A force de réalisations soignées et de représentations de haute volée, "
Nightcreepers" est en train de se bâtir une véritable réputation. Le dérivé français du célèbre germain "
Equilibrium" prend assurément de l'envergure. Nous pouvons donc nous étonner de ne pas voir ce groupe tomber sous les griffes d'un label, au lieu de quoi les parisiens continuent à tout gérer eux-mêmes, y compris la production de leurs albums. Ce n'est pas une phase que la formation réussit le mieux au cours de l'élaboration d'un disque. Quoiqu'on l'on pouvait discerner un effort assez prodigieux sur le second opus, le dénommé "
Alpha". "
Hreidd", leur nouvel effort ne semble pas épargné par ce léger défaut, mais pas non plus par les qualités offertes sur l'opus qui l'a précédé. Tout ce qui est lié à la production est à redouter, mais les airs se montreront riches, parfois mêmes audacieux. Nous voilà pris dans un traquenard. Nous serons amenés aux mêmes sensations éprouvées lors de l'écoute d'"
Alpha". Néanmoins, le parcours est semé d'embûches et demandera une certaine endurance pour qui souhaite l'emprunter.
Comme une vraie mise en bouche, l'introduction délivre une reproduction imagée de ce dangereux parcours. On découvre une vague cuivrée dévastatrice toute épique et palpitante, toujours dans la volonté d'égaler les bandes-son hollywoodiennes des plus grands films de Heroic -Fantasy, et concurrençant les symphonies prussiennes les plus guerrières. Wagner n'a qu'à bien se tenir. Seulement, un petit souci de pressage sur les premières parutions livrées révèle un "Guildsmark" quelque peu écourté. On a l'impression d'une interruption subite, sans réelle transition avec le titre suivant beaucoup moins implacable dans sa tonalité. Ce qui laisse un goût amer chez l'auditeur, qui songe alors à un quelconque amateurisme et hésite encore à prendre pied dans cette histoire rapportée par "
Nightcreepers". "
Death to the
Hypocrite" offre une suite très contrastée à l'introduction, donc. Par sa frénésie, son atmosphère chaleureuse, ses flux mélodiques, il puise allégrement dans "
Equilibrium", mais dans "
Finntroll" aussi à juger quelques airs d'accordéon correspondants. Le titre est énergique, alléchant, mais l'extrait parait sous-mixé, nivelé, ne mettant pas suffisamment en relief l'ensemble.
L'alchimie semble opérer, bien que l'on soupçonne parfois des écarts au niveau de la production, sur "
Aeon's Race". Le morceau noue derechef avec les flonflons finntrolliens, du moins plus sérieusement pour l'entame, car un renversement épique se produit, et c'est alors l'"
Alestorm" des débuts qui se manifeste. Le rythme est haletant, l'auditeur peut sentir son cœur accélérer. Nous prenons tout juste acte de ce détournement inédit, quand tout à coup le ciel s'assombrit et c'est alors la lourdeur d'un death technique qui entre en jeu. Il est clair de "
Nightcreepers" a cherché en priorité à s'affranchir des "
Ensiferum" et autre "
Equilibrium" en multipliant les influences, mais aussi en s'essayant de manière plus affirmée dans d'autres styles. Le death metal est particulièrement mis à l'honneur dans cet ouvrage. Il trouve son point d'orgue sur "Volcae", bien qu'amener par une douce entame tout ce qu'il y a de plus candide. La force froide et indomptable du death metal bat mesure à côté des mélodies pseudo-celtiques des claviers, fluides et accueillantes. Le contraste qui en résulte est frappant.
La bande de Vincent Moretto mélange pêle-mêle influences à «
Equilibrium », à «
Finntroll », tout en s’éprenant pour un death metal, tout ce qu’il y a de plus mélodique, sur le titre « The
Hreidd’s
Path » qui est un énorme fourre-tout, incluant même ambiances jazzy et death technique à de moindres proportions. Le titre est interloquant plus qu’il ne peut paraître délectable. Il y a de quoi être quelque peu déconcerté, voire déconnecté, bien qu’il faille louer à «
Nightcreepers » sa grande technicité. L’exercice se montre plus convaincant avec un «
True Lads Have
Fallen » tout aussi riche, mais accentuant la part liée à «
Finntroll » et «
Alestorm », assurant aussi un effet de bonhomie. Il n’est cependant en rien surprenant à côté d’ « One
Path Masquerade » qui incorpore une superbe entame asiatique, une rythmique très élancée, avec un soupçon de death là encore, et qui se révèle particulièrement tranchant.
Une brise orientale bat également sur l’un des morceaux bonus, à savoir « Vanghor the
Bastard », qui est une belle ballade folklorique avec guitares acoustiques et accordéon. Ce lien opéré entre occident et orient sur ce présent extrait aurait pour effet de rappeler la musique traditionnelle de certains pays appartenant à l’ex-URSS. Des ballades, il n’en manque pas sur le dit volume, du moins pas des instrumentales. C’est même un florilège, on en compte cinq sur le volume avec « Falsehood
Veil », « Back to the Lair », «
Oath of the
Wild », « Seeds of Truth » (assez similaire à « Back to the Lair) ou encore « Trails of Our
Fate » qui reprend l’air principal du titre «
Death to the
Hypocrite ». Très souvent de simples interludes qui permettent de mieux enchaîner les pistes qui viennent juste à leur suite.
«
Nightcreepers » amorce quelque chose… Je dis bien quelque chose, car il y a de quoi se poser des questions quant à ce qui nous sort cette fois en cette année 2014. On a pu leur faire le reproche qu’ils étaient trop proche d’«
Equilibrium », qu’ils n’avaient pas vraiment acquis de personnalité. Là, ils prennent tout le monde de court et le résultat est quelque peu inidentifiable. Le groupe multiplie les influences presque à foison, met du death metal par louchées sur des passages précis et cloisonnés, voire même de la musique asiatique traditionnelle. Ce qu’ils ont fait avec «
Hreidd » pourrait bien se traduire sur une marque de fabrique bien à eux. Mais pour l’instant les travaux ont un arrière-goût d’inachevé, de prototype. L’impression ressentie va légèrement en deçà de celle d’«
Alpha ». L’auditeur s’extasiera malgré tout de l’incroyable richesse du volume, et aura le fort sentiment d’être en pleine exploration. «
Nightcreepers » opère donc une mutation, qui le met un tant soit peu en difficulté. Bien que satisfaisant «
Hreidd » donne une image imprécise et parfois confuse du combo francilien. Mais comme disait Charles Darwin : « Ce n’est pas la plus forte ni la plus intelligente des espèces qui survivra, mais celle qui sera la plus apte à changer ». «
Nightcreepers » fait sien la théorie de l’évolution des espèces.
14/20
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