Liste des groupes Black Mélodique Moonlight Sorcery Horned Lord of the Thorned Castle

Bon, soyons clair tout de suite, je suis loin d’être un immense féru de black metal, j’ai donc pas mal hésité avant de me lancer dans la rédaction de cette chronique. Même si certains groupes trouvent grâce à mes oreilles avec des albums que je considère parmi les plus aboutis que j’ai pu écouter, je n’estime pas avoir la légitimité ou le recul nécessaire pour chroniquer de manière précise et détaillée une œuvre qui s’inscrit dans ce genre musical. Et pourtant…

Il s’avère que vous lisez probablement ces quelques lignes depuis votre téléphone ou votre ordinateur, en vous demandant sûrement pourquoi l’énergumène que je suis vous turlupine aujourd’hui. Eh bien, en fait, la raison est assez simple : un peu comme un enfant qui découvre la neige pour la première fois, j’ai été complètement émerveillé ! Malgré mon attirance pour des genres moins contemplatifs, j’ai été subjugué par cet album, et c’est en cela que réside la beauté de la musique ! Elle est universelle, et peu importe les étiquettes ou l’opinion populaire, chaque œuvre a le pouvoir de nous marquer d’une manière singulière ! Je viens donc essayer de partager avec vous mon ressenti et mon enthousiasme après que cet album m’ait retourné le cerveau suffisamment de fois pour me faire oublier qu’à la base c’était pas mon truc de sacrifier des chèvres.

Si vous ne connaissez pas Moonlight Sorcery, il s’agit d’un trio finlandais, composé du guitariste et claviériste Loitsumestari Taikakallo, du chanteur Ruttomieili et du guitariste rythmique Haaska. Formé en 2018, le groupe sort deux EP en 2022 dont les critiques élogieuses conduisent finalement à la sortie de « Horned Lord of the Thorned Castle » : premier album du groupe, qui s’inscrit dans la continuité des essais précédents. La formation officie donc dans un black mélodique porté par des éléments symphoniques qui rendent les productions plus galvanisantes et leur donnent un aspect épique. Pour faire simple, c’est un peu comme si Emperor et Children Of Bodom avaient eut un enfant ensemble. La formule fonctionna tellement bien qu’ils furent signés moins d’une semaine après la sortie de leurs premier EP, « Piercing Through the Frozen Eternity », chez Avantgarde Music, un label connu pour avoir édité Katatonia, Ulver ou encore Dødheimsgard. Plutôt prometteur donc, d’autant plus que les musiciens ont déclaré en interview vouloir se rapprocher de sonorités old-school au détriment d’une production ultra moderne qui ne correspondrait pas à la vision du groupe. On a donc à faire à de vrais passionnés, et le moins qu’on puisse dire c’est que ça se ressent dans leur musique !

On commence donc la lecture de l’album avec « To Withhold the Day », et, a priori, c’est exactement ce que l’on pourrait attendre d’un groupe de cet acabit. Au programme : tremolo picking, voix criarde, ainsi que les incontournables blast beats martelés par Tommi Tuhkala, du groupe de death finlandais Arctora qui est présent en qualité de guest sur l’entièreté de l’opus. Le groupe coche d’entrée de jeu toutes les cases inhérentes au black metal des années 90, que ses membres apprécient tant. Mais c’est au bout de quelques secondes d’écoute que l’on découvre réellement la patte si particulière de Moonlight Sorcery ; on se laisse alors facilement happer par l’arrivée de ses mélodies à la fois lumineuses et glaciales, le tout saupoudré de nappes de synthé soutenant le caractère hivernal de la composition. Les riffs sont agressifs et les solos débordants d’éclat et de virtuosité, on en vient même à se demander sur certains passages si ce n’est pas plutôt DragonForce qui aurait revêtu un corpse paint pour faire la blague.

On a vraiment l’impression de se retrouver coincé au sein d’un blizzard dans un univers de dark fantasy. Cette sensation est renforcée par les morceaux suivants (« In Coldest Embrace », « The Secret of Streaming Blood », « Vihan Verhon Takaa »...), ici, même formule que le titre précédent, mais cette fois-ci, on n'y va pas avec le dos de la cuillère en ce qui concerne les solos, quitte à les agrémenter par quelques élans de power metal ! Les musiciens font preuve d’une grande habileté et d’un talent indéniable au sein des compositions, alternant riffs frénétiques avec des passages mélodieux et rayonnants. Niveau influences, ça ratisse large, et on ressent bien que la formation ne s’est pas simplement contentée de faire un trivial mélange de leurs sources d'inspiration. Le projet respire l’authenticité à l’image des membres du groupe, qui ont réussi à insuffler une vraie âme à leur musique.

On peut aussi saluer la qualité d’un « Yönsilmä », qui coupe un peu de cette froide agressivité omniprésente jusqu’ici, avec une douce introduction portée par une mélodie simple et touchante. À l’écoute de ce morceau, on se sent comme transporté par cette cavalcade de notes, laissant derrière elle une traînée de poussière étoilée. Ce titre  qui est mon préféré de l’album, nous emmène en voyage dans un périple magique sans pour autant dénoter des autres pistes. On y retrouve tous les ingrédients déjà présents dans l’album et, comme pour le reste des compositions, les mélodies s’enchaînent avec une fluidité remarquable, comme s'il s’agissait d’une évidence et que les compos ne purent être destinées à sonner autrement. « The Moonlit Dance of the Twisted Jester’s Blood Soaked Rituals » est lui aussi remarquable car il s’agit-là de la seule piste exclusivement instrumentale de l’album. On y retrouve un côté très dansant et paradoxalement assez malsain ; encore une fois, le groupe démontre sa virtuosité et sa capacité à innover. Ce serait d’ailleurs une erreur de penser qu’ils ne savent faire que dans l’exubérance de note, car, en effet, la deuxième partie de l’album se veut plus ambiante et moins démonstrative. Le groupe prend dès lors à contre-pied l’auditeur avec « Into the Silvery Shadows of Night » en instaurant un rythme beaucoup plus lent et contemplatif.

Moonlight Sorcery arrive ici, au travers de ses neuf compositions, à réaliser un véritable tour de force. En soi, rien n’est fondamentalement révolutionnaire, mais les riffs frénétiques soutenus par ce mélange harmonieux entre les claviers et les solos néo-classiques restent en tête et rendent l’album diablement enivrant. Tous les titres sont efficaces et offrent une porte d’entrée relativement accessible à quiconque se sentirait néophyte du black metal. Cela dit, les mélodies à outrance et cette envie de vouloir en mettre plein la vue peuvent déranger. Certainement que le groupe aurait gagné à simplifier certains passages, donnant parfois l’impression d’en faire trop… Malgré tout, cela ne change en rien la grande qualité de ce « Horned Lord of the Thorned Castle ».

En bref, cet album est une véritable petite pépite qui se bonifiera avec le temps ! Sa noirceur hivernale et ses mélodies scintillantes en font un véritable shot d’énergie qui ne demande qu’à être écouté en boucle. Chaque morceau véhicule des émotions fortes et s’enchaîne parfaitement avec le suivant, formant ainsi un tout homogène. Définitivement l’une des meilleures sorties de l’année en ce qui me concerne. Hâte de voir l’évolution et le succès que le groupe rencontrera, car, même si ses membres n’ont pour le moment pas prévu de performance live, ce premier album semble leur promettre une carrière très excitante !