Le temps s’arrête et les visages se figent. Le temps du recueillement et de l’hommage unit dans un moment hanté par le silence les familles, les amis, les proches et les frères d’armes. La communion invisible de gens d’horizons différents renforce la solennité de la cérémonie, vibrant hommage rendu à celles et ceux qui n’ont pas failli à leur devoir et auront finalement rencontré leur destin. Un glas funèbre, court et profond, aussi beau s’il peut l’être que les affres de la guerre sont infiniment horribles.
Dans la catégorie des groupes montant au front et abordant le thème sanglant des conflits militaires,
Tank investit le théâtre des opérations armé jusqu’aux dents avec ce quatrième album « Honour and
Blood », enregistré aux Sounds Suite Studios de Londres à l’automne 1984.
Algy Ward reste le dernier membre fondateur au sein de son bataillon, désormais déserté par les frères Brabbs, Mark et Peter. On retrouve donc Graeme Crallan derrière les fûts et Cliff « the
Riff » Evans au soutien de l’autre guitariste Mick
Tucker déjà présent sur «
This Means War ».
Les compositions sont quasiment toutes signées pas la paire Ward-
Tucker à l’exception bien entendu de l’inattendue reprise d’Aretha Franklin, « Chains of
Fools ». Le groove tout en déhanché de la Queen of Soul subit un lifting appliqué avec une bonne couche de testostérones. Le rythme se trouve figé au botox d’un riff rasoir hypnotique et d’une cadence de basse fermement administrée par Algy Ward, bien en voix sur un refrain revisité. Les guitares, notamment sur le solo, deviennent plus aériennes ainsi que sur les deux autres titres plus intimistes de cette galette. « Wasting my
Life away » n’en reste pas moins tractée par la lourdeur de sa section rythmique et le chant clair d’amoureux déçu dégage émotion puis frustration derrière des instruments passant moins en force. Enfin, les claviers épars sur l’introduction de « Too Tired to wait for Love » accentuent un peu plus le saisissant contraste du gros riff bien gras et du jeu solide de Crallan avec la légèreté du refrain.
Mais l’essentiel ne se situe pas dans ces trois morceaux.
La sauvagerie dévastatrice de
Tank se nourrit au son du canon, décuplant une inspiration fertile en textes empreints des stigmates des champs de bataille et honorant la mémoire des héros.
Le groupe attaque plein fer avec « The
War drags ever on » up tempo orchestré à la sauce
Tank typique. Les huit minutes sont jalonnées d’une pointe de chant nasillard et de deux ponts et soli subissant le pilonnage incessant du feu des décibels envoyés par
Tucker et le maître es-riffing, Cliff Evans. L’épopée chenillée se poursuit avec « When all
Hell freezes over », mid tempo lancinant au groove épais d’où s’arrache un refrain glaçant d’outre-tombe, porté par des chœurs qui feraient honneur au premier escadron de parachutistes venu.
Un combat se gagne bien souvent lorsque les pièces d’artillerie lourde ont copieusement affaibli les lignes ennemies sous un tapis d’obus destructeurs. A ce titre, le groupe peut attaquer les positions rebelles en profitant du précieux travail de préparation des deux perles de cet album. Honneur et premier sang au title-track, nerveux et saccadé comme le riffing malsain d’Evans et massif comme la basse d’un Algy conquérant et revanchard. Ne pouvant savoir si l’excitation de se frotter à cette fameuse première ligne se teinte d’une part de jouissance inconsciente, «
Kill » se drape dans l’héritage du riffing de
Fast Eddie Clarke. Simple, direct, efficace, le diesel se lance et explose sur un refrain déchiré par des «
Kill » vengeurs et guerriers. Les magnifiques soli et les montées d’arpège ponctuent ces charges sabre au clair et l’impérieuse envie d’en découdre.
L’orgie aurait pu durer un titre de plus tant
Tank maîtrise l’art de la Guerre. Cet album s’inscrit une fois de plus au Panthéon des œuvres portant haut les couleurs des groupes de la NWOBHM ayant laissé leur trace au milieu de carrières en ruine.
Tank parachève une renommée naissante avec ce fleuron du heavy metal britannique, tout en hargne et en mélodie. Les sentiers de la gloire resteront pourtant semés d’embuches diverses refusant ainsi, comme souvent, aux travailleurs de l’ombre leur part de fortune au profit de breloques et considérations bien insignifiantes par rapport aux sacrifices consentis.
Une voix forte s’élève : « Aux morts ! ». Le clairon entonne alors son air funeste. L’émotion devient palpable, se trahissant par une montée de larmes contenue ou avouée comme un témoignage impuissant face à l’incompréhension. La tragédie vécue quelques jours plus tôt se rappelle aux souvenirs de 150 gaillards incorporés depuis moins de trois semaines. Et les questions sans réponse se rappellent à chacun. Pourquoi mettre fin à ses jours lorsque l’on a 18 ans ? Tout cela en valait-il la peine ? Douze mois de sa vie, cela reste court et long à la fois, mais ne justifiera jamais une issue aussi fatale. Les secondes s’écoulent et forment une chape de plomb sur des épaules luttant pour ne pas s’affaisser sous la douleur. Au bout d’une minute qui frôle l’infini, le clairon échappe dans un souffle une dernière mesure.
Le temps reprend son cours.
Didier – février 2015
Contingent 87-07, Tulle (Corrèze)
12-91 Marine Nationale, Hourtin/Toulon (Frégate Cassard)
Tank c'est toute ma jeunesse !
Effectivement, j'avais découvert le groupe en 1983 avec le déjà très bon " This Means War " et en cette année 1984 Tank enfonçait le clou avec "Honour & Blood" Heavy et inspiré à souhait !
Un album que tout fan de NWOBH se doit d'avoir !
Pas de contingent pour moi, antimilitariste de père en fils et fier d'avoir échappé à cette expérience, comme Papa ! "J'irai pas en Allemagne faire le con pendant douze mois,dans une caserne infâme, avec des plus cons qu'moi... J'aime pas recevoir des ordres, j'aimes pas me lever tôt, j'aime pas étrangler l'borgne plus souvent qu'il ne faut..."
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