþuz, hyperactif de la scène black suédoise officiant dans une bonne dizaine de groupes dont le reconnu Bekëth Nexëhmü, a émergé de l’ombre depuis peu, puisque sa première et unique démo,
Av Gudablod Röd... ne date que de 2016.
Mieux vaut tard que jamais comme dirait l’autre, et le musicien semble connaître l’adage puisqu’il décide de sortir coup sur coup deux albums sur Iron Bonehead Productions, dont le I Nattens Sken (Genom Hemligheternas Dunkel) qui nous intéresse ici. Si Av Gudars Ätt officie dans un black atmosphérique aux longues compos progressives, l’opus dont il est question aujourd’hui propose huit titres d’un black metal mordant, glacial et impitoyable dont les claviers ne font que renforcer la froideur et le côté inhumain avec leurs boucles lointaines et algides, se situant quelque part entre
Emperor et
Darkspace. L’ensemble est très rapide, emmené par une pluie de blasts serrés et cruels, un riffing tranchant qui fouaille les chairs et un chant hurlé très classique mais parfait pour le style, vibrant de haine et de dégoût. Légèrement symphonique mais sans aucune emphase ni effet de surenchère, la musique du Suédois reste très intense et brutale, notamment via ce pilonnage intensif, et les claviers, bien présents mais utilisés de façon plutôt discrète, viennent envelopper ces huit compos dans une chape glaciale qui fait encore chuter la température de quelques degrés, un peu à la manière du black cosmique d’un
Darkspace (les boucles spatiales de Nattens Furste qui surnagent dans cet immense trou noir vide et désolé, les notes inquiétantes ainsi que les effets technoïdes qui parsèment le long Inom Nattens Eviga Rit).
L’ambiance est donc très présente, d’ailleurs, Swartadauþuz ralentit parfois le tempo et en deuxième partie d’album, des passages plus calmes viennent souvent prendre le relais des blasts furieux et nous laisser un peu respirer au milieu de cette furieuse bourrasque de décibels (un Inom Nattens Eviga Rit plus aéré reposant assez largement sur du mid tempo, Vid Hans Tron Mörkret Vilar, presque solennel, dont les notes cosmiques viennent se perdre dans l’espace, propulsées par une double pédale roulante, le superbe Till Ruinens Svarta Rike de fin aux mélodies envoûtantes).
Malgré son manque d’originalité, I Nattens Sken (Genom Hemligheternas Dunkel) est donc un excellent album de black entre atmos et sympho très froid et violent qui plaira sans aucun doute aux amateurs de groupes comme
Darkspace,
Apostasia,
Emperor voire
Mysticum. Si vous cherchez des symphonies complexes et des cascades de clavier grandiloquentes, cet album n’est pas fait pour vous, mais ceux qui n’ont pas peur de se perdre dans un océan de noirceur et d’errer seuls dans des paysages dévastés peuvent s’immerger les yeux fermés dans ces 50 minutes de chaos sonore. Bon voyage dans les abysses…
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