Le chroniqueur mais surtout auditeur assidu de metal progressif que je suis est souvent confronté à une situation récurrente dans le cas de groupes débutants. Il s'agit des influences de
Dream Theater. Les new-yorkais, même s'ils n'ont pas inventé le style (
Fates Warning est passé avant) ont laissé une empreinte considérable dans le petit monde du metal progressif, et leur succès a vite suscité des vocations à de nombreux groupes en quête de reconnaissance. S'il est relativement facile de débusquer ceux qui collent de trop près le géant américain, il est en revanche fort agréable de tomber sur une groupe qui assume complètement ses influences. En effet,
Lost Insen, avant de sortir son premier album, se consacrait uniquement à reprendre des morceaux de
Dream Theater. Au moins on sait à peu près à quoi s'attendre avec ce
Here After.
Lost Insen est donc un groupe de metal progressif (vous l'aurez compris), originaire de Tunisie (ce qui est déjà moins courant). Cependant, il n'y a ici aucune sonorité orientale à la
Myrath, l'origine du groupe n'a pas eu du tout d'influence sur la composition. Du côté des détails matériels, rien de bien singulier. Les huit morceaux sont de durées classiques, à l'exception du morceau final, dépassant les douze minutes. La pochette, qui donne un aspect un peu "math metal", n'est pas très belle, et semble avoir été vite faite à l'ordinateur. Il y a une impression de "bâclé" à la vue de cet artwork, qui s'estompe vite heureusement à l'écoute de la musique.
The Greedy Idiot ouvre l'opus, et instaure directement un son lourd, résolument heavy metal, sur un tempo assez lent. On ne retrouve étrangement aucun aspect sur ce titre de l'étiquette metal progressif qui est accolée au disque, si ce ne sont les claviers très discrets à l'arrière-plan, un peu du genre de ceux de Jordan Rudesse. Le chant sur ce titre est bien un chant metal, mais sans rien de particulier, il n'y a pas de feeling qui ferai que ça colle bien à la musique.
Le constat est malheureusement le même pour quelques autres morceaux bien particuliers, mais sera revu à la hausse pour le reste de l'album. Les influences des américains de
Dream Theater sont bien évidemment là, mais il n'est pas question de copie ni de plagiat. Enfin, pas plus que pour la majorité de groupes de metal progressif.
Breaking the Walls fait passer un bon moment à l'auditeur, et rend enfin justice à l'étiquette "progressif" posée sur cet album. En dehors de quelques expérimentations sympathiques, on retiendra surtout de ce morceau le très bon refrain : "Breaking the walls of life, shaking the hands of fate" ainsi que les somptueux chœurs qui le suivent. Dans le même ordre d'idée, et directement à la suite, on atterrit sur un bon
Salvation Path. Le chant s'avère bon, assez grave et un peu rocailleux, mais rien de caractéristique encore une fois. On retombe sur quelque chose de plus mélodique ici, moins sec et moins rude, qui donne un rendu plus progressif actuel à l'ensemble.
Pour faire simple, avec
Lost Insen, plus le morceau est mélodique, plus il est réussi. En effet, pour intéresser l'auditeur sans mélodies entraînantes ou simplement belles, il faut jouer avec les expérimentations ou l'agressivité, deux domaines dans lequel les tunisiens ont beaucoup de mal. C'est pourquoi ils se contentent sur ce disque de jouer simplement leur style de musique, sans vraiment de prise de tête, mais avec des résultats mitigés.
Here After fait passer un bon moment, mais sans plus ; il y a de bonnes idées, mais plusieurs titres sont franchement inintéressants. Ces titres sont juste le résultat de structures trop souvent utilisées et d'un manque de pêche flagrant. Du coup on a du mal à comprendre la différence entre les bons morceaux évoqués plus haut et ceux-ci (The Greedy Idiot,
Rain Will Fall,
Dark Passenger).
Enfin, c'est sans compter sur le morceau final, véritable pièce de choix de douze minutes, nommée
Freedom, It's All About ... L'introduction est douce, tranquille, et voit l'apparition d'un violon, que l'on réentendra quelques fois durant le morceau. Puis la musique monte en puissance, et le chant se fait plus lourd, parfois plus langoureux. Les divers ponts et breaks permettent cette fois au chanteur de s'exprimer pleinement, et on assiste sur ce titre à un regain de qualité de la part de tous les instruments. Les soli sont bien efficaces, recherchés, et donnent le champ libre aux expérimentations (presque les seules de l'opus). Le violon accompagné du claviers produisent à quelques rares moments des sonorités orientales fort sympathiques. Ce long morceau se terminera par une jolie succession de refrains, qui conclurons l'album par la même occasion.
Lost Insen ne s'en sort pas si mal finalement, avec ce dernier titre qui rehausse considérablement le niveau général de l'opus. Rien que celui-ci et les quelques bons morceaux décrits ci-dessus valent le coup d'écouter l'album, et pour les plus enthousiastes d'entre nous, se l'approprier (profitez-en c'est gratuit). Il faut par contre être bien conscient que tout est loin d'être aussi réussi, et que certains passages se révèlent ennuyant. En revanche, là où le groupe tunisien marque des points, c'est sur la question des influences, car celles-ci sont assez bien digérées pour ne pas être ressorties telles qu'elles comme on le voit trop souvent. Le mot de la conclusion serait logiquement que
Lost Insen a sorti un premier disque encourageant, qui je l'espère permettra plus tard au groupe de gagner en qualité, originalité, et personnalité.
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