Parmi les rares formations metal symphonique à chant féminin turques à venir tenter leur chance de s'illustrer sur une scène metal déjà surinvestie, s'immisce cet expérimenté quintet stambouliote créé en 2009 sur une idée originale de la mezzo-soprano et parolière Damla Kayıhan. Après une période fructueuse en prestations scéniques pendant près de cinq ans, le groupe fera une pause longue de quelque six années, entre 2014 et 2020, avant de revenir plus boosté que jamais dans la course. Etat de fait qui n'aura nullement affecté sa créativité, le combo ayant alors réalisé un inédit matériau compositionnel tout comme d'originales adaptations. Peu à peu, l'ingénieuse araignée tisse sa toile... Aux fins d'un travail en studio des plus minutieux, la troupe accouchera, un an plus tard, de son premier single, «
Web of Lies », l'une des huit pistes de leur introductif album studio, «
Holy Defy », une auto-production déroulant un ruban auditif de 38 optimales et envoûtantes minutes...
Dans ce dessein, aux côtés de Damla se conjuguent les talents de Mehmet Erkut Atay aux guitares et aux growls, Çağrı Çarhacıoğlu (Athor, ex-Magilum) à la basse, Mert Gezgin (Yaşru, ex-
Elysion, ex-Katakomb...) à la batterie et Esra Gezgin (ex-Magilum) aux claviers. Avec la participation, pour l'occasion, de Koray Onur Alarslan à la programmation/orchestrations, l'opus bénéficie d'arrangements instrumentaux de fort bon aloi. Témoignant de la finesse de plume de son auteure, Damla, et de l'inspiration compositionnelle de Çağrı, l'énergisant, orientalisant et enivrant set de partitions, au demeurant proprement enregistré au
Circus Studio, jouit également d'un mixage bien équilibré signé Emircan Ünsev. Ce faisant, on effeuille une œuvre rock'n'metal mélodico-symphonique et progressif, dans le sillage d'
Epica,
Dark Sarah,
After Forever,
Stream Of Passion et
Diabulus In Musica, la touche personnelle en prime. Mais embarquons plutôt pour une traversée au long cours en quête de quelques terres d'abondance...
Quand nos acolytes nous projettent sur un torrent de lave en fusion, ils trouvent sans mal les clés pour aspirer le tympan. Aussi, c'est d'un battement de cils que le refrain catchy aux senteurs orientales émergeant de l'enjoué «
Holy Defy » nous happera. Une grisante offensive dans le sillage d'un
Epica de la première heure calé sur le classique mais poignant schéma oratoire de la belle et la bête, les angéliques inflexions de la mezzo-soprano n'ayant de cesse de faire écho aux growls ombrageux de son comparse. Dans la veine de
Metalwings, on ne saurait davantage éluder « The World's
Rising », un saillant et pénétrant up tempo aux breaks bien amenés, parsemé de délicates gammes au piano et surmonté d'un flamboyant solo de guitare. Enfin, on retiendra le vitaminé « Kangren » qui, non sans nous renvoyer aux premières gammes de
Stream Of Passion, nous fait montre d'un opportun positionnement de ses reprises et accélérations.
Lorsque le message musical tend à se faire techniquement plus complexe, il n'en recèle pas moins de prégnants arpèges d'accords. Ce qu'illustre, d'une part, l'entraînant single «
Web of Lies », un mid tempo aux riffs roulants, à mi-chemin entre
Diabulus In Musica et
Epica, propice à un headbang bien senti. Feignant de nous dérouter au regard d'une ligne mélodique aussi tortueuse qu'énigmatique et d'enchaînements intra piste peu sécurisants, eu égard à ses insoupçonnées et galvanisantes variations rythmiques, l'intrigant « Yokluktan
Once » parvient, quant à lui, à nous retenir un peu malgré nous. Tout aussi déroutant mais guère moins infiltrant, recelant en prime un fin legato à la lead guitare, l'énigmatique et théâtralisant mid tempo « Medusa » ne lâchera pas sa proie d'un iota.
En venant parfois à ralentir un tantinet le rythme de ses frappes, le collectif parvient là encore à nous rallier à sa cause. Ainsi, doté de riffs crochetés, suivant une sente mélodique des plus engageantes et décochant un bref mais sémillant solo de guitare, le mid tempo « Hour of
Reaper » dévoile de séduisants atours. Une délicate offrande au carrefour entre
After Forever,
Epica et un Within
Within Temptation de la première heure, mise en habits de lumière par les magnétiques envolées lyriques de la princesse.
Plus encore, à la lecture de ses hypnotiques séries d'accords esquissées par le maître instrument à touches et encensée par les troublantes oscillations de la maîtresse de cérémonie, la romantique power ballade « Kayboldum » fera voler en éclat le plafond de verre. Sans doute l'une des gemmes de la rondelle.
A l'issue d'un parcours aussi tourmenté qu'enivrant, force est d'observer un réel potentiel technique se dessiner doublé d'une production d'ensemble et d'arrangements de bonne facture. Pourtant exempt de bémols susceptibles d'altérer l'écoute de la galette, le set de compositions laissant également entrevoir une inspiration mélodique que certains de leurs pairs pourraient jalouser, d'aucuns auraient peut-être espéré une proposition plus variée sur les plans atmosphérique et vocal et des exercices de style plus diversifiés que ceux dispensés ; fresques, instrumentaux, duos en voix claires... sont autant de cordes manquant à l'arc de nos valeureux gladiateurs pour espérer inquiéter leurs plus féroces opposants. Toutefois, ayant consenti à l'une ou l'autre prise de risque, témoignant d'une empreinte vocale des plus pénétrantes et surtout une ambiance des plus engageantes, le mal n'est pas grave. Le combo turc a encore bien le temps d'affûter ses armes pour les rendre plus tranchantes encore. Bref, une exaltante et délicate mais tâtonnante entrée en matière...
Note : 13,5/20
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