Numenorean n’est pas encore un groupe très reconnu sur la scène black metal internationale. Fondé en 2011 à peine, le combo n’a pour l’instant qu’une démo éponyme à son actif, sortie de manière plutôt confidentielle sous
Filth Regime Records. Ceci dit, 2016 pourrait bien être l’année de la consécration pour les Canadiens, car c’est désormais Season of
Mist, qui décidément a le nez creux, qui sort leur premier album,
Home, un excellent condensé de 44 minutes de ce qui se fait de mieux en matière de post black metal.
Coupons court à la question légitime que peuvent se poser certains lecteurs à la lecture de la fiche du groupe ici chroniqué : non,
Numenorean n’a strictement rien d’avantgardiste, car au niveau de la musique, le combo des frères Byron et Brandon Lemley, respectivement guitariste et chanteur de la formation, n’a absolument rien d’original, bien au contraire.
Home n’est ni plus ni moins qu’un condensé de ce qui se fait de mieux depuis dix ans sur cette scène post black très en vogue, et le son des Canadiens est largement inspiré par des combos comme Lantlos,
Ghost Bath,
Amesoeurs,
Fen, ou
Deafheaven.
L’album commence avec le titre éponyme, qui s’ouvre sur des pleurs et des cris de souffrance lointains perdus dans la langueur d’un arpège qui nous berce doucement. Puis c’est le mur de guitare habituel typique du genre qui nous happe dans sa distorsion sifflante et mélodique et cette voix très écorchée et à fleur de peau, hurlant son dégoût avec une intensité peu commune, qui nous fait vibrer le cœur, le tympan et l’âme, pénétrant chaque fibre de notre être de sa stridence désespérée. Malgré les blasts et la performance possédée de Brandon, rappelant parfois certains groupes de DSBM ou la scène black atmo australienne, le style reste très aérien, avec des guitares calmes aux mélodies douces et apaisantes laissant volontiers la place à des respirations acoustiques et des arpèges de toute beauté, ainsi que des reprises d’autant plus enivrantes et puissantes qu’elles succèdent à des passages atmosphériques particulièrement sereins.
Ce premier titre nous en offre un exemple magistral à 3, 11 minutes, avec ce pattern de batterie dynamique, ces grattes célestes et presque enjouées et ces hurlements tellement vibrants de douleur qu’ils en sont presque beaux ; la six cordes pleure des notes oniriques et hallucinées, puis c’est un nouveau blast qui vient achever de nous étourdir sur un titre magistral de plus de neuf minutes nous secouant en tous sens, et nous laissant vidés et béats, tiraillés entre souffrance et plénitude.
Oui, on l’a dit, la musique sur ce
Home a déjà été maintes fois entendue, et parfois, on croirait à s’y méprendre entendre un bâtard entre le Dustwalker de
Fen et le Sunbather de
Deafheaven : les Canadiens nous inondent d’une musique très mélodique, reposant sur des riffs lumineux qui nous irradient d’une chaleur solaire (Shoreless, court morceau instrumental tout en sensibilité planant et onirique, ce superbe passage à 2,13 minutes de
Thirst qui rappelle les moment les plus poignants d’Explosion in The Sky ou Mogwaï), et finalement, les seuls éléments qui la raccrochent à la scène black, c’est la voix insoutenable de son hurleur, ainsi que certains blasts typiques du genre qui reviennent ajouter un peu d’intensité et achever de nous plonger dans une transe extatique.
Oui, mais la différence avec d’autres combos dont je ne citerais pas le nom, c’est que
Numenorean nous offre de superbes compositions, riches, progressives et raffinées, d’une fluidité déconcertante, faciles d’accès et extrêmement touchantes malgré la violence sous-jacente peu commune et qui, point essentiel pour le style pratiqué, nous transportent dans les brumes oniriques d’une musique extrêmement lancinante et émotionnelle.
Finalement, il n’y a rien à jeter sur ce premier album des Canadiens, et malgré un manque d’originalité flagrant,
Home séduira à coup sûr tous les amateurs d’un post black metal aussi sombre que lumineux à la beauté déchirée. Certainement l’un des albums de l’année dans le genre et peut-être même une future référence, qui nous prouve si besoin était que lorsque l’on se donne la peine de chercher, on peut trouver du talent partout, même dans les sous-genres les plus accessibles, mainstream et parodiés.
witchfucker: c´est vrai que la pochette est particulièrement dérangeante et semblerait plus adaptée pour un groupe de grind ou de brutal death. Ceci dit, l´image, qui symbolise le massacre de l´innocence, colle bien avec le concept du groupe. Un extrait du discours promotionnel du groupe, qui éclaire un peu sur les thématiques traitées dans cet album:
" We are all empty and broken in some form or another, so we look for fulfilment through things like money, sex, relationships, drugs, religion, and a variety of other things but, in the end, we ultimately remain void of any true happiness. Perhaps what we are really searching for is the innocence that we once had as a child. However, since we are incapable of ever getting that back, the only place we can perhaps find this comfort once more is in death."
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